Si d’un point de vue purement chronologique Sorgem IMR a sans doute un peu plus de trente ans, ce chiffre nous est apparu comme la signature adéquate de cet événement par sa portée symbolique…Trente ans c’est en effet la maturité épanouie de l’adulte qui commence à avoir un passé et qui prend toute la mesure du caractère précieux de l’expérience… Mais c’est aussi le temps de l’énergie et de l’action, tournées vers un avenir où tout est encore possible.
30 ans : une unité de temps symbolique
Au-delà de cette analogie générationnelle ces trente ans nous ramènent aussi au cœur des années 80…période où s’enracinent bien des tendances toujours actives de notre époque et qui simultanément marque sans doute l’apogée des croyances et des mythes collectifs que nous voyons s’affaiblir et disparaître progressivement : la consommation et la réussite individuelle, la performance et le travail, le progrès scientifique et industriel comme promesses d’une expansion sans fin de notre modèle social.
En 30 ans tant d’événements ont marqué notre collectivité et bien sûr notre imaginaire, tant de changements intervenus dans nos modes de vie et notre quotidien qui ont façonné notre rapport au monde, aux autres, à notre propre image, modelant et remodelant sans cesse nos désirs, nos aversions, notre façon de voir et d’habiter le monde qui nous entoure.
30 ans c’est aussi une mémoire, celle de centaines de focus groupes, d’interviews, d’observations partout dans le monde.
C’est pourquoi nous avons choisi de faire vivre cette mémoire à travers trois thèmes qui répondent à des aspects structurants de notre quotidien…
Le monde digital et les nouveaux modelages de l’identité…
Les écrans sont les nouveaux miroirs de nos identités. TV ou ordinateur, à travers eux se joue et se rejoue sans cesse la mise en scène de nos identités et de nos différences, de nos pulsions individuelles et de nos enracinements collectifs, de nos idéalisations et de nos fantasmes. Remplissent-ils pour autant la même fonction et sont-ils aujourd’hui investis de la même façon ? Se complètent-ils ou se concurrencent-ils ? Le déploiement dans le quotidien du monde numérique et digital donne la mesure des changements intervenus depuis plusieurs décennies. Outils de communication, photo numérique, Web 2.0…offrent désormais des possibilités de modelages infinis de l’image de soi. L’individu, de spectateur devient metteur en scène de lui-même et peut démultiplier sans contraintes de cohérence ses identités, jusqu’au paradoxe…jusqu’à subvertir les normes traditionnelles du vrai et du faux.
Quels enjeux pour les marques dans ce contexte et comment intégrer cette « plasticité » nouvelle de l’identité du consommateur dans une « plasticité » équivalente pour les marques dans leur mise en scène et leur expression. Une réflexion dont découle naturellement la problématique du cross canal et de l’identité de marque.
La mobilité, ses représentations et ses pratiques paradoxales
Le « Toujours plus » et son expression ultime — l’illimité — se sont construits comme un véritable fantasme collectif au début des années 2000. Fiction ou réalité, les représentations idéalisées du monde et de nos besoins qui en ont découlé ont orienté nos habitudes de consommation vers une mobilité exacerbée (voitures de plus en plus nombreuses et de plus en plus puissantes, diffusion et évolutions technologiques révolutionnant nos modes de communication, multiéquipements…). Mais ce mythe du progrès infini s’est progressivement fissuré. Mis à mal par la crise. Il laisse désormais la place à une bipolarité qui fait co-exister de façon parfois complexe chez le consommateur une aspiration à un « no limit » à la fois plus pointu et plus personnalisé et à un désir de « décélération » de « slow » marqué par le besoin d’une consommation alternative. Comment le marketing de demain devra-t-il gérer ces aspirations? Comment réussira-t-il à intégrer cette demande paradoxale d’aller à la fois toujours plus loin et plus proche, toujours plus vite et plus lentement, toujours plus « riche » mais aussi plus simple ?
Les marques au défi du naturel
Alors que les critères de santé, de naturalité et de développement durable sont de plus en plus présents à l’esprit des consommateurs, les marques sont mises au défi de la transparence et ne peuvent plus « raconter les mêmes histoires ». Soumises à la question du vrai et du faux, du « qu’est ce qu’il y a dedans ? », le récit des marques est en question. Cela signifie-t-il que les marques doivent faire allégeance au réel et « tout dire » sur l’origine, la fabrication, la nationalité de leurs produits? En d’autres termes, faut-il toujours plus de preuves, de labels, sur les packs, dans les pubs ?
Le consommateur est rapidement passé d’un naturel idéalisé mis en scène par les marques à la demande d’un naturel « réel » dont l’impact s’est fait sentir tant au niveau des produits qu’au niveau des codes. Aujourd’hui émergent un nouveau rapport et une nouvelle esthétique d’un naturel plus sensible et sensuel : peut être une chance à saisir pour les marques …
On l’aura compris, quelques lignes de force traversent ces différents thèmes. À travers l’émergence d’un consommateur sur le point d’entrer dans l’ère des identités démultipliées et des paradoxes assumés quel avenir pour quelques concepts marketing pourtant éprouvés tels que celui de « cible », « d’identité et de codes de marque » ? La conférence proposée par SORGEM IMR n’a pas vocation à épuiser le sujet ni à fournir des « recettes » définitives. Elle se donnera néanmoins pour mission de convier les décideurs et les acteurs du marketing à une réflexion que nous souhaitons vivement voir se prolonger au-delà de la conférence elle-même.
Auteur : Maria Di Giovanni, Directrice Associée Sorgem IMR
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