Marchés et cibles

Le point de vente physique, le magasin connecté et les attentes consommateurs

Shopper : Un nouveau consommateur de lieu de vente de proximité est en train de naître. En conséquence, l’utilisation du digital est à revoir dans les lieux de vente physique.

Le e-commerce a séduit les consommateurs par son inépuisable éventail d’offres, sa documentation à foison, sa comparaison facilitée des prix et sa livraison à domicile. Grâce à lui, vous avez accès au dernier produit de votre marque préférée que vous viviez dans la Creuse, que vous n’ayez aucun moyen de locomotion ou que vous soyez handicapé. Fini le temps où une expédition dans la grande capitale régionale était nécessaire.

Les consommateurs les plus mobiles et favorisés en points de vente physiques sont également séduits. Ils utilisent désormais le magasin comme un lieu de renseignements complémentaires et de test. Ils se déplacent pour toucher, sentir – les deux sens manquants encore aux interfaces – et ressentir instinctivement si cela leur est adapté ou non.

Interfaces tactiles : est-ce vraiment que souhaite le consommateur ?
J'ai un job dans la com', par Serge-Henri Saint-Michel

Interfaces tactiles : est-ce vraiment que souhaite le consommateur ?

De plus en plus de pure-players s’interrogent sur la pertinence d’emplacements physiques et les services à proposer. Certains ont mis en place de simples relais de livraison et d’autres de véritables points de vente.

Le click devient mortar et découvre des problématiques comme les coûts fixes d’installation, les horaires d’ouvertures et leur impact sur la masse salariale payée en euros et non en ariary malgache. Ces entreprises, bien dotées en système d’information, savent mieux utiliser le cross-canal et suivre la rentabilité de chaque « apporteur » de vente. Les conseillers de ventes en magasin notent les produits conseillés et le système d’information permet de suivre la corrélation entre la présence magasin et la vente en ligne. La rentabilité d’un magasin physique s’estime désormais avec de nouveaux indicateurs, comme sa capacité à être un relais de réassurance dans l’acte d’achat.

Être un simple mortar dans un monde de click

Fatigué de servir de lieux de test et non de vente, le simple mortar commence à se rebeller. Pour lui, les affaires se complexifient : les coûts fixes du magasin, les présentoirs, le stock… et les vendeurs devenus conseillers gratuits pour ses concurrents en ligne. Ces derniers d’ailleurs peuvent proposer des prix plus bas, grâce aux flux tendus et surtout grâce à un faible taux de retour de marchandise car testée dans le local du mortar !

Bref, devenu le service qualité de groupes ecommerce sans en tirer le moindre bénéfice, il essaie de trouver une solution.

Elle est parfois motivée par la frustration et la colère, un exemple est cette affichette collée devant un magasin : « les chaussures sont à la disposition des clients uniquement. Nous ne sommes pas le cabinet d’essayage d’internet…. » (cf. illustration ci-dessus).

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Comment innover : mettre de l’internet dans le magasin ?

Véronique da Costa, Consultante en stratégie digitale, BeDigitalBusiness.com

Véronique da Costa, Consultante en stratégie digitale, BeDigitalBusiness.com

Partant du principe que les consommateurs mixent les canaux d’information, de tests et d’achat, le magasin devient de plus en plus connecté.

Les services proposés sont généralement la personnalisation de la relation de manière informatique grâce à la carte fidélité, la présence de tablettes multitouch informationnelles ou publicitaires.
Les idées foisonnent pour améliorer le magasin connecté. Un dernier exemple d’innovation est smartKart. Vous faites votre liste sur internet, vous la récupérez en magasin sur votre chariot intelligent, en scannant les produits les items concernés sont barrés et le paiement s’effectue rapidement sans hôte de caisse.

Ses (ré)actions sont axées sur la technologie, avec parfois un aspect ludique – permettre l’envoi sur votre réseau d’une photo de vous avec le pantalon essayé et ainsi avoir le retour de vos fans – et parfois un aspect uniquement business – s’informer en scannant le code barre du produit. Même dans les boulangeries, les interfaces tactiles, où des publicités passent en boucle, se multiplient.

Est-ce vraiment que souhaite le consommateur ? Avez-vous noté dans les galeries marchandes le nombre de tablettes multitouch proposées et combien restent sans utilisateur ?

Le grand défaut de cette réaction technologique est de vouloir à tout prix « robotiser » l’acte d’achat et non la « digitaliser », et ce sans se préoccuper de ce que veut vraiment le client dans un lieu de vente physique.

Le b.a-ba : la relation client et l’expérience achat

Quels sont les segments de clientèles qui achètent en magasin ? Lesquels n’achètent plus ou peu ? Quels produits ou services se vendent mieux en point de vente physique ?

Une analyse complète se baserait sur un tableau croisé à minima avec les segments de clients et les catégories de produits/service par niveau de qualité, auquel il faudrait associer les bénéfices clients d’un achat dans un lieu de vente physique.

Esquissons rapidement une liste non exhaustive de consommateurs achetant dans un lieu de vente physique.

  • Le consommateur sans ordinateur (oui, cela existe encore)
  • Le consommateur qui ne veut pas payer en ligne (idem)
  • Le consommateur qui ne peut pas se permettre financièrement de payer la livraison
  • Le consommateur qui travaille en horaires décalés (les livraisons de nuit sont rares)
  • Le consommateur inquiet ( l’acte d’achat est anxiogène)
  • Le consommateur en recherche d’authenticité ou de produits de qualité
  • Le consommateur qui préfère le produit sous sa forme physique, avec son emballage
  • Le consommateur qui ne peut pas attendre 24 ou 48 heures son produit, etc.

Bref, nous avons des types de clients qui doivent ou préfèrent se déplacer. Observons de plus près le consommateur inquiet. A première vue, ce dernier restera longtemps adepte du lieu de vente physique.

Le consommateur inquiet, la relation client et l’expérience achat

Acheter lui procure de l’angoisse. Il est en quête d’une relation de confiance avec le vendeur. Le consommateur inquiet s’interroge sur presque tout : n’y a-t-il pas une erreur dans la fiche produit en ligne? Les commentaires clients élogieux sont-ils vrais ? Les packs de lait livrés auront-ils une date de conservation assez longue ? Et si j’ai un souci, auprès de qui pourrai-je me plaindre ? C’est encore plus vrai dans les ventes BtoB, cette société existe-t-elle vraiment ou bien est-ce deux jeunes dans un garage ?

Ce consommateur est souvent réfractaire à la relation à distance : les correspondants sont-ils de qualité ? Il est bien informé de l’internationalisation des plateformes téléphoniques et des arnaques sur internet. Il recherche donc le face à face, mais pas n’importe lequel. C’est un consommateur en recherche d’attention. Souvent ce terme est galvaudé et traduit par les mauvais marketeurs comme « service ».

L’attention, c’est autre chose. C’est le fait d’être reconnu comme un être humain et non pas comme une carte bleue avec des jambes qui doit en 15 minutes avoir finalisé son achat. Il attend de la considération ; si vous la lui accordez, il sera prêt à payer plus cher son produit car vous lui procurez un bien-être inestimable, la fin de son angoisse.

Nous avons tous en nous un consommateur inquiet. Il se réveille de temps à autre sur des sujets qui nous sont émotionnellement ou financièrement importants.

Un nouveau consommateur de lieu de vente de proximité est en train de naître

Examinons notre manière d’acheter (= mode de consommation)

Nous avons tous un commerçant, un artisan chez qui nous revenons. Vous savez bien qu’il n’est pas le moins cher, et que le seul outil technologique à sa disposition est sa calculette. Vous revenez pour une seule chose. La première fois que vous êtes venu, vous avez vécu une chose exceptionnelle : une salutation sincère, un sourire chaleureux, du respect, du temps… bref de l’attention.

Combien de lieux physiques sont esthétiquement beaux mais froids, avec des conseillers de vente au sourire narquois. Etre sympathique et attentionné ne s’apprend pas ; les directeurs marketing et commerciaux essaient de pallier à cela en créant des discours et des gestes à apprendre associés à des services.

Pêle-mêle, nous pouvons citer le sourire au téléphone, la livraison à domicile et l’hyper proximité.

Revenons au dernier concept à la mode, l’hyper-proximité ou l’hyperlocalité

Ce concept a pour origine d’être là où est le client, de lui proposer un service adapté où il retrouve du lien, qui mixe internet et local.

La réalité actuelle est que le consommateur fait 500 mètres de plus pour un vrai sourire, pas pour une tablette multi-touch. Vivre un passage en caisse avec des « encaisseurs », qui ont un bonjour et le « vous avez la carte du magasin » mécaniques, ce n’est pas bénéficier de l’expérience d’achat de l’hyper proximité. Nous avons tous vécu des expériences en magasin « robotisé » qui nous donnent envie de laisser nos courses et de courir très loin.

Pour avoir un exemple de retour de consommateur, je vous invite à lire ce post « quand l’expérience client en point de vente devient catastrophique sous prétexte de modernité ! ».

Revenons à notre petit commerçant. Il a une seule caisse et le temps d’attente est un peu long, néanmoins il vous revoit. Il a été effrayé au moment de l’installation du nouveau concept store d’une grande marque de distribution, mais les clients sont partis et revenus. Le discours des consommateurs est que : « c’est trop grand et qu’il y a trop de choses…c’est trop tentant ». En réalité, les clients reviennent car ils ont droit à des compliments, des petites questions pour savoir si tout va bien et en cas de pépin, le petit commerçant écoute gentiment. Il leur offre de temps à autre une orange, une pomme, un bonbon au dernier et les 5 cents sur la note quand ils n’ont pas la monnaie. La survie du commerce de proximité est dans la reconnaissance, pas dans l’équipement technologique.

Les grands groupes en sont assez conscients, puisqu’ils essaient en priorité de racheter le petit magasin alimentaire de la rue.

C’est une bonne nouvelle pour les commerçants en cette période de crise, ils n’ont pas pour le moment à débourser des milliers d’euros pour des technologies pour l’instant peu qualitatives pour garder leurs consommateurs.

Digital, une utilisation à revoir dans les lieux de vente physique

En tant que spécialiste du digital, je suis par contre déçue de voir les nouveaux usages si mal présentés aux consommateurs en lieu physique. Le digital allié au savoir-être des petits commerçants permettrait un essor considérable. La personnalisation automatisée ne peut pas remplacer le sourire vrai.

L’achat dans un lieu physique devient petit à petit un luxe que s’accorde le consommateur : il prend du temps pour faire cet acte, il accepte que le prix soit supérieur pour s’offrir un produit ou un service de qualité réalisé par un professionnel, qui sait faire attention à lui et avec qui il a du plaisir à être en relation. Ce nouveau consommateur est conscient aussi de participer à la défense des emplois de proximité et à la vie du quartier.

Il aimerait, sans doute, pouvoir avoir des renseignements nutritionnels en scannant sa boîte de petits pois, une carte de fidélité, être informé via le réseau social de son fleuriste que les graines tant espérées sont arrivées et que le livreur de son poissonnier va passer dans 3 minutes avec le repas commandé au bureau… mais en échange il ne veut pas que les lieux physiques de vente deviennent un endroit aseptisé.

Pour résumer mon propos, j’encourage ceux qui souhaitent développer un point de vente physique à préférer l’attention accompagnée d’un peu digital, à beaucoup de digital sans relations humaines. Le magasin connecté le sera autant technologiquement qu’humainement ou ne sera pas…

Auteur : Véronique da Costa, Consultante en stratégie digitale, BeDigitalBusiness.com

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2 commentaires

2 Comments

  1. Laurent

    18 mars 2012 à 14:08

    Excellent article, je suis très étonné d’être le premier à réagir…

    Il y a pourtant un paquet de commerçants à qui cela devrait remonter le moral.

    Je travaille personnellement au développement d’une boutique e-commerce de bijoux artisanaux, et pour l’instant, les boutiques physiques sont bien plus performantes ! conseil et relationnel oblige !

    Je comprends vraiment les commerçants qui s’étranglent de rage en devenant les cabines d’essayage d’internet (et qui écrivent des affichettes un peu sèches à l’attention des « mauvais » clients). Mais apparemment, le commerce physique a encore de l’avenir… enfin pour les commerçant qui ne se seront pas étranglés…

    Reste pour eux une difficulté majeure: garder un bon état d’esprit, afin d’offrir à leurs (potentiels) « bons » clients une relation de qualité !
    Pas facile dans un contexte rendu tellement difficile par la volatilité des comportements.

    Laurent.

  2. Dina

    22 mars 2016 à 12:56

    Magnifique article qui parle à la fois aux consommateurs et aux professionnels, notamment venant d’une spécialiste du digital.

    Les humains sont toujours les mêmes et leurs besoins n’ont pas changé depuis la nuit des temps, on leur a juste fait vêtir des dénominations différentes plus à l’air du temps.
    Je rejoins complétement votre avis de professionnelle que la robotisation ou l’hyper digitalisation ne peut substituer le besoin réel de l’humain qui fait appel à ses 5 sens pour reconnaitre, apprivoiser et vivre les choses. Mais peut jouer inéluctablement le rôle d’un facilitateur de l’expérience d’achat.

    Dina

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