Commençons par un rapide arrêt sur image : en quelques années, le contexte des « marcoms » (moyens marketing et de communication) a été complètement bouleversé :
- Fragmentation des media et multiplication des canaux de communication à quoi s’ajoute la révolution internet,
- Un consommateur de plus en plus insaisissable qui reprend le pouvoir face aux marques,
- Mais surtout forte pression sur les départements marketing tant en terme de mesure du retour sur l’euro investi.
Dans ce contexte, jamais les annonceurs ne se sont sentis aussi dépourvus devant la mesure du R.O.I (1) des dispositifs de communication. Faute de la perception de disposer d’outils de mesure transversaux et fiables et des méthodologies adéquates.
« Get serious about accountability »²
C’est sous ce titre que la revue américaine Advertising Age présentait une des tendances de fond de 2008 dans son dossier de janvier. Elle faisait référence à un rapport de l’ANA -équivalent US de notre UDA(3)- de fin 2007. « Malgré d’énormes efforts consentis, 42% des décideurs marketing sont insatisfaits des outils de mesure du R.O.I. marketing à leur disposition. Dans environ la moitié des entreprises, les départements Marketing et Finance ne s’entendent pas sur comment mesurer la contribution du marketing et n’ont aucun outil de mesure en commun. C’est assez ! Face à l’importance critique que revêt l’accountability(4), les entreprises vont recruter un « tsar », un Chief Accountability Officer, afin qu’il mette en œuvre une démarche inter services cohérente et disciplinée sur la mesure de la contribution du marketing et de sa productivité. »
La crise, accélérateur d’ « accountability »
La récession mondiale accroît logiquement la pression des financiers sur l’ « accountability ». La baisse de la consommation qui l’accompagne va consacrer le retour aux vieux réflexes du push marketing et des actions de communication ciblées sur le court terme. Tendance qui va se généraliser sur les mêmes périodes, les mêmes consommateurs et sur les mêmes thèmes délivrés par les mêmes opérateurs. Avec en logique corrélation, la diminution mécanique de l’efficacité, la perte de différenciation et l’affaiblissement de la préférence de marque.
Pourquoi les annonceurs sont-ils insatisfaits ?
Tout d’abord, parce que le ciblage des campagnes marketing issu du media planning traditionnel est obsolète. La multiplication et la fragmentation des media, l’individualisation des comportements liée au mixage des cultures et des influences via les NTIC(5), et le droit à la versatilité retrouvé par le consommateur en général, rendent les outils de ciblage media (âge, CSP, etc.) inopérants à garantir l’efficacité du point de contact entre un message de marque et un acheteur potentiel.
Ensuite parce qu’ils disposent d’outils de mesure limités à chacun des canaux de communication activés. Ils comptabilisent les GRP(6) d’une pub, ou bien le nombre de clicks sur le site Internet, ou encore le taux de retour du mailing, etc. De plus, toutes les grandes familles de canaux de communication ne sont pas couvertes. Comment évaluer l’efficacité d’un investissement de mécénat ou de sponsoring ?
Le R.O.I. des vitrines d’agences commerciales ou des PLV ? Les données de couverture et de fréquence ne garantissent pas davantage le résultat de la trace laissée dans la tête du client.
La dernière source d’insatisfaction est sur la mesure elle-même. La plupart des outils de validation du R.O.I. concernent des performances d’émission, comme les GRP, SOV(7), taux de couverture, fréquence, coût pour mille, etc., en media par exemple. Ces outils sont fondés sur les investissements face à ceux des concurrents, et non sur les performances en réception par la cible, la trace réelle laissée dans la tête des consommateurs. Ainsi, la grande majorité des indicateurs de R.O.I. en restent à la déclaration d’intention. Des millions d’euros sont dépensés chaque année par les annonceurs sans mesure réelle globale de leur rendement. Paradoxe alors que les temps difficiles consacrent le règne de l’« accountability ».
Le Channel Planning au service de l’efficacité des plans de communications
Une approche permet néanmoins de travailler à la meilleure allocation des ressources : le channel planning. Inspiré du media planning, il s’applique à intégrer à la réflexion stratégique nécessaire à l’élaboration des plans de communication intégrés, un conseil sur les investissements media et hors media, permettant de définir le meilleur dispositif multicanal (la stratégie des moyens). Dans le contexte actuel, cette approche est indispensable.
D’une part, elle offre à l’annonceur, une véritable réflexion sur l’ensemble des leviers activables pour sa marque dans le cadre de ses objectifs business. La complexité des canaux évoquée l’implique, la montée en puissance des nouveaux media le réclame. D’autre part, elle garantit une réflexion objective sur les moyens alloués par canaux choisis et le potentiel de chacun d’eux à contribuer à l’atteinte de ces mêmes objectifs. Encore faut-il disposer de compétences spécifiques au-delà de la simple compétence en media planning et le principe unique jugement a priori.
L’audit d’efficacité de la stratégie des moyens
Au-delà du conseil sur l’orchestration des moyens de communication, la mesure de l’efficacité de chacun des canaux choisis est une vraie source d’optimisation et de performance. De nombreux outils sont désormais développés par des sociétés d’études pour permettre de mesurer l’efficacité des campagnes de communication.
Mais ils restent souvent circonscrits à un canal (la mémorisation des campagnes pour la publicité par exemple). Un outil émerge cependant : le MCA® (Market ContactAudit(8)) : il mesure d’une part l’efficacité de l’ensemble des canaux activés par une marque pour influencer sa cible consommateurs vers l’achat de sa marque. Mais Il évalue aussi le message tel qu’il est reçu par le consommateur. Le MCA® met ainsi le client au centre de l’analyse. Il mesure l’importance relative des points de contact avec la marque qui ont influé sur sa décision d’achat, ainsi que la trace mentale laissée par les marques en présence sur ces points de contact.
L’outil comporte une phase qualitative où vont être déterminés les points de contact influents entre marque et consommateurs. Puis une phase quantitative va permettre de hiérarchiser les différents points de contact et de mesurer l’impact de chaque marque sur chacun d’eux. Mise en rapport avec les coûts engagés (par canal), cette mesure d’impact permet de délivrer un ratio d’efficacité coût/impact par canal, comparable entre les différents canaux utilisés (cet outil est notamment développé par www.r-o-i-marketing.com).
La récession est une source d’opportunité
Ces outils ou approches, s’ils apportent de vraies solutions, ne résolvent pas tout. « Les marchés sont des conversations » anticipait le Cluetrain Manifesto il y a 10 ans. Trouver le bon vecteur de communication est une chose, encore faut-il que la conversation soit intéressante. Et qui dit conversation dialogue, pas monologue. Au-delà des l’optimisation, c’est la valeur des concepts de communication, née du conseil stratégique qui fera la différence.
La combinaison gagnante est celle d’un contenu intéressant et d’une stratégie des moyens optimisée qui prend en compte la nouvelle donne de la relation marque / consommateur : le pull marketing (création de désir par la réponse aux attentes consommateur et la viralité qui l’accompagne). Cette combinaison est gagnante car elle est source d’opportunité. Même en période de récession. Qui ne signifie pas arrêt mais baisse et réallocation de la consommation. Réallocation des achats vers des produits et services en affinité. En réponse aux contraintes matérielles pour satisfaire aux besoins et aux attentes émotionnelles pour se faire plaisir. Bien comprendre les nouvelles relations marque / consommateurs issue d’internet – appropriation « opt-in », « on demand » – et y associer une articulation de message et de canaux les plus performants pour déclencher l’achat, est la recette miracle pour les entreprises qui veulent profiter de la crise pour prendre une longueur d’avance sur leurs marchés.
Auteur : Patrick Lecercle, Président de Momentum France
Notes
1 Return On Investment, retour sur investissement
2 Prenons des mesures pour demander des comptes au marketing
3 Union Des Annonceurs
4 Littéralement : responsabilité, le fait de pouvoir rendre des comptes
5 Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication
6 Growth Rating Point, mesure de pénétration théorique sur la cible de communication
7 Share Of Voice, Part de Voix
8 MCA® pour Market ContactAudit®. Le MCA® est une méthodologie inventée, opérée et appartenant à la société Intégration Marketing & Communications Ltd.
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ThierryD
28 novembre 2008 à 10:28
Article très intéressant.
Je pense vraiment que l’Internet est LA solution pour avoir un contrôle précis et fiable des leviers de communication.
Aujourd’hui, la maturité des actions de communication sur l’Internet est atteinte. C’est un média de masse et qui tends a le devenir encore plus avec les générations Internet qui débarquent.
Que pensez vous du fait que l’Internet devrait profiter de la crise pour augmenter sa part de budget dans les budgets globaux de communication ? Les agences vont devoir atteindre un meilleur ROI avec la crise, et seul l’Internet leur permettra de le faire. Non ?
bensassi habiba
3 novembre 2009 à 15:18
bonjour,
je suis doctorante en marketing, je compte mener une étude terrain sur l’efficacité de la communication.
puis je entrer en contact avec l’auteur de l’article (Patrick Lecercle)
Merci
elmehdi elkassimi
14 octobre 2014 à 4:10
Bonjour BENSASSI,
Je suis en M2 Finance et je compte faire un mémoire en ROI d’un programme marketing. Est ce que je trouverai d’utiles supports chez vous ?
Merci
Serge-Henri Saint-Michel
14 octobre 2014 à 16:14
…Je vous laisse chercher 😉