Les Millennials sont un sujet marronnier, depuis quasiment 30 ans. C’est en 1991 que les historiens Neil Howe et William Strauss imaginent ce nom pour qualifier la génération de ceux nés entre 1980 et 1999. Alors que les plus âgés des Millennials n’ont que 8 ans, Neil et William pressentent que ces « enfants du millénaire » sont amenés à se distinguer fortement de la Génération X et qu’ils méritent un nom signifiant.
Les Millennials représentent, aujourd’hui plus que jamais, une génération qui compte. Rassemblant 24%a de la population adulte de l’Union Européenne, ils ont surpassé numériquement les babyboomers aux Etats-Unis. D’ici 2025, les Millennials représenteront 75% de la population active à travers le monde. A la force du nombre s’ajoute leur pouvoir d’achat grandissant, et l’impact de leurs comportements sur ceux du reste de la population. Génération pivot, leurs comportements pionniers sont annonciateurs de phénomènes de fond. Répondre à leurs besoins et aux challenges qu’ils posent n’est donc pas de l’opportunisme marketing, mais une nécessité pour assurer l’avenir des marques et leurs parts de marché.
Les marques sont mortes, vive les marques
Aussi appelés Génération [wai] (Y), les 18-35 ans questionnent les marques, à la manière de Simon Sinek et bien au-delà. L’évolution de leur rapport à la consommation et aux marques pourrait se résumer en 3 questions fondamentales…
Pourquoi acheter/consommer ?
Si les moins de 35 ans ont toujours consommé moins que leurs ainés, on observe une tendance à la déconsommation. Un phénomène qui se lit dans la baisse du nombre d’achats par an. Cela est la résultante d’un double mouvement. D’un côté la valeur d’expérience est pour les Millennials supérieure à la valeur de possession. Ils ont une idéologie de consommation plus responsable. De l’autre côté, la réalité de leur situation financière les pousse à faire preuve de pragmatisme.
Pourquoi acheter une marque spécifique ?
Selon une étude récente, pour 75 %b des Millennials les marques ont tellement peu de sens qu’elles sont amenées à disparaître ! Papillons dans l’âme et dans les faits, selon une étude récente, 7c Millennials français sur 10 n’ont pas même pas choisi l’une de leurs marques préférées lors de leurs achats sur les 12 derniers mois
Pourquoi payer pour cette marque ?
Les Millennials bouleversent la notion d’élasticité prix. Sans chercher le prix le plus bas, ils font leur propre arbitrage, incarnant, mieux que n’importe quelle génération, la notion de « Trading Up, Trading Down ».
Ces trois questions pointent un challenge marketing de taille : le management de la désirabilité d’une cible hyper volatile.
Penser et agir comme une marque niche
« Niche is the new mass », un antagonisme ? Les Millennials, semblent adhérer massivement au discours et à l’offre produits de marques pointues. Leur stratégie de la rareté, qu’elle soit maîtrisée ou subie, crée l’engouement. C’est l’approche de Supreme. Si sa notoriété n’a cessé de croitre, la sortant de son corner de marque niche de skateurs, sa distribution elle n’a jamais été revue à la hausse. En dépit de la pression de la demande, Supreme fait le choix de réapprovisionner au compte-goutte ses boutiques. Cela donne lieu à des scènes surréalistes d’hystérie in &out of store, et au phénomène de revente lucrative documentée dans le reportage à succès Sold Out.
Nourrir leur quête de sens
La collaboration Pepsi & Kendall Jenner est l’incarnation du champ des possibles à explorer et des limites à se fixer en tant que marque. Certes les Millennials affirment chercher à donner plus de sens à leur vie personnelle, professionnelle et à leurs actes d’achat. Acheter est devenu un acte engagé. Il s’agit de voter avec son (c)addie. Acheter c’est soutenir les actions et les valeurs d’une marque. Ou pas. D’où le succès d’une marque comme Veja, qui non seulement porte la bannière de la mode éthique, mais aussi apporte des preuves et mène des actions concrètes. A contrario quand Pepsi souhaite s’engager et s’appuyer sur une des icônes Millennials Kendall Jenner, le propos ne passe pas. Manque de fond, mise en scène, réappropriation du mouvement Black Lives Matter, les critiques fusent. Clairvoyants, les Millennials, biberonnés au marketing, ont vécu le green washing et rejettent les tentatives plus récentes de social washing. Ils sont vifs, réagissent sur les réseaux sociaux. Le brand bashing n’est jamais très loin. Être vrai, authentique dans son propos, apporter des preuves et agir sont les notions clefs pour une marque souhaitant s’ancrer sur la tendance Good is the New Coold.
D’autres pistes, complémentaires ou exclusives, ont aussi été envisagées avec succès par des marques auprès des Millennials : les impliquer dans la construction de la marque, jouer l’autodérision, les accompagner dans leur construction identitaire individuelle, raconter son mythe fondateur et l’humain derrière la marque….
Les Millennials sont une cible exigeante. Certaines marques, petites ou bien établies, réussissent à les capter, en osant les écouter, innover et se remettre en question au besoin. Des « meilleures pratiques » à suivre et analyser sur la durée.
Auteure : Aurélie Plessier, Directrice du planning stratégique de BrainValue
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Un article de notre dossier Marketing études 2018
a : source Factank
b : étude 2017 Kantar Millwardbrown et Kantar Media
c : étude 2016 par YouGov pour GT Nexus
d : Good is the New Cool, Market like you give a damn, par Afdhel Aziz et Bobby Jones
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