Dans le cas présent (cf. décision du TGI de Paris du 4 décembre 2014), cette graphiste n’avait sans doute pas anticipé que cette question serait également posée au Tribunal de Grande Instance de Paris lorsqu’elle l’a saisi pour faire valoir ses droits d’auteur contre son ancien client.
Elle a travaillé pendant 5 ans comme graphiste indépendante au sein du magazine Causette et a, au cours de cette collaboration, apporté tout son savoir-faire et ses propres créations graphiques pour améliorer la maquette du magazine.
L’histoire ne dit pas les raisons qui sont à l’origine de la rupture des relations avec le magazine, mais toujours est-il qu’une fois la relation rompue elle assigne le magazine qui continue selon elle d’exploiter ses créations graphiques (logo, titre de rubrique, typographie …) sans son autorisation.
Il semble donc qu’aucun contrat de cession de droits n’avait été conclu avec elle ou que, s’il existait une clause de cession de droits dans un contrat de collaboration, sa durée était limitée à la durée du contrat lui-même.
En réponse le magazine aurait pu se contenter de contester simplement les demandes de son ex-free lance. Mais ce type de litige sous-tend en règle générale une forte animosité et selon la théorie non juridique dite du « retour de bâton », le magazine ne s’est pas fait prié pour demander à titre reconventionnel qu’il soit fait interdiction à la graphiste d’utiliser sur son blog pour sa propre promotion les créations réalisées dans le cadre du magazine (36 extraits tout de même !).
Le tribunal a analysé les modalités de la collaboration de la graphiste pour en déduire que cette collaboration consistait en réalité en un travail d’équipe sous l’impulsion et la supervision du directeur de la publication.
Le tribunal estime dès lors qu’une telle organisation hiérarchisée de la création de la maquette d’un magazine doit s’analyser comme une œuvre collective au sens de l’article L.113-2 du Code de la Propriété Intellectuelle qui fait de la personne morale à l’origine de cette œuvre le seul et unique titulaire des droits dépouillant ainsi les personnes physiques qui ont pu y concourir.
Le tribunal va dès lors jusqu’au bout de son raisonnement en estimant que si la graphiste se retrouve dépourvue de tout droit d’auteur sur les créations qu’elle a pu apporter dans le cadre de cette collaboration, elle ne pouvait en conséquence pas reproduire ces créations sur son propre blog sans demander préalablement l’accord du seul titulaire de droits à savoir le magazine.
La Fontaine en aurait fait une fable… les Frères Lumière, un film … mais cette graphiste fort dépourvue pourrait, peut-être, tirer quelque élément de l’analyse faite par le tribunal.
Et si cette organisation hiérarchisée pour lequel le tribunal reconnaît au directeur de publication un pouvoir de direction sur la graphiste/free-lance ne pouvait pas trouver une certaine résonance du côté du Code du Travail ?
Le bâton pourrait alors changer de main mais cela est une autre histoire qui a peut-être déjà commencé devant le Conseil de Prud’hommes.
Auteur : Fabien Honorat, Avocat associé chez Péchenard et Associés
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