Depuis toujours, les professionnels de l’aménagement urbain conçoivent des modèles de villes idéales, voire utopiques. Aujourd’hui, on prétend que tout est réalisable grâce à l’innovation et aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Mais à quel prix ?
Face à l’étouffement quotidien dans lequel les citadins se meuvent, des acteurs issus de différents secteurs se rassemblent afin de repenser l’espace urbain et le rôle de la ville de demain. C’est notamment l’objectif du cluster greenandconnectedcities qui réunit des villes, des entreprises, des architectes, etc. autour de projets de villes intelligentes. Comment simplifier les déplacements des citoyens ? Comment désengorger le trafic des automobilistes ? Comment optimiser les trajets en transport en commun ? Quelles technologies appliquées à quels usages ? Comment sensibiliser à des modes de transport alternatifs ? Autant de questions qui se posent et qui placent l’usager au centre de la réflexion.
La ville servicielle : l’usage au cœur du concept
Le service public est-il mort ? Même si elle sonne comme une provocation, on est en droit de se poser la question. Pourtant, aujourd’hui, le concept de ville au service de ses habitants émerge dans les plans d’aménagement et l’on peut notamment souligner l’initiative du projet du Grand Paris, qui a tenté d’impliquer le grand public dans sa logique participative. Malgré la campagne de communication, les contributions restent maigres.
La tendance est à la simplification du quotidien. Abolir les contraintes, gagner du temps, tels sont les buts recherchés. Un problème de stationnement ? L’atelier SFR développe une application permettant de trouver la place la plus proche grâce au système de géo localisation sur mobile. Vous voulez connaître l’horaire exact du prochain bus au bas de chez vous ? Une application RATP vous indique en temps réel cette information. En cas de perturbations du trafic, une solution alternative vous est communiquée afin de ne pas perdre de temps.
La ville isotrope : l’implication de tous et de chacun
Au-delà de ces types de services dont le développement s’accroit notamment depuis l’arrivée des smart phones sur le marché, ne peut-on pas imaginer d’autres solutions encore plus engageantes ? A la fois pour les sociétés qui les développent, mais aussi pour les municipalités qui en assument la logistique et les citoyens, usagers finaux ?
Afin de rendre accessibles des services innovants, il est nécessaire de revoir le modèle actuel, c’est-à-dire de repenser les partenariats public-privé. Les entreprises et les villes ont tout intérêt à travailler ensemble pour satisfaire les nouveaux usages et promouvoir des comportements responsables.
Ce nouveau modèle peut être incarné par l’initiative entre JC Decaux et la municipalité de Lyon, qui, en mai 2005, ont conjointement lancé le concept de vélo en libre service, aujourd’hui déployé dans la plupart des villes de France.
Sur ce modèle, il est fort probable que l’on voit se dessiner dans un futur proche de nouvelles alliances entre les entreprises privées qui disposent de centres de recherche et de développement et les municipalités, qui proposeraient ainsi de nouveaux services à la population, plus en phase avec leur époque et les attentes de leurs administrés.
Ainsi, en Allemagne, la ville de Lemgo propose aux habitants de déclencher eux-mêmes l’éclairage de leur rue à l’aide de leur téléphone mobile grâce à une application disponible sur tout type de terminal, même fixe ! La société qui fournit ce service est dial4Light.
Et les usagers dans tout cela ?
Ces nouveaux services permettent de gagner du temps car ils sont en général sur mesure. Il suffit de renseigner quelques informations ou d’activer un système de GPS sur son mobile. Autant de gestes et d’usages qui semblent anodins. En finalité, toutes ces requêtes initiées par l’usager transcrivent des habitudes de parcours, de consommation, de comportement. Toutes ces informations sont mémorisées par les serveurs qui sont ensuite plus rapides pour satisfaire la demande.
Cependant, ne faut-il pas se demander qui se cache derrière tout cela ? Quel est, au final, l’objectif réellement visé ? La tendance est à la responsabilisation, voire à la culpabilisation du consommateur. Jusqu’alors, seul le discours était utilisé comme moyen de pression. Mais aujourd’hui, l’information est au cœur de l’enjeu ! Elle est invisible mais représente une manne considérable de potentiel business !
En pensant gagner du temps, l’individu se rend dépendant de services et fournit en même temps autant, voire plus, d’informations sur lui-même qu’il n’en faut à une entreprise pour développer de nouveaux services addictifs ! On peut donc se demander si l’innovation est réellement au service de l’usager ? Quant aux municipalités, auraient-elles pris conscience du potentiel de rentabilité de ce type de services en se cachant derrière des discours de citoyenneté ?
Auteur : Audrey Fournier
Sources :
- http://www.greenandconnectedcities.eu
- http://www.cleantechrepublic.com
- http://autour-architecture.blogspot.com/2009_11_01_archive.html
Dossier Marketing-Professionnel.fr sur l’énergie et les transports
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- Les Smart Grids mettent de l’intelligence dans les réseaux électriques, Hélène Blanquet.
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Le secteur de l’énergie et des transports repose sur de nouveaux comportements
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Jean-Pierre
9 juin 2011 à 13:23
C’est très juste, sans doute est-il plus complexe de « monétiser » les prestations de services vers les « usagers » (le terme est en soi assez effrayant quand on parle d’habitants dans des lieux à priori verts et agréable à vivre).
Par ailleurs, le secteur est encore fortement dominé par de grands acteurs industriels qui ne savent pas encore bien comment intégrer cela dans le modèle économique. L’expérience » Enjeu Énergie Positive » qui regroupe nombre de grands partenaires, dont 1 sur les comportements, montre bien la complexité du sujet.
La démarche va vraisemblablement nous arriver des États-Unis comme le montre une des dernières publications – passionnante – du Centre d’Analyse Stratégique sur les « nudges verts »
http://www.strategie.gouv.fr/content/actes-du-colloque-incitations-comportementales-et-environnement
Alphonse
17 septembre 2019 à 11:17
Les villes qui veulent relever les défis futurs et l’évolution sociale, doivent clairement se réinventer constamment et consciemment. Les technologies en constante évolution dans le domaine des TIC, de la mobilité, de l’efficacité énergétique et de l’interaction humaine offrent d’énormes possibilités permettant de rendre nos collectivités plus intelligentes. Devenir une véritable ville intelligente ne s’improvise pas, il est plus que nécessaire de partir de l’ADN approprié, de la connaissance de la ville, de la communauté et des acteurs.
Serge-Henri Saint-Michel
18 septembre 2019 à 7:56
Merci Alphonse. Effectivement, en neuf ans, les choses ont bougé 😉