Le dirigeant d’entreprise est le dernier optimiste/combattant. Tiraillé entre la survie au jour le jour de son entreprise et l’impérieuse nécessité de construire l’avenir, il ne peut pas renoncer à l’action et à la décision. Mais comment garder des marges de manœuvre quand le champ du possible se réduit ? Dans le domaine commercial, l’assistance à maîtrise ouvrage (AMO) revient en force et offre de nouvelles solutions. Inutile d’être Einstein pour comprendre qu’en matière d’externalisation, EM=CE ou encore Expertise + Moyens = Conseil + Exécution.
Contraintes ou non, de nombreuses entreprises se sont recentrées sur leur « core business ». Or le fameux « core » est désormais atteint par la crise. Désinvestir et réduire ne suffisent plus à assurer la marche, voire la survie de l’entreprise.
L’AMO comme réponse au recentrage des entreprises sur leur core business
Cependant, il n’y a pas de fatalité à renoncer au développement et à la recherche de la performance. Il y a même du sens à mieux contrôler les projets qu’on conduit et les prestataires qui les portent. L’AMO offre un triple avantage :
1. En interne, pour des projets « transversaux » (fonctions et/ou business units), elle peut avoir à la fois un rôle d’éclaireur sur les choix à faire et de tiers de confiance dégagé des contraintes « politiques » internes ;
2. Vis-à-vis du projet, l’expertise renforcée qu’elle apporte éclaire et facilite les choix du management qui la sollicite ;
3. Enfin, vis-à-vis du prestataire, l’AMO occupe une place de médiation, d’ailleurs pas toujours facile à maintenir. Garante des intérêts de son client, l’AMO peut aussi servir de conciliateur pour appuyer les partis pris des prestataires. Elle peut aussi agir comme interlocuteur privilégié du prestataire dans les cas de conflit aussi bien pour le « recadrer » – fermement ou non – que pour l’aider à comprendre les réalités du fonctionnement de son client.
Deux « Business-Kers »
L’AMO est en quelque sorte à la marche de l’entreprise ce qu’est le KERS à la Formule 1. Le KERS est ce booster mise en place en 2009 qui permet de récupérer l’énergie de freinage de la voiture pour la transformer en énergie motrice ; pendant un temps donné, selon un usage bien précis, dans un objectif déterminé (dépassement, prise de distance).
Premier exemple. Telle société, par exemple dans la logistique, possède un savoir-faire reconnu, un historique « flatteur » et une base de clients déjà importante. Mais, avec la crise, elle doit se concentrer sur la sécurisation de ses clients existants et l’optimisation de sa production, sans parler de l’allègement de ses contraintes financières. Du coup, aucune ressource interne n’est disponible pour maintenir les efforts de conquête commerciale pourtant prioritaires. En ayant recours à une extension de ses capacités à agir, elle augmente sa puissance d’action à moindre coût et avec prudence.
Autre exemple. Une société en franchise opère un réseau de magasins à destination du grand public. Elle a conscience qu’elle ne peut plus retarder ses projets en matière d’e-businesss si elle ne veut pas laisser filer des opportunités d’affaires nouvelles. Mais ce secteur est relativement nouveau pour elle : elle ne possède pas l’expertise en interne pour le la préparation et le pilotage des projets malgré l’existence de ressources opérationnelles. L’AMO permet de résoudre à la fois les problèmes d’expertise et d’action : elle renforce le pilotage du projet et assure le transfert de compétences aux équipes internes.
Soyons clairs : nous ne cherchons pas ici à pronostiquer si la conjoncture actuelle est « macro-économiquement » favorable ou non au développement de l’assistance à maîtrise d’ouvrage. D’un côté, elle raréfie les projets car les entreprises les annulent ou les réduisent ; de l’autre, celles qui poursuivent leur développement le font aujourd’hui en réduisant leurs effectifs, y compris dans leurs métiers de base. Dans un cas comme dans l’autre, le manque de repères -économiques- et de perspectives oblige le dirigeant d’entreprise à faire preuve d’encore plus d’agilité. De fait, quitte à ne pas savoir réellement où on va, mieux vaut ne pas y aller trop lourdement : restons légers pour tâtonner, et surtout agiles pour avancer.
Dans le domaine commercial, la priorité est aussi à la réduction des dépenses – là comme ailleurs – et à la sécurisation des clients existants, surtout quand il s’agit de « faire rentrer le cash ». Pourtant, la conquête commerciale reste indispensable. La mutation numérique offre les leviers pour maintenir cette performance dans une organisation qui n’est pas forcément celle à laquelle on pense initialement.
On connaissait déjà les sociétés qui opèrent en sous-traitance les fonctions de leurs clients ou qui leur apportent des forces de vente supplétives. On voit désormais apparaître des acteurs qui poussent la logique de la franchise jusqu’à l’e-business (ex. Inspirational Stores). A un degré moins d’externalisation, les ventes et le CRM peuvent s’appuyer sur des dispositifs mixtes (location de capacité – ASP -, « pilotage assisté » en interne).
Qu’illustrent ces derniers faits et les remarques qui les précèdent ? Que la tendance à la « morcellisation » des flux et à l’externalisation de certains maillons isolés s’accélère car elle est devient structurellement possible et conjoncturellement pertinente.
L’AMO reste experte et devient puissante. Elle joue donc un double rôle :
- « Bras droit » : le « consultant externe » apporte son expertise : sectorielle, fonctionnelle…
- « Bras armé » : « l’opérateur de confiance » fournit les capacités d’exécution et d’agilité qui peuvent manquer aux entreprises en situation de repli ou de défense.
En conclusion, l’AMO n’a pas pour objectif d’occuper une place laissée vacante par le management occupé à résister commercialement. Au contraire, elle répond à un besoin de qualité et de rapidité d’exécution ; elle pallie un manque d’expertise interne ; elle accompagne la montée en puissance des collaborateurs qu’elle forme en même temps que les projets progressent. Alors n’hésitez pas : « Il n’y a de long ouvrage que celui qu’on n’ose pas commencer. Il devient cauchemar » (Baudelaire);
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Auteur : Fabrice Bochet, dirigeant-fondateur – Business Force Conseil