Par la simple création de son profil, l’internaute autorise Facebook à utiliser ses nom, photos, données et informations. Il l’autorise également à les vendre à une autre entreprise commerciale partenaire sans contrepartie pour lui.
Cette disposition – bien évidemment non négociable – a soulevé de nombreuses difficultés juridiques aux Etats-Unis, au point que Facebook a été condamnée à d’importants dommages et intérêts, toutefois largement inférieurs au profit réalisé.
Quelle sera la réaction du droit français et quels sont les risques auxquels feront face les entreprises qui décident d’acheter ces profils à Facebook ?
Le risque réside tout d’abord dans la protection large et efficace accordée par le Code civil à la vie privée et à l’image.
En invoquant cette protection, un utilisateur Facebook qui constate que des éléments de son profil ont été exploités par un annonceur pourrait obtenir en référé que cette utilisation cesse immédiatement.
En effet, en droit français, toute entreprise qui utilise l’image d’un individu ou des informations de sa vie privée doit veiller à obtenir de celui-ci un accord explicite et précis qui vise toutes les modalités de l’exploitation (durée, support, objet,…), précisions qui ne sont pas présentes dans les conditions générales de Facebook).
L’annonceur n’aura donc d’autre possibilité que de se retourner contre Facebook pour, le cas échéant, obtenir remboursement au moins partiel du prix versé sans contrepartie réelle, ou même des dommages et intérêts si un préjudice peut être démontré.
Droit de la propriété intellectuelle et exploitation des contenus des utilisateurs
En second lieu, le droit de la propriété intellectuelle peut lui aussi être un sérieux obstacle à l’exploitation des contenus des utilisateurs de Facebook.
En effet, si ces derniers sont censés lui avoir accordé une licence d’exploitation sur tous les contenus, et notamment les photos et les vidéos, cette clause est clairement nulle en droit français.
Or, si les conditions générales sont soumises au droit de l’État de Californie, rien ne permet de dire avec certitude qu’un tribunal qui serait saisi par un utilisateur juge valable la soustraction de cette licence au droit français.
Si cette clause n’est pas licite, la licence ne l’est pas non plus, et l’exploitation des photos et des vidéos est une contrefaçon des droits de l’auteur.
Là encore, l’annonceur qui en ferait néanmoins une exploitation commerciale le ferait à ses risques et périls, sauf à se retourner – et dans bien des cas ce recours devrait être illusoire – à l’encontre de Facebook.
De plus, la licence accordée par l’utilisateur à Facebook prend fin en tout état de cause lorsque les contenus sont supprimés du profil.
Or, si Facebook a commercialisé ces contenus auprès d’un annonceur, c’est avant la suppression des contenus par l’utilisateur et sans connaître la date de cette suppression.
De ce simple fait, l’annonceur peut se retrouver dans la situation d’exploiter des photos ou des vidéos alors que d’après ses propres conditions générales, Facebook n’a plus le droit de le faire.
Droit à l’oubli…
En troisième lieu, reste la question de la protection des données à caractère personnel au sens de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978.
Les nom, prénoms, photos de profil et tous les contenus et informations mis en ligne sont concernés par ce texte.
Or, il permet largement – et demain encore plus, avec l’introduction du droit à l’oubli dans la règlementation – de corriger, supprimer, effacer ou modifier toutes les données qui le concernent.
Rien ne peut garantir l’annonceur qu’il ne sera pas confronté à une demande en ce sens de l’utilisateur, surtout lorsque ce dernier aura supprimé les contenus ou globalement son profil.
Aujourd’hui, Facebook n’a pas les moyens, ni techniques, ni juridiques, de garantir l’annonceur qu’une telle éventualité ne se produira pas.
Acheter les informations sans pouvoir les exploiter, c’est donc bien le risque que les partenaires de Facebook doivent impérativement évaluer avant d’accepter de s’engager.
Auteur : Anne Cousin, Associé du pôle Propriété intellectuelle – Technologies de l’information, Cabinet Granrut, société d’avocats
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Un article de notre dossier Facebook & Marketing
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