L’industrie automobile est en crise et son mythe en pleine évolution. Aujourd’hui, la mobilité se cristallise davantage autour de l’individu que de l’objet automobile. La mort annoncée de ce mythe n’est pas sans conséquences sur notre conception de la mobilité et du déplacement.
A l’origine du mythe automobile
Lorsque Ford met au point l’industrialisation dans son usine de Detroit, il ne sait pas encore à quel point il vient de permettre à l’automobile de franchir une étape cruciale dans son développement. De devenir un symbole de progrès, démocratisé et partagé par tous. Car en facilitant les déplacements de ses contemporains, l’automobile améliore leur qualité de vie et marque le début de la société de consommation de masse.
Les villes et la perception des distances se voient transformées et l’usage de la voiture se rend peu à peu indispensable, synonyme de liberté individuelle, d’indépendance et d’autonomie. Le progrès lié à l’automobile a marqué une distinction entre les territoires du domicile, du travail et des loisirs, créant ainsi un mythe. Celui de la vitesse, de la découverte, des vacances et des congés payés.
La voiture s’inscrit tout de suite dans l’imaginaire collectif comme un symbole de réussite sociale, indissociable de l’idée de prospérité, qui semblait, avant elle, réservée aux élites.
Il y a trente ans, les DS qui fonçaient sur l’autoroute faisaient rêver les passagers des trains.
De la liberté à la contrainte
Pourtant, aujourd’hui, Ford doit se retourner dans sa tombe. Le modèle de production de masse de l’industrie automobile est obsolète, en pleine déconfiture. Il n’est plus adapté à un marché saturé et vieillissant.
Aujourd’hui ce sont les automobilistes coincés dans les embouteillages sur l’autoroute qui rêvent en voyant passer à près de 300 km/h les TGV.
La voiture est désormais devenue une triple contrainte :
- Philosophique. La sensibilité à l’écologie augmente : les citoyens ont pris conscience du réchauffement climatique et de la responsabilité de l’industrie automobile dans les émissions polluantes. Leur mauvaise conscience se met donc en route en même temps que leur moteur.
- Économique. Avec l’envolée du prix de l’essence, l’automobile devient de plus en plus coûteuse. Elle constitue le premier poste de dépenses en terme de transports.
- Psychologique. Conduire est devenu une pression, une perte de temps. Rien de très positif. Le champ lexical de l’automobile est aujourd’hui davantage lié à la notion de nuisance que de plaisir. Avec le durcissement de la réglementation et de la répression sur les routes, la voiture a perdu son principal attrait, celui de la liberté et de la vitesse.
La fin du mythe ?
La voiture et l’imaginaire qui lui est associé ont très peu évolué depuis ces cinq dernières décennies. Aussi, l’automobile peine aujourd’hui à répondre de manière satisfaisante aux nouvelles contraintes environnementales qui s’imposent au secteur, ainsi qu’aux nouveaux besoins des consommateurs. On ne parlera même pas des nouveaux imaginaires de la mobilité urbaine, encore très éloignés de la vision des constructeurs automobiles.
Ainsi, avant d’être une crise de l’automobile, La crise actuelle qui touche l’automobile est d’abord une crise des modes de vie, une crise des mobilités.
Nouvelles mobilités
Nouveau contexte, nouveaux imaginaires, nouvelles manières de se déplacer. Du statut d’usager dans les transports, nous sommes passés au statut d’individu, autour duquel se structurent les modes de déplacements. La mobilité est aujourd’hui synonyme de personnalisation et d’adaptation. Demain, on parlera même de communauté, avec des groupes d’individus connectés entre eux et synchronisés avec la ville numérique.
Dorénavant, la mobilité s’adapte aux besoins des personnes et s’inscrit dans leur mode de vie. Elle a attrait à l’organisation du quotidien. L’homme mobile devient arbitre de ses déplacements. Il n’y a plus d’un côté les voitures et de l’autre les autres modes de transport.
Notre façon de nous déplacer évolue. Mais, concrètement, qu’est-ce que cela va changer ?
Le domaine de la mobilité va s’ouvrir à de nouveaux acteurs. On entend beaucoup parler de réalité augmentée ces derniers temps. Il se pourrait qu’on entende bientôt parler de mobilité augmentée.
Ainsi, on a vu JC Decaux, prestataire de mobilier urbain, devenir fournisseur de mobilité avec le Vélib’.
De même, on a vu Vinci, société de construction, devenir leader du stationnement et opérateur de mobilité, en s’associant au loueur de voitures Avis pour proposer un service d’auto partage.
A San Francisco, on peut voir Cisco, opérateur de télécommunications, développer le bus le plus intelligent du monde. Géo localisé, ce bus indique précisément en combien de temps il arrivera à destination. Connecté au réseau routier, il est capable de coordonner les feux afin de circuler plus vite et de se synchroniser avec les autres moyens de transport. Vidéo surveillé, il valide automatiquement les titres de transport sans fil.
Autre exemple fort, IBM, dont le cœur de métier est l’informatique, est en train de changer sa plateforme de marque pour se concentrer sur la notion de ville intelligente. Pour l’entreprise, la mobilité n’est plus seulement une affaire de voitures. Les routes aussi ont besoin de s’adapter et de devenir intelligentes à leur tour. Construire un pont ou un rond-point de plus, élargir une route n’est plus toujours possible. Il faut trouver de nouvelles solutions et c’est vers cette voie que s’achemine petit à petit IBM. Leur but ? Intégrer des dispositifs intelligents aux routes et aux automobiles, avec par exemple des capteurs en bord de route, des balises de fréquence radio et des systèmes GPS de positionnement. Dans leur nouveau brand manifesto, on peut ainsi lire que « la circulation ne se résume pas à des files de voitures : c’est un vrai réseau interconnecté. » Concrètement, cela passe par le développement de software et autres systèmes permettant la gestion d’embouteillages à Londres ou par la création d’un péage intelligent à Stockholm.
On l’aura compris, l’évolution de notre façon de se déplacer s’accompagne de nouvelles problématiques pour les acteurs de la mobilité augmentée, à savoir comment gérer la surdensité routière et l’overdose d’informations qui brouillent de plus en plus l’espace urbain ?
Auteur : Adrien Moret
Dossier Marketing-Professionnel.fr sur l’énergie et les transports
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