Produits et marques

Les noms de marque : de Babel à Babybel

Un nom s’inscrit dans un imaginaire collectif et dans des tendances. Cyril Gaillard, Fondateur de Bénéfik en aborde plus précisément deux : les Box et la féminisation des noms de marque.

S’il est parfois difficile de convaincre qu’un nouveau nom peut devenir une nouvelle marque c’est en grande partie parce que l’acte de nommer à quelque chose de sacré. Il arrive aux linguistes et aux historiens de s’entendre sur le fait que l’on ne sache pas exactement comment sont apparues les langues. Sont elles nées a partir d’une racine commune ou bien en des endroits du monde et à des moments différents ? Reste que l’on ne s’étonne pas qu’un Français nomme cheval le noble animal pendant qu’un Anglais galope sur un « horse »; que les Français lisent des livres, les Anglais des books… Babel est un épisode mythique de plus pour expliquer que les humains utilisent des mots très différents pour désigner les mêmes choses.

Nommer

J'ai un job dans la com', par Serge-Henri Saint-Michel

Les mots sont des assemblages de lettres totalement arbitraires comme si une main de géant s’était amusée un soir de cuite sévère a remuer un scrabble dans tous les sens et à dire une fois terminé: cette drôle de chose verte s’appelle une feuille, cet humain miniature se nomme un enfant etc. Il faudrait être presque fou pour se dire que toutes les choses qui nous entourent pourraient porter des noms différents. C’est pourtant bien le cas. Bien sur il y a des origines, des groupes de langues, des sources communes, des étymologies, des histoires. Un mot évolue mais sa naissance première reste difficile à expliquer et, encore une fois, est totalement arbitraire.

Un nom s’inscrit dans un imaginaire collectif

Mais lorsque dans nos sociétés contemporaines, il arrive que nous ayons besoin de nommer une chose, nous ne partons jamais de rien. Nous sommes tous conditionnés dans le bain de notre culture. Trouver le nouveau nom d’une nouvelle marque, c’est toucher à notre inconscient fondamental qui chaque jour nous fait apparaitre comme naturelle la correspondance des noms et des choses. Nous avons alors le choix d’utiliser un nom existant pour désigner une nouvelle entité, société ou produit, qu’importe; c’est la solution la plus simple, ou bien d’inventer un nom, un néologisme. Pour les religions du Livre, Dieu est identifié au Verbe à partir duquel il décide de la création du monde. Pour le Judaïsme en particulier, les lettres sont vivantes et viennent à tour de rôle tenter de convaincre Dieu de les placer en premier dans le nouvel ordre. Ainsi le pouvoir de Dieu est avant tout celui de nommer, les choses n’existent réellement que lorsqu’un nom les définit. Le nom donne vie, il est le début d’une identité et aujourd’hui encore, le début d’une identité de marque.

Cyril Gaillard, Fondateur de Bénéfik

Cyril Gaillard, Fondateur de Bénéfik

Avoir le droit d’être créatif

Le droit a toujours encadré les noms. Sur le plan religieux, nommer est l’expression fondamentale de la puissance divine. Le nom précède la chose qui existe en lui donnant le droit d’exister. Tout naturellement, il a fallu protéger les noms dans nos sociétés d’échanges commerciaux dés l’instant qu’un nom permet en partie la protection d’une marque. De Babel à Babybel, les noms de marques sont protégés comme des coffres fort. La création de néologismes est un art compliqué exigeant tout à la fois de s’appuyer sur des noms existants pour mieux pouvoir s’en détacher pour trouver des noms libres.

D’une certaine manière, le débat sur l’existence de Dieu peut être clos. Car si Dieu existait, à n’en pas douter il demanderait des tonnes de droits d’auteurs. Hors personne me semble t-il ne reverse de royalties pour les mots que nous utilisons chaque jour. A moins que tôt ou tard, il y ait un prix à payer..

Deux tendances : les BOX & la féminisation des noms

1920

1920 n’est pas une date mais le nombre de dépôt de marques, qui en France, contiennent le mot BOX. Comme dans la haute couture il y a des modes de noms et des idées qui se déclinent à l’infini. Époque oblige l’infini tient dans un dé à coudre ou plutôt dans une boite. L’avantage avec une boite c’est qu’on peut tout y mettre, des abonnements de téléphonies mobiles ou Internet, Livebox, Dartybox, Bbox ; des pâtes avec la Pastabox, des produits Halal avec la Halal Box et même des surprises avec la Surprise Box.

Adoptez un livre

Les noms courts ont depuis longtemps le vent en poupe non sans poser quelques problèmes d’ordre juridique, puisque plus un nom est court plus il risque de ressembler à un autre et donc d’entraîner un risque de confusion. Parfois à force d’être utilisés ils deviennent des noms génériques que l’on décline sans limite. C’est le cas aujourd’hui de Box & Co, zut, encore une marque.
Au quotidien on parlait déjà de boites de nuit, de travailler pour une boite pour finir définitivement dans une autre beaucoup moins sympathique. En plus d’être fourre tout, l’autre avantage d’une boite est d’être multiforme. Une boite ou une Box peut être grande, petite, ronde ou carré, indéniable avantage pour pouvoir décliner le packaging d’une offre qui porte ce nom sans jamais le remettre en cause. Il y a des boites à outils, des boites aux lettres et des boites à bijoux. Alors les boites fleurissent ici et là, solution simple des enchanteurs marketing jusqu’à l’overdose.
Car à force d’utiliser le même mot, on a juste envie de le mettre KO sur un ring…de boxe, décidément on en sort pas.

La féminisation des marques : le Sony Vaio rose

La féminisation des marques : le Sony Vaio rose

Le sexe des marques

L’empreinte des femmes

Nous vivons à n’en pas douter une époque teintée de valeurs jusque là féminines. Le rose est à la mode. Et avec lui le goût croissant pour la déco, l’architecture d’intérieure…Le beau sous toutes ses formes s’empare du moindre des objets de consommation courante. La technologie bien sur n’est pas en reste.

Quand Sony lance un VAIO rose, il n’est pas certain, pas certain du tout que seules les Bridget Jones s’en emparent. L’importance croissante du design montre l’influence d’un goût féminin, d’une approche sensible de la réalité, perception qui jusque là, dans sa grande majorité, n’appartenait pas au territoire des valeurs masculines.

Dans ce cadre il n’est pas rare que l’on demande aux créateurs de noms de marque des assemblages de lettres cambrées comme le sont les dos des danseuses de salsa. On veut du raffinement, des « A » en terminaison, marque la plus évidente de féminité d’un nom. La voyelle « O » témoigne bien entendu d’un son grave, un son masculin, sérieux la plupart du temps. Les choses se compliquent quant il s’agît pour des raisons de cohérence de gamme de trouver un nom qui s’achève par « A » mais qui fasse masculin…Essayez, vous verrez, ce n’est pas si simple.

Sex appeal

Les noms de marques, comme le reste des choses, ont donc un sexe. C’est d’ailleurs une manière de les classer à la façon d’un portrait chinois. Si ce nom était une personne, il serait plutôt une fille ou un garçon ? Là encore essayez, vous découvrirez sans doute de drôles d’oiseaux. Ikea, fille ou garçon ? Renault ? Ford ? Général Motors ? Sony ? Coca Cola ? Mondeo ? Orange ? Samsung ?…Bien sur le nom de la marque n’est pas seul responsable de notre sentiment envers elle. Il n’empêche que le sexe d’une marque agît sur notre façon de l’aborder, de la comprendre. Il est une arme pour nous séduire.

Il n’est donc pas surprenant que ces questions se posent quand deux sociétés décident de s’accoupler ou de fusionner pour donner naissance à une troisième. Même chose quand il s’agit de changer de nom. Récemment le groupe CMR devient Exedra, Worms & Cie devient Sequana, Vivendi devient Veolia…que de terminaison en « A » pour de grandes sociétés.

Comme toujours quand il s’agît de sexualité, il ne serait pas surprenant que ces noms là fassent des petits et propagent au fil du temps une empreinte toute féminine.

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Auteur : Cyril Gaillard est le Fondateur de Bénéfik, agence spécialisée en Création de Noms de Marque / Identité de marque. Quelques références récentes : Naturactive pour Pierre Fabre, Swing pour Honda, Axéréal pour Epis Centre & Agralys, Calixir nouveau nom de Vatel.

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