Afin de constituer une marque valable, un signe doit nécessairement être distinctif des produits et/ou services qu’il désigne.
En effet, une marque enregistrée qui serait descriptive des produits et services qu’elle désigne encourt nécessairement la nullité.
La marque, entre banalité…
Toutefois, un signe d’une parfaite banalité, un mot du langage courant ou une image banale, peut parfaitement constituer une marque valable dès lors qu’il ne renvoie pas directement aux produits ou services qu’il a vocation à désigner.
C’est ainsi que la dénomination « Le Chat » a été déposée à titre de marque pour désigner de la lessive, le terme « Carrefour » constitue une marque qui renvoie à des services de grande distribution ou que la marque « Boulanger » vise des services de distribution de produits ménagers.
A travers ce critère, la loi prohibe tout monopole sur un signe qui serait « la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service » ou désignant « une caractéristique du produit ou du service » qu’il vise.
La fonction principale de la marque est d’identifier l’origine des produits et services qu’elle désigne. Elle ne doit donc pas tromper le public ou priver les acteurs économiques de l’usage du nom usuel ou générique du produit qu’elle désigne. Ce critère de distinctivité s’apprécie au moment du dépôt de la marque.
Une fois enregistrée, seul le juge peut apprécier et prononcer le cas échéant la nullité de la marque jugée descriptive
… et distinctivité
Tel a notamment été le cas dans un arrêt récent du 6 mai 2014 , par lequel la Cour de cassation a annulé la marque « Argane» déposée pour des produits cosmétiques pour défaut de distinctivité.
En effet, l’argane est le fruit de l’arganier, arbre du sud du Maroc, qui est utilisé pour fabriquer l’huile d’argane ou d’argan. Elle constitue ainsi l’un des composants du produit désigné par la marque.
On peut s’interroger sur le fait de savoir si la solution n’aurait pas été différente si le déposant avait retenu un terme fantaisiste, bien que conservant le radical « ARG », tel que par exemple « Arganon ».
Ont également été considérées descriptives, les marques « Crèmes essentielles » , « Pierre d’argile » ou encore « Masque divin » pour désigner notamment des produits cosmétiques, ou encore « Yaourt gourmand » ou « Crème gourmande » pour des produits lactés.
Une marque peut également perdre son caractère distinctif en cours de vie
En effet, tant le droit français que le droit communautaire prévoient la possibilité de sanctionner, dans certaines conditions, le titulaire d’une marque qui du fait de son succès serait employée par une majorité du public comme le nom commun du produit lui-même.
Quand le désintérêt s’en mêle…
Cependant, la simple banalisation d’un terme constituant une marque ne suffit pas à sanctionner son titulaire et lui faire perdre ses droits sur celle-ci, encore faut-il caractériser un désintérêt de sa part.
Un tel titulaire encourrait alors la déchéance de ses droits sur sa marque et perdrait ainsi tout monopole sur son signe qui deviendrait dès lors libre d’exploitation.
C’est dans ces conditions que le titulaire de la marque « Pina colada » désignant des boissons alcoolisées a été déchu de ses droits sur sa marque.
A l’inverse, une marque faiblement distinctive au moment de son enregistrement peut acquérir un véritable caractère distinctif par l’usage continu qu’il en est fait
Ainsi, la prise en compte de l’exploitation de la marque peut conduire à valider des marques très évocatrices, tel a notamment été le cas de la marque « Olives & Oliviers » pour désigner des produits fabriqués à partir de l’olivier ou de son fruit.
Les enjeux à bien choisir le signe que l’on souhaite déposer à titre de marque sont importants. En effet, il est fréquent que des acteurs économiques ayant réalisés d’importants investissements financiers pour le développement de leur marque la voient annuler quelques années plus tard pour défaut de distinctivité.
Il incombe ainsi à tout acteur économique de bien connaître la désignation des caractéristiques et des composants des produits ou services qui ont vocation à être désignés sous sa marque ou de veiller à agrémenter le signe qu’il souhaite déposer à titre de marque d’un attribut de fantaisie si celui-ci est faiblement distinctif.
Enfin, il veillera à ce que le signe choisi conserve sa fonction de marque.
Auteur : Maître Delphine Brunet-Stoclet, Avocat Associée, Cabinet SBL
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(c) ill. Shutterstock – Concept of leader with with many blacks and a colorful umbrella
Ma Boite
2 juin 2014 à 11:52
Merci pour ces informations très intéressantes. En effet il est important pour une marque de se différencier des autres, c’est ce qui va la mener à être plus facilement reconnaissable pour les prospects et les clients.