Le concept historique de l’hypermarché et du « tout sous le même toit » a-t-il vécu ? L’étude sur l’appréciation des hypermarchés par leurs consommateurs, réalisée par UFC que Choisir, donne un résultat sans appel : faire ses courses est devenue une corvée ! Pourquoi? L’ambiance morose, étiquetage des produits, promotions confuses mal réalisées etc, semblent être les responsables. Qu’en est-il de la dimension sonore ? Comment la musique ou plutôt les play-lists avec leurs titres « gold » incontournables sont-ils perçus précisément par les clients et les employés ?
Dans le cadre projet client mené par Groupe Design Conseil et GetSound, respectivement spécialiste du parcours client et agence de design sonore, 400 interviews ont été réalisées au sein d’un acteur majeur de la grande distribution. Une partie de l’étude concernait ainsi l’appréciation globale de l’ambiance sonore par les clients et les employés et, d’autre part, la relation entre la musique diffusée et l’espace qu’elle habille. Nous nous intéresserons ici uniquement à la perception sonore globale.
Quand l’environnement sonore dévalorise la perception client
Premiers résultats: près de ¾ des clients interrogés ne font pas attention à la musique diffusée ! 60% d’entre eux n’apprécient tout simplement pas la musique diffusée ! Résultats a priori contradictoires mais au combien riches d’enseignement. Tout se passe comme si la « musique de supermarché » à l’image de la musique d’ascenseur, plus qu’un style de musique évoquait désormais une des dimensions fonctionnelles de l’espace de vente.
Au même titre que le son du chariot, les bruits des caisses ou des réfrigérateurs, la musique en supermarché est interprétée par nos cerveaux comme un des éléments inhérents de l’espace sonore à neutraliser, comme un bruit de circulation, d’une climatisation au moment de l’endormissement. Et c’est tant mieux, parce que lorsqu’on demande au client de fixer son attention sur la musique en question c’est alors 60% qui ne l’apprécient pas, chiffre d’autant plus étonnant que l’objectif des play-lists est de fédérer le plus grand nombre, mais peut-être qu’il est impossible de satisfaire plus de 60% d’un échantillon de personnes avec une seule play-list.
Dans le même esprit, 87% des clients interrogés ne font pas attention aux publicités diffusées dans le magasin. En majorité, les clients n’identifient pas les publicités comme des prises de parole de l’enseigne ce qui en conditionne fortement l’impact.
Mal mises en valeur, pas assez ciblées, ni implicantes pour les clients, les publicités se fondent au mieux comme une partie de l’ambiance jusqu’à ne plus être écoutées, mais le plus souvent rejetées par 55% des clients interrogés. Un chiffre plutôt proche des 62% de clients qui déclarent ne pas apprécier les messages internes, désagrément parfaitement compréhensible quand on connaît leur nature particulièrement détonante, alors même qu’il témoigne le plus souvent de la volonté du staff à répondre à des problèmes clients spécifiques (demande de prix, attente de conseil…) Ainsi cette dernière catégorie nous rappelle que le magasin est avant tout un espace de service et dans ce contexte l’ambiance sonore, entre autres, touche autant le client que le staff. Or ce dernier est une variable médiatrice de l’expérience client. Même si un des objectifs de l’étude que nous ne détaillerons pas ici a également consisté à poser la question de savoir comment le staff réagit à cette même ambiance sonore, nous pouvons d’ores et déjà conclure que les enseignes ne savent pas prendre la parole dans leur propre espace de vente.
Un environnement sonore subi par les clients
En réalité, les enseignes ne savent que très rarement gérer correctement l’espace sonore tout court au moment même où les termes d’expérience, de sensorialité… et dont le sonore ne peut jamais être exclu, deviennent structurant de leur approche commerciale. En effet, 88% des clients interrogés dans cette étude, soit près de 9 clients sur 10, trouvent que l’environnement sonore est trop bruyant ! Près de 2 clients sur 3 et autant de membres du staff n’apprécient tout simplement pas l’environnement sonore !
La chance des enseignes est sans doute que seulement 1 client sur 2 dit faire attention à l’environnement sonore général, même si 100% le subissent en réalité. Et c’est là que se trouve sans doute une des clés pour les futurs concepts des grandes enseignes : ne plus faire subir une ambiance sonore. Nous parlerons ici de futurs concepts, car les composantes des architectures commerciales actuelles ne permettent que peu d’ajustements rapides et efficaces, en un mot abordables au regard des stratégies actuelles. Il n’en demeure pas moins que quelques précautions dans le choix des matériaux, l’organisation de l’espace, la structuration de cet espace par l’utilisation de faux plafonds par exemple permet déjà de créer des conditions favorables à l’établissement d’un espace sonore mieux maîtrisé. Gérer le confort, et surtout gérer l’inconfort des quelques 9 clients sur 10 qui se disent gênés par l’ambiance trop bruyante doit remonter en terme de priorité en amont du choix de telle ou telle play-list. Non pas que la musique ne soit pas créatrice de valeur, mais parce qu’elle n’est pas en mesure de l’être dans un tel contexte. Nous l’avons dit, l’analyse de la congruence entre la musique et l’environnement est une dimension essentielle de cette étude, mais à ce stade les simples conditions de son utilisation recèlent déjà des réserves importantes de création d’expérience. Et si le zoning, voire la dimension « multi spécialistes » de certains nouveaux concepts se préparent sans doute à devenir le futur de la grande distribution, il est également temps d’en finir avec l’ esprit bazar et nous parlons ici notamment du bazar sonore que la grande distribution a proposé jusqu’ici comme modèle, le principe du même son sous un seul toit.
Quand le design sonore dépasse la musique
Traiter l’espace sonore c’est avant tout le créer : ce qui est prêt, ce qui est loin, ce qui m’attire, ce qui ne me gêne pas, en un mot ce qui caractérise la plupart des espaces de vie : des intensités et des contenus qui varient selon les points de l’espace considérés.
Créer de la valeur avec le sonore c’est d’abord pouvoir entendre, puis le cas échéant écouter. C’est aussi créer des respirations sonores à l’intérieur de l’espace à l’image des fameux points chauds et points froids familiers de la distribution, sauf que l’on parlera plutôt d’un gradient de zones neutres à des zones actives. C’est enfin créer un parcours sonore du client dans lequel toutes les prises de paroles sonores de l’enseigne sont valorisées plutôt que subites par les clients en plus de toutes les autres sollicitations sonores. Ainsi le travail de création de matière du design sonore doit s’accompagner d’un travail d’architecte sonore.
Aujourd’hui la multiplicité des systèmes de diffusion sonore tout comme l’impact des contenus multimedia dans les surfaces de vente doivent permettre une nouvelle mise en forme sonore du parcours clients.
Auteurs : Cécile Cam, consultante pour Groupe Design Conseil ; Hugo Palencher, consultant pour GetSound
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