Quelle prolifération ! Le pouvoir de séduction des objets connectés a déjà basculé dans l’ère de la banalisation. Tant et si bien que l’on assiste en temps réel à la mort – virtuelle – d’inventions connectées qui ne verront jamais le jour, devant l’indifférence générale ou le rejet des consommateurs et la défiance des investisseurs échaudés : le stylo correcteur d’orthographe, la bouteille détectrice de votre déshydratation, le porte-clé pour chien qui se perd…
Mais évitons les débats sur le thème de la querelle des anciens et des modernes ! Car en effet, les intérêts multiples des objets connectés sont infinis… tout comme la crédulité des hommes et des femmes dans leur capacité à céder aux sirènes séduisantes de la dernière « mode » avant de basculer dans des comportements d’achats compulsifs fatals !
Quelles conséquences d’une (éventuelle ?) dépendance aux objets ?
La question posée n’est pas tant de définir ou décider de ce qui est véritablement utile ou asservissant dans la pléthore des offres existantes ou à venir, mais plutôt d’évaluer les conséquences d’une dépendance pouvant devenir néfaste pour l’individu.
Richesse relationnelle factice ?
Prenons le téléphone portable – l’objet connecté d’avant-garde à l’époque de sa sortie – dont l’utilité n’est éminemment pas contestable… tout comme son inutilité : « Allo, ça va ? Tu es où ?… moi je suis dans le métro là… bon allez, à ce soir ! ». Son utilisation – fortement liée à son accessibilité économique – a fini par générer des comportements addictifs qui, pour certains, ne sont pas sans conséquences. Pour certaines personnes, cette possibilité permanente de pouvoir joindre ses proches peut engendrer, par la fréquence compulsive de leurs appels, une incapacité à approfondir une relation en entretenant indirectement une illusion de proximité. Ce ne sont pourtant pas tant les contenus des échanges que leur fréquence qui sous-tend une idée – factice – de richesse relationnelle.
Solitude ?
En allant plus loin, l’asservissement induit par une utilisation intense peut rendre incapable l’individu de gérer et faire face à des situations de solitude pourtant propices à la réflexion ou à l’introspection… et au contraire favoriser des phénomènes d’angoisse névrotique.
Si l’on transpose la situation à ces nouvelles balances électroniques ou bracelets e-santé bardés de capteurs d’informations et de systèmes d’analyses sur votre état physique, outre le déclenchement possible de comportements hypocondriaques, cette exposition quasi-permanente au compte-rendu de votre état biologique de façon assistée vous coupe de l’écoute de vos propres sensations corporelles.
Cette forme de captation ou de détournement de vos sens peut perturber votre réelle horloge biologique. Ainsi serez-vous apathique car influencé par votre capteur qui aura cru déceler chez vous une sous-dose en magnésium et vous vous infligerez des régimes alimentaires erratiques au gré d’une pesée un peu déprimante pour le moral de tout un chacun mais en fait ponctuelle. A ce régime là, vous risquez surtout la déprime chronique !
Perte de repères, dépendance, psychose, assistanat facteur d’une sclérose de l’esprit… nombreux sont les freins qui devraient rester présents à l’esprit avant de céder à la tentation du progrès technologique.
Sans nier la richesse des apports de ces nouveaux objets qui bouleversent notre quotidien en l’améliorant, finalement, comme pour la plupart des produits, seules la lucidité et la modération sont recommandables et indispensables. On peut s’autoriser quelques excès… mais à condition qu’ils restent ponctuels !
Vive la pluie qui mouille !
Auteur : Louis Comolet, directeur général de l’agence CLTG
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Un article de notre dossier Consommateur & consommation
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