Actuellement causé par la crise sanitaire du COVID19, la « retail apocalypse » que nous vivons aujourd’hui est considérablement amortie par la montée en puissance de l’e-commerce. De cette façon, celui qui le peut, s’empresse de créer son espace sur la toile afin de pouvoir vendre ses produits à distance, sans créer de possibles contaminations au sein d’étroites boutiques. Mais avec des sites internet dotés des Intelligences Artificielles les plus pointues, les grandes enseignes ne ressortent-elles pas gagnantes de cette crise ?
E-commerce : la condition de survie
À l’aube du premier confinement de mars, l’ensemble des boutiques traditionnelles sont contraintes de baisser leurs rideaux. Le gouvernement leur reproche la proximité physique qu’elles offrent, un de leur principal avantage par rapport aux puissants rivaux actifs sur le Net. Seulement, les retailers étaient encore loin de penser que des restrictions de plus en plus sévères allaient s’ensuivre. Celles-ci, conditionnées par deux confinements nécessaires en 2020, ont engendré la baisse notable de 8,7% des ventes de produits industriels [1].
Cependant, une hausse de 32% des ventes en ligne de produits sur internet [2] lors de l’année 2020 prouve que les Français ne se sont pas arrêtés de consommer pour autant. Devenus ce que l’on appelle « digitally savvy », ils se sont seulement tournés vers un canal de consommation plus pratique. En effet, la France enregistrait près de 510 000 acheteurs en ligne [3] de plus qu’il y a un an, faisant aujourd’hui un total de 41 millions.
En fin de compte, les e-commerçants, grands gagnants de la crise sanitaire, ont largement pris le dessus sur les commerces non digitalisés et révoltés contre ce nouveau monde connecté. Malgré certaines collaborations avec les enseignes de la grande consommation, les commerces de proximité qui se sont promis de reprendre leurs activités au lendemain de la crise, “vont faire face à une concurrence qui elle a fait un bond de cinq ans en avant”, en plus de “devoir rattraper le retard pris en 2020” [4].
COVID 19 : Facteur de l’amélioration de l’expérience client ?
Cet écart entre les boutiques de proximité, très souvent non digitalisées, et les grandes enseignes qui possèdent un site internet moderne et attrayant existe déjà depuis bien longtemps, et demeure un peu plus profond. Hormis cette chance de pouvoir donner à leurs clients et prospects la possibilité de les visiter à partir de leur domicile, les grandes enseignes deviennent de plus en plus compétentes lorsqu’il s’agit d’hyperpersonnalisation des parcours clients. Pour ce faire, l’IA est devenue l’une des clés pour prédire (61%), segmenter la clientèle (50%) et modéliser le comportement d’achat (46%) [5]. En investissant dans l’IA, les retailers augmentent considérablement leur chance de « Proposer le bon produit, au bon moment et à la bonne personne ».
Toutefois, « Le principal défi [pour l’IA] est et sera toujours les données » comme l’explique Brandon Purcell, analyste chez Forrester Research. En effet, plus les retailers possèdent des données propres et utilisables, meilleure sera la qualité des algorithmes IA. C’est la raison pour laquelle les grandes enseignes participent à cette course à la data, dont elles ne connaissent pas encore la ligne d’arrivée. Souvent, elles « monétisent » leurs données, et s’allient pour multiplier leurs volumétries. Par exemple, en 2018, la régie 3W. Régie en partenariat avec la startup RelevanC, décide de réunir l’ensemble des données transactionnelles possédées par de nombreuses grandes enseignes (Cdiscount, Monoprix, Sarenza, Supermarchés Casino, Franprix, Leader price…). Ainsi, en utilisant les 2,5 millions de transactions réalisées par jour pour chacune de ces grandes enseignes, elles sont en capacité de connaître davantage la clientèle dans le but de mieux les guider dans leurs parcours d’achats.
D’ailleurs, pas plus tard que l’année dernière, la croissance fulgurante des ventes en ligne a entraîné une quantité de données merveilleusement importante (nombre de visites sur leurs sites, parcours client…) offrant ainsi aux retailers de segmenter davantage les consommateurs, de mieux connaître leurs profils, leurs habitudes … En fin de compte, ils se perfectionnent dans leur façon si belle de « proposer le bon produit, au bon moment et à la bonne personne ». Et c’est ce qui a plu aux Français convertis à l’ONLINE, puisque malgré la réouverture des magasins au mois de décembre, ils ont continué à consommer sur les sites internet des enseignes les plus connues, entraînant une hausse de 23% des ventes par rapport à Noël 2019 selon la FEVAD.
Prochaines étapes pour les retailers
Si les retailers utilisaient déjà l’IA pour créer des expériences clients « sur mesure », ils ne peuvent s’arrêter là. Avec la masse de données qu’ils possèdent, l’IA est aujourd’hui en capacité de leur offrir des outils qui leur permettront de parfaire leurs parcours clients, et plus tard de se différencier de manière drastique. Par exemple, des agents conversationnels pourraient prendre le rôle du « conseiller en ligne ». A la moindre question de l’acheteur, le chatbot, entrainé à répondre sur toutes les demandes possibles et imaginables à propos d’un produit en particulier, serait toujours disponible et demeurerait au service du consommateur 24/24. Ainsi, les conseillers traditionnels pourraient être sollicités sur des demandes de plus grandes envergures, nécessitant leurs expertises. L’IA pourrait aussi mettre en relation un consommateur avec le vendeur le plus apte à répondre à toutes ses interrogations, permettant ainsi le télétravail de ces derniers. Évidemment, toutes ces suggestions ne sont que des idées. Mais, ce sont des solutions auxquelles les retailers se doivent de réfléchir pour faire face aux nouveaux comportements d’achats provoqués par la crise sanitaire.
« On voit qu’Internet prend le relai des magasins, même si ce n’est pas suffisant pour compenser la baisse d’activité » selon Marc Lolivier, délégué général de la FEVAD. Si des méthodes comme le « live shopping » ou le click and collect pouvaient faire l’affaire en 2020, il n’est pas certain que les consommateurs s’en contenteront. Aujourd’hui, l’IA est la clé des grandes enseignes pour non seulement compenser le chiffre d’affaires perdu pendant la crise sanitaire, mais aussi pour réinventer l’expérience client, qui « dépasserait le prix et le produit en tant que différenciateur clé de la marque d’ici 2020 » selon des prédictions Frost et Sullivan. D’autant plus qu’avec le nombre grandissant de visiteurs en ligne générant chaque jour de nouvelles données, le degré de confiance que l’humain est capable de placer sur ces IA de plus en plus raffinées, ne serait bientôt plus à remettre en question. La survie de nos enseignes préférées ne dépend donc que de leur créativité, et les consommateurs n’attendent que cela…
Auteure : Shirel Matti, expert Square
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[1] Selon les études de la Banque de France “Covid-19 et économie, les clés pour comprendre”. https://covid19-economie.banque-france.fr/comprendre/les-ventes-du-commerce-de-detail-ont-recule-de-47-en-2020/
[2] Bilan du e-commerce 2020 par la FEVAD ( Fédération e-commerce et vente à distance) publié le 8 décembre 2020
[3]Données de Médiamétrie pour la FEVAD
[4] Selon Pierre Alexandre Biliet, fondateur de Gondola et professeur à la Solvay Business School
[5] https://www.ecommercemag.fr/Thematique/retail-1220/Infographies/-retail-etat-lieux-projets-commerce-346559.htm
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