Dans un contexte en évolution rapide, les méthodes classiques de construction de la marque ne suffisent plus. Le consommateur a changé. Son rapport à la marque n’est plus le même. Avec l’internet et les réseaux sociaux, il n’est plus le consommateur passif sur lequel s’est construit le marketing classique. Il peut interagir avec les marques et influencer leur avenir. Il est devenu plus exigeant, mais une fois qu’une marque parvient à créer de l’attachement, il ne se limite pas à être un consommateur fidèle. Il peut devenir son meilleur ambassadeur. D’où l’intérêt de comprendre comment une marque peut sortir du lot, quelle que soit sa catégorie, et devenir une marque attachante.
Émerger puis être attachante…
L’environnement dans lequel évoluent les marques a radicalement changé ces dernières années. D’une part l’avènement du digital crée un nouveau rapport de forces entre marques et consommateurs. Celles-ci ne peuvent plus se permettre de commettre des erreurs : il suffit de quelques clics aux consommateurs pour les dévoiler. Les marques ont perdu le monopole de la parole sur elles-mêmes. Sur toutes les occurrences associées à leur nom sur Google ou Youtube, elles n’en pilotent qu’une infime minorité. Cela ouvre le champ à de nouvelles techniques mettant au service du marketing « l’énergie » des consommateurs, comme la co-création de contenu entre la marque et les consommateurs, dont Doritos aux Etats-Unis reste le cas emblématique.
Par ailleurs, le changement social affecte les relations entre les marques et les consommateurs. Les modèles socioculturels, comme celui du masculin ou celui de la famille, éclatent. Les cibles perdent en homogénéité. Il suffisait d’un imaginaire attractif ou d’une proposition performante pour créer l’identification et l’adhésion de la part de la ménagère de moins de cinquante ans. Elle était homogène, compacte. On savait où la trouver, au grand rendez-vous du prime time, et comment lui parler. Aujourd’hui les cibles deviennent plurielles, éclatées. Un seul discours ne suffit plus à motiver l’ensemble des consommateurs ciblés par une marque, il faut évoluer vers des promesses à géométrie variable selon qu’on s’adresse à une famille traditionnelle, monoparentale, ou recomposée.
Repenser le management de la marque
Ces constats amènent à repenser le management de la marque.
Au fil du temps, les marques se sont construites sur des propositions produit, gages de supériorité (c’était le temps de l’USP), des imaginaires ou territoires porteurs qui généraient de la projection, ou des bénéfices émotionnels. Le marketing a slalomé au cours de ces périodes entre les techniques de la persuasion et celles de l’identification (à des valeurs, des styles de vie, des égéries, des personnalités de marque).
La notion d’attachement dépasse ces techniques et amène à repenser les principes du management de la marque. Lors d’un exercice projectif, une consommatrice nous déclarait il y a peu « l’habitant du monde des marques sort de son lit, il a un dressing Ikéa, il prend son café Nespresso, il regarde ses messages sur son smartphone Apple, saute dans sa voiture Mercedes, s’arrête faire le plein chez Total, travaille chez Samsung, déjeune au McDo, fait une pause au Starbucks, il parle d’argent à son travail, il est tout le temps connecté, ses blagues, c’est « what else » …
L’attachement en question
Comment expliquer que ces marques (et bien d’autres évidemment) soient parvenues à créer autant d’attachement ?
Les marques sont partout. Elles sont devenues des repères culturels, décomplexées et déculpabilisées par rapport à l’époque du « No Logo », souvenez-vous, il y a une petite dizaine d’années seulement où elles étaient sous le feu des critiques. Il n’y a plus de barrières entre culture élitaire et culture populaire. Entre culture classique et culture commerciale. Réfléchir sur l’attachement c’est comprendre qu’il faut dépasser la performance produit. Qu’il faut repenser la notion de fidélité, toiletter celle de préférence et de marketing émotionnel. Les marques attachantes sont celles qui donnent le tempo, celles qui manqueraient aux gens si elles n’étaient plus là. Il s’agit des marques ancrées dans leur époque, résolument « du XXIème siècle » et non plus arc-boutées sur les techniques du XXème siècle. Des marques dont la possession ou l’usage procure un « supplément d’être », c’est à dire boostent notre estime de nous-mêmes, confortent nos choix de vie. Des marques qui nous rassurent et nous confortent, comme nous rappelle le grand théoricien de la psychologie de l’attachement chez l’enfant, John Bowlby, pour qui la quête d’attachement s’apparente à une recherche de sécurité. Des marques qui nous correspondent par leurs valeurs et leur personnalité, avec lesquelles on peut se sentir en proximité. Des marques qui nous aident à nous définir nous-mêmes, socialement et identitairement, à l’âge de la Consothérapie.
Dans ce contexte, nos convictions (et nous n’aurons malheureusement pas la place ici de développer nos approches opérationnelles) sont les suivantes :
- On ne peut plus penser la marque isolément. A l’approche stratégique, qu’on pourrait résumer à l’art de l’influence, doit s’ajouter l’approche systémique, celle du regard circulaire. Chaque paramètre peut influencer les autres. La RSE, le corporate, l‘environnement, l’imaginaire, la proposition produit, la marque employeur… tout est signe et construit un sens qui doit être orchestré de façon cohérente. A cet égard la consommation de Système U nous semble être un exemple intéressant.
- Chaque marque est un cas particulier, il n’y a plus de recettes universelles. Il faut travailler sur un ensemble de paramètres balayant plusieurs thématiques de la marque émetteur au consommateur récepteur, en passant par le champ de concurrence ou la catégorie.
- Dans le cadre d’une analyse multifacteurs nous travaillons plus précisément chez Brain Value sur la culture de la marque, sa capacité d’ubiquité, la confiance qu’elle génère, sa dimension identitaire… et plusieurs autres paramètres résumés dans notre matrice de l’attachement.
Comme le souligne Jean-Noël Kapferer dans son dernier ouvrage l’heure est à « la fin des marques telles que nous les connaissons ». Celles-ci doivent prendre acte des changements et se réinventer pour dépasser la persuasion, ou l’identification. Le marketing de demain s’invente aujourd’hui : ne passons pas à côté de la notion d’attachement !
Auteur : Nicolas Riou, Président de Brain Value et auteur de Marketing Anatomy, les nouvelles tendances du marketing passées au scanner aux éditions Eyrolles.
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Pour aller plus loin
Rendez-vous « Comment devenir une marque attachante » le vendredi 5 avril 2013 de 12h00 à 12h45 au Printemps des Etudes, Palais Brongniart de Paris. Avec Céline Grégoire, Directrice et Nicolas Riou, Président de Brain Value.
Dossier Études Marketing
Études marketing : Les 6 tendances clés pour 2013
Les études marketing face aux marques, aux consommateurs et à la publicité
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