E-marketing

Facebook est mort, vive Facebook !

Où en est Facebook à la veille de ses 10 ans ? A quoi sert aujourd’hui Facebook pour les marques ?

Mortellement blessé par la fuite en masse d’adolescents, bientôt déserté par les marques déçues de la baisse d’efficacité de leurs pages et des professionnels choqués par la nécessité de payer pour faire de la pub, Facebook serait en grand danger, menacé par les nouvelles star sociales. Où en est Facebook à la veille de ses 10 ans ? A quoi sert aujourd’hui Facebook ?

Le 4 février 2014 Facebook fêtera ses 10 ans, au moment où de nombreux experts et articles promettent la fin du plus grand réseau social du monde. Mortellement blessé par la fuite en masse d’adolescents voulant éviter le regard inquisiteur de leurs parents et qui seraient d’un seul coup devenus soucieux de leur vie privée, affaibli par ses dernières initiatives en matière de confidentialité, et bientôt déserté par les marques déçues de la baisse d’efficacité de leurs pages (baisse du taux d’engagement de 3 à 1% entre septembre 2012 et septembre 2013 – source Graph Insider pour le Journal du Net) et des professionnels choqués par la nécessité de payer pour faire de la pub, Facebook serait en grand danger, menacé par les nouvelles star sociales. Marronnier des bilans de fin d’année, où en est Facebook à la veille de ses 10 ans ? A quoi sert aujourd’hui Facebook ?

Quelques chiffres pour ouvrir l’appétit

(Source : eMarketer avril 2013)

J'ai un job dans la com', par Serge-Henri Saint-Michel

En 2013 Facebook c’est :

  • Plus d’1 milliard de personnes dans le monde
  • 63% de pénétration chez les utilisateurs de réseaux sociaux
  • 43% chez les utilisateurs d’internet

Prévisions 2017 :

  • 1,7 milliard de personnes dans le monde en 2017
  • Une augmentation 21 à 26 millions d’individus en France
  • Soit un bon de pénétration de 53% à 58% chez les utilisateurs d’internet français
  • Le taux de pénétration en Europe de l’Ouest va gagner 6 points entre 2013 et 2017 !

Même si vous enlevez les faux comptes, les comptes peu ou pas actifs, cela fait quand même un peu de monde dans la base… En moins de 10 ans, Facebook est devenu le principal carrefour d’audience du web mondial, une espèce de web à lui tout seul. Il s’est imposé comme un tout, un système global protéiforme, une matrice multifonction.

Le mort en sursis vous salue bien !

Oui mais les ados fuient vers d’autres contrées

Ils migrent donc massivement sur WhatsApp, Twitter et Snapchat, pour fuir leurs parents trop curieux et privilégier l’instantané au sein de micro-communautés de niche. Ok, soit. Facebook l’admet. Même s’il faut se méfier des analyses de tendances sans recul et des paris sur l’avenir quand il s’agit d’une cible aussi versatile que les ados.

Mais est-ce si grave pour Facebook ?

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Même si leur influence sur les décisions d’achat est indéniable, le pouvoir d’achat reste encore du côté des adultes. Donc dans une logique purement mercantile ce n’est pas dramatique. C’est également une cible volatile, hyper zappeuse, qui permet de lancer des dynamiques, des tendances mais pas nécessairement de les faire durer dans le temps.

Et si finalement cette désertion était plus une opportunité qu’une menace ? Et si leurs parents étaient devenus les vraies nouvelles cibles du réseau ? Et si ce passage de témoin était indispensable pour construire le Facebook de demain, ce grand journal personnalisé et globalisé que Zuckerberg appelle de ses vœux ?

Sans compter qu’une fois adultes, les ados déserteurs reviendront probablement sur Facebook, plus polyvalent, plus complet, quand ils devront jongler entre travail, famille et loisirs, ils s’apercevront qu’un réseau qui permet de gérer 10 activités à la fois c’est plus pratique que 10 réseaux mono-tâches.

Facebook et les marketeurs : deux grands malentendus

Matthieu Dufour, Fondateur de Sherlock, l’Agence de communication élémentaire

Matthieu Dufour, Fondateur de Sherlock, l’Agence de communication élémentaire

Facebook survivra donc. En revanche, pour nous marketeurs, cela se complique Mais c’est en partie notre faute. D’abord d’avoir cru à un mirage, puis d’avoir sous-estimé les mutations génétiquement incluses dans ces entreprises nouvelle génération.

Le mirage de la quasi-gratuité

Au moment où l’ex-petit réseau d’étudiants grossissait pour devenir LE réseau social intergalactique, le milieu de la communication y a vu une occasion en or de toucher des millions de consommateurs (éduqués, équipés, des early adopters, voire des trend setters) quasi gratuitement. Quelle aubaine ! Un nouveau paradigme, un écosystème original, un modèle nouveau : le marketing devient social, finie la pub à la papa, vous allez voir ce que vous allez voir, les réseaux sociaux c’est complètement différent, venez avec nous, nous allons ouvrir des pages, nous allons fédérer des communautés, vous allez gagnez des des clients fidèles qui aimeront votre marque et feront votre pub à votre place. Le tout pour presque rien.

Hélas, nous le savions pourtant mieux qui quiconque : la pub gratuite cela n’existe pas. Cela n’a jamais existé.

Les pages se sont donc multipliées, souvent à tort et à travers, parfois avec intelligence et discernement, régulièrement sans stratégie, sans idée, sans âme. Fatalement sans autre succès pour la plupart que d’empiler mécaniquement les fans et les likes. Le réseau grossissant, les membres se multipliant et les pages aussi, les posts pullulèrent et il devint très compliqué de s’y retrouver et d’y exister.

Maintenant, c’est donc officiel, il faut payer pour être vu, c’est Facebook lui-même qui le dit. Ouh la la les vilains escrocs. Nous qui pensions que seule la qualité du contenu était prise en compte. On nous aurait donc menti ? Honnêtement, les gars : vous trouvez choquant qu’une marque qui veuille promouvoir son image ou ses produits doive payer ? Pourquoi en serait-il autrement sur Facebook que dans la vie ? A un moment ou à un autre il faut investir dans le contenu, les idées, l’amorçage, la diffusion. C’est comme ça.

Le réseau social « cool »

Le deuxième malentendu, c’est de ne pas avoir voulu prévoir que Facebook ferait évoluer son modèle. Mais c’est une entreprise, pas une association caritative. Il y a peu, Mark Zuckerberg résumait cela de façon assez froide mais lucide : « Les gens pensent que nous essayons d’être cool. Cela n’a jamais été mon but. Je suis la personne la moins cool qui soit. « Nous avons pratiquement dix ans. Nous ne sommes plus un phénomène de ‘niche’ ; ce genre de profil cool, c’est fini pour nous. »

Réseau polymorphe, Facebook a muté, s’est adapté aux évolutions du web, aux habitudes d’un individu lui même de plus en plus complexe, changeant, flou, fluide, accordant un jour sa confiance pour la retirer le lendemain, appréciant le spectacle donné par le court-métrage d’une marque mais se précipitant sur le produit en promo de son concurrent direct avant de plébisciter un autre acteur du marché pour son attitude éthique. Ce n’est probablement pas terminé, c’est pourquoi il est devenu complexe à gérer pour le marketing. Partiellement imprévisible.

Victime de son succès, Facebook en repensant sans cesse son modèle, en violant parfois ses fans, en allant à l’encontre de ce qui semblait être son intérêt, est devenu à la fois un journal, un moteur de recherche, une radio, un café, la place de la cité, un agenda, un café théâtre, une galerie de photos, une cours de récréation. Mais pas nécessairement un endroit où l’on attend beaucoup des marques. Facebook a muté, ce qui est devenu le propre des nouvelles entreprises qui se réinventent en permanence sous les coups de boutoirs des révolutions technologiques.

Ce qui le différencie aujourd’hui des autres c’est sa dimension globale, sa capacité à nous offrir une véritable ubiquité. Quand je suis sur Facebook, je suis à la fois au bureau travaillant ou échangeant avec mes collègues, sur internet pour faire ma veille, au bar avec mes potes, plongé dans l’actualité en temps réel, au spectacle, en train de signer une pétition et en vacances à l’autre bout du monde. Il s’est donc ancré naturellement dans la vie d’une partie de ses adhérents, fenêtre ouverte en permanence sur un monde qui contrairement à ce que l’on entend est bien réel. Favorisant souvent les rencontres, les liens, la découverte.

Comme le dit J-M Lech (Ipsos) « Les médias sociaux réalisent le village global de Mac Luhan (…) Même si on commence à voir des réfractaires aux réseaux sociaux ou d’autres qui se retirent de crainte de trop dévoiler leur intimité, la grande majorité des gens laisse en l’état ce qu’elle a publié sur les médias sociaux. Très peu détruisent des photos ou effacent des propos. Tout simplement parce que cela traduit un désir profond d’être soi, d’exister et de se faire reconnaître en tant que tel. Ce phénomène est à mon avis incontrôlable en dépit des polémiques naissantes autour de la protection des données personnelles et de la vie privée. »

C’est pour cela, entre autres, que Facebook ne décèdera pas (en 2014 tout du moins) mais c’est aussi pour ça qu’il va être de moins en moins utile en tant que support publicitaire, qu’outil marketing. Trop de monde, trop d’activités différentes.

Alors, à quoi sert Facebook ?

La dernière étude d’Éric Enge (Stone Temple Consulting) montre que Facebook n’améliore pas le référencement Google : l’un des derniers arguments des aficionados tombe. Alors Facebook pourquoi faire ?

Pour les marques dans leur ensemble, une vitrine, un lieu d’expression de leur image. Géré intelligemment, avec du contenu de qualité, complété par de l’achat d’espace, le réseau prend logiquement place dans un dispositif multicanal. Mais le Full Facebook, c’est vain. Il faut ouvrir à d’autres réseaux, nourrir un blog, revenir s’occuper de son site, faire des RP, bref mettre en place une véritable stratégie d’influence globale. Est-il utile de rappeler que toute marque n’a pas vocation à générer un engagement que tous les consommateurs ne souhaitent pas nécessairement ?

Pour les love marques, celles dont les produits supposent un fort degré d’implication de la part des cibles, il y a encore un véritable intérêt à entretenir une relation, dialoguer, co-créer, écouter, proposer des nouveautés, tester, offrir des avantages, comme une espèce de club conso nouvelle génération. Pour les entreprises sérieuses et froides cela va devenir compliqué.

Il y a trop de monde. Trop de pages. Et bientôt surement trop de pub…

Au final, en s’institutionnalisant, Facebook risque de devenir un média au fonctionnement plus traditionnel : on y vient pour du contenu, des échanges, des infos et on y est exposé à des pubs. Avec plus ou moins de succès.

En revanche, pour les professionnels du marketing, Facebook est un formidable terrain d’observation des mutations et des tendances, de la complexité contemporaine, un laboratoire gigantesque qui pourrait permettre d’analyser, de tenter comprendre les individus, les consommateurs, les citoyens, et leurs comportements infidèles, zappeurs, complexes, concernés, attentifs, exigeants, changeants.

Facebook est mort, vive Facebook !

Auteur : Matthieu Dufour, Fondateur de Sherlock, l’Agence de communication élémentaire

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Un article de notre dossier Facebook & Marketing

(c) ill. Shutterstock – R.I.P. , Rest in peace letters from pink gerbera flowers alphabet

1111 Citations de Stratégie, Marketing, Communication, par Serge-Henri Saint-Michel
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