Les polices de caractères influencent non seulement la facilité de compréhension d’un message, mais aussi le ressenti émotionnel qu’il provoque…
Nous avons tous vécu une situation semblable à celle-ci : vous recevez un email vous proposant de refinancer votre prêt immobilier ou peut-être changer de fournisseur téléphonique. L’offre semble fiable au premier abord, mais quelque chose cloche. La police semble-t-il… bizarre ? Du coup, vous vous demandez : « Est-ce une arnaque ? »
Les marques s’appuient sur la typographie pour véhiculer la confiance, la sincérité et la fiabilité. Même si le logo, les photos, le design graphique et l’interface utilisateur sont irréprochables, le doute ou l’inquiétude s’installe dans l’esprit de n’importe qui à la seconde où la typographie ne tient pas sa promesse.
Depuis des années, les designers et les professionnels du marketing savent que la typographie influence l’opinion des individus, même s’ils ne parviennent pas à expliquer précisément pourquoi. Les consommateurs sentent instinctivement lorsqu’une police de caractères n’est pas à la hauteur, ce qui provoque un impact émotionnel subconscient difficile à mesurer. Voudriez-vous suivre les indications d’un panneau d’autoroute écrit en Comic Sans ? Ou souscrire à une assurance habitation auprès d’une compagnie utilisant Papyrus ? Si la réponse est non, pourquoi ?
Nous voulions comprendre comment la typographie induit des expériences, des associations et des sentiments, mais aussi évaluer l’efficacité de diverses polices dans des situations uniques. Les polices peuvent-elles influencer notre réponse aux accroches publicitaires et aux slogans ? Peuvent-elles nous encourager à percevoir le logo d’une entreprise de manière plus positive ? Permettent-elles réellement d’instaurer la confiance entre les marques et les consommateurs ?
Identifier l’impact émotionnel de la typographie grâce aux neurosciences.
Pour répondre à ces questions, Monotype s’est associé à l’entreprise de neurosciences appliquées Neurons pour mettre à l’épreuve nos croyances les plus ancrées et découvrir si différentes polices ont réellement un impact sur notre état émotionnel.
Exploitant ainsi des décennies d’expérience en collecte de données et en neuroscience du consommateur, Neurons a mesuré les réactions subconscientes et conscientes d’individus envers trois polices de caractères différentes : FS Jack, Gilroy, et Cotford. Chacune a été sélectionnée pour sa nature familière, sans être liées à des entreprises connues permettant ainsi d’éviter toute association subconsciente avec une marque existante.
La typographie est un outil servant d’enveloppe à la langue, mais aucun choix de police ne peut être étudié sans prendre en compte le message en lui-même. Pour tester la façon dont la typographie affecte notre réaction à la langue, nous avons choisi des mots évoquant des valeurs de marque essentielles et fréquentes comme la qualité, la confiance et l’innovation.
La typographie joue un rôle crucial dans la communication des valeurs
L’étude a confirmé notre hypothèse : la typographie joue un rôle crucial dans la communication des valeurs telle la confiance, la sincérité ou la fiabilité, et ce même en l’absence de couleur, de logo ou autre élément visuel.
Les résultats ont démontré que le choix d’une police peut stimuler une réponse positive des consommateurs jusqu’à 13%, influant donc sur la reconnaissance de la marque et ses valeurs, ce qui représente un avantage concurrentiel potentiel considérable.
Langage, typographie et culture sont intimement liés donc nous étions curieux d’approfondir l’étude en comparant les consommateurs britanniques avec leurs homologues français. On s’attendait à quelques disparités mais on ne pouvait prévoir à quel point ! Des différences notables y ont été relevées et d’une manière générale, la typographie a provoqué des émotions plus fortes chez les consommateurs en France. Le mot « innovation » par exemple a suscité les émotions les plus fortes chez les britanniques alors que c’est les mots « qualité » et « confiance » qui ont retenu l’attention des français.
La raison pour laquelle deux populations, proches géographiquement, puissent réagir de façon différente à la typographie et aux mots peut s’expliquer en partie par la mémoire culturelle. La France a une histoire distincte en matière de design et, de ce fait, une police particulière peut susciter chez les Français une réaction proustienne très différente de celle des Britanniques. Avec un patrimoine et une culture typographique contemporaine aussi riche et dynamique, est-il si étonnant de trouver chez les français une sensibilité particulière à la typographie ?
La typographie donne aux marques la possibilité de renforcer leurs relations avec leur public
Nous savons désormais que des typographies différentes peuvent susciter des émotions différentes à partir d’un même mot. Elles peuvent orienter le message et laisser une empreinte subconsciente sur le cerveau qui modifie notre sentiment envers une marque.
Nous ne sommes qu’au début de notre projet de recherche mais nous avons réussi à valider certaines de nos convictions et à montrer que les marques peuvent se démarquer en exploitant le pouvoir intrinsèque des polices de caractère. Tout comme la psychologie de la couleur a révolutionné la façon dont les spécialistes du marketing communiquent et s’engagent avec les clients à un niveau profond, l’application de la même approche à la typographie donnera aux marques la possibilité de renforcer leurs relations avec leur public.
Auteure : Marie Boulanger, Brand Designer, Monotype
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À propos de l’étude
Toutes les données contenues dans l’étude ont été recueillies par Neurons et Monotype dans le cadre d’une enquête portant sur l’impact émotionnel de la typographie. L’étude a été réalisée en ligne en auprès de 550 participants au Royaume-Uni et en France, âgés de 18 à 50 ans et résidant, avec une répartition égale des sexes. En savoir plus sur cette étude.
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