Le 5 novembre 2009, Steve Ballmer PDG de Microsoft évoquait à Tokyo sa vision de la télévision future. Il la décrivait évidemment connectée, avec laquelle nous dialoguerions oralement et qui intégrerait des fonctions avec un mode de navigation tactile. Pour qu’un tel acteur confie sa vision sur cet avenir, c’est bien que de nombreux projets sont déjà dans ses cartons mais aussi, que la firme de Redmond s’inscrit dans le concert des entreprises s’étant d’ors et déjà positionnées sur ce nouveau modèle. Le dernier Consumer Electronic Show de Las Vegas a été l’occasion de prises de paroles d’experts sur ce sujet qui soulèvent plusieurs interrogations.
Cette alliance TV/Web répond d’un côté à la stagnation prévisible de l’expansion insolente du web et de l’autre à des parts de marché en baisse constante avec le risque, comme en Grande-Bretagne, d’investissements publicitaires inférieurs à celui d’Internet. Nous pourrions aussi ajouter à cela le déclin de l’entertainment sur Internet et une baisse des bannières et vidéo publicitaires sur Internet au bénéfice des liens sponsorisés. La réalité économique aura donc eu raison de l’inimitié entre ces deux médias : leurs relais de croissance ne pourront plus se faire l’un sans l’autre.
La TV on demand et la catch up TV sont devenues banales !
Jusqu’alors, chaque acteur empiétait sur le territoire de l’autre. Les chaînes de télévision investissaient avec plus ou moins de bonheur le web et les acteurs de ce dernier pariaient sur la diffusion toujours plus grande de contenus audio-visuels. Outre Atlantique, de grands networks et de prestigieux studios ont préféré s’entendre et packager des offres telles Hulu ou EpixHD, restant ainsi seuls maîtres des revenus dégagés. A ce sujet, Hulu serait même tenté d’aller plus loin encore avec une offre à péage. Côté Internet, mentionnons Youtube, avec ses 100 millions de membres, qui offre depuis peu des vidéo HD et renforce ainsi son positionnement. Étrangement, les FAI n’ont pris en compte tout l’intérêt d’une convergence TV/Web que plus tard mais leur vitalité actuelle bouscule la répartition des rôles. Aujourd’hui, l’offre « on demand » est devenue banale, la consultation des « catch up tv » monnaie courante, les web séries rencontrent de plus en plus d’audience et les widgets sur TV prennent leur essor …
La convergence internet / télévision entraîne des rapprochements d’acteurs
Aujourd’hui, tout le monde est mobilisé et l’actualité se bouscule : Networks, pure players, FAI mais aussi constructeurs d’écrans, start up ou éditeurs multiplient les accords, achats de start up etc… Petit florilège : Orange a signé un accord avec BesTV (filiale de Shangaï Media Group) pour développer différentes technologies dont l’IPV, la TV sur mobile et la TV ADSL. A cela vient s’ajouter le lancement de sa Set Top Box qui permettra de surfer depuis notre téléviseur fin 2010. Dans la foulée, Orange a conclu un partenariat avec le constructeur LG dont les téléviseurs accueilleront dès mars 2010 un portail orange accessible à tous, comprenant Orange Sport Info, 24/24 actu, Liveradio, vidéo etc… Autre poids lourd d’Internet Yahoo ! qui s’allie avec Samsung pour équiper les 2/3 des écrans plats de ses widgets. SFR a, quant à lui, acquis la start-up WizTivi qui développe des plateformes de widgets intégrés aux télévisions dans le cadre de l’offre IPTV. Enfin, CANAL + a récemment conclu l’intégration de son offre dans le Media Center de Microsoft. La convergence TV/Web est donc en pleine expansion et si on se reporte à l’étude récente de Forrester qui prévoit qu’un tiers des téléviseurs en Europe seront connectés en 2014, on peut convenir que l’évolution sera très rapide.
D’un point de vue économique, les cartes sont rebattues mais tous ne seront pas logés à la même enseigne et les constructeurs vont, sans aucun doute, être les grands gagnants. Si l’on considère que le parc tv est essentiellement un parc de renouvellement là où le haut débit est présent, les constructeurs trouvent ici un levier de croissance inespéré lequel, couplé à la déferlante de la 3D, leur promet de beaux résultats. Pour les FAI, cette opportunité représente une augmentation des revenus publicitaires mais aussi de leurs offres VOD. Les constructeurs associant les FAI leur offrent même une opportunité inattendue en matière de conquête de part de marché où la migration des clients est si difficile. Nous pourrions aussi assister à des joint-ventures entre FAI et network. Côté chaînes de télévision, l’avenir est moins rose puisque leur modèle économique déjà bien mis à mal se voit concurrencé par les acteurs du web sur leur propre terrain. La question sera pour elles de définir rapidement des accords avec les acteurs du web sur le partage des revenus publicitaires mais aussi des contenus. Rappelons à cet égard la bataille que se sont livrés Orange et Canal + sur les droits de la Ligue 1. Le poids des FAI et leur volonté de rivaliser avec les chaînes redistribueront le leadership de l’entertainment. La position la plus délicate sera, sans conteste, celle des ayants droit (producteurs, auteurs, acteurs …). Une loi Hadopi ne saurait suffire à leur garantir un avenir pérenne. Comment les rémunérer puisque les portes d’entrée pour accéder au contenu se multiplient ? De plus, s’il est un domaine qui remet en cause les droits d’auteurs, c’est bien le web.
Social TV et web social
Les commentateurs de cette convergence TV/Web voient les changements d’attitude des téléspectateurs sous deux angles : une individualisation de la consommation et des pratiques « websocial » pour une SocialTV. Nous assisterions donc à un glissement de la pratique web au détriment d’une consommation collective et jusque là passive. Dans cette hypothèse, le nombre d’écrans tv se multiplierait dans les foyers remplaçant ceux des ordinateurs mais perdant ainsi leur rôle de socialisation au sein de la famille. Il resterait néanmoins quelques grandes messes (probablement des directs, voir des séries) mais l’essentiel des 3h24 quotidiennes devant la tv serait une consommation strictement individuelle. Ou ce qui est plus probable, nous pourrions imaginer que ce critère de consommation individuelle tiendrait à la consommation du seul web par le biais d’une iRemonte control, type touchbook. La consommation collective de la télévision perdurerait et toutes les informations connexes au contenu seraient consultables par chacun sur sa iRemonte control. C’est d’un objet de ce type dont la socialTV a besoin pour connaître le même succès que le web social. Le caractère intrusif d’une page web (ou widget) sur l’écran tv est peu imaginable tant le désagrément serait fort.
L’impact de la convergence TV / Internet sur la communication
Dans le monde de la communication, l’avènement d’une convergence TV/web ne sera pas un bouleversement comme l’a été celui du web. Les cartes sont aujourd’hui clairement distribuées entre les généralistes (agence de communication globale) et les spécialistes (pure player, RP etc ….). Ce qui va changer est le volume de créations audio-visuelles qui devrait dans un premier temps favoriser les agences globales rompues à cet exercice. Pour preuve, nous constatons que les spots réservés à la seule télévision se retrouvent quasi systématiquement en début de programme de catch up ou d’autres diffusions audio visuelles sur le web. D’autre part, plusieurs annonceurs réservent aussi certaines productions audio visuelles au seul web et dans ces cas, les productions s’inscrivent dans un dispositif global qui comprend Call back etc…. Ceci étant, les agences digitales apprennent très vite et en ont fait la preuve. Les meilleures d’entre elles se sont singularisées par un changement total d’approche de la communication : l’intégration ! Ce sont ces agences qui ont su introduire un message sur le web pour le faire vivre et le décliner en off-line. Ce positionnement est la clé de la réussite dans un univers qui se joue des supports et où les consommateurs sont de plus en plus en attente d’expérience unique avec les marques. De plus, le caractère social que devrait prendre la TV échappe totalement aux agences généralistes et seules quelques agences spécialisées en maitrisent les codes et pratiques. La grande interrogation repose sur la mesure de l’efficacité des campagnes. Le ciblage qui connaît depuis le web des aléas jusque-là jamais résolu de manière satisfaisante sera d’autant plus délicat qu’avec l’avènement de la TV 2.0 la simultanéité de la consommation sera de mise.
2010 verra se construire des alliances dont les plus spectaculaires devraient être celles passées entre FAI, plateforme vidéo et chaînes de télévision. Leur poids économique respectif et la suprématie auprès du grand public de la télévision parmi les mass-médias les destinent à un avenir commun. Parallèlement, certains FAI pourraient se voir tentés par une aventure indépendante dont les web-séries seraient le fer de lance. Yahoo! en a donné le signal en débauchant récemment la tête pensante des séries de NBC, Ben Silverman. Enfin côté e-téléspectateurs, nous observerons avec beaucoup de curiosité comment ceux-ci concilieront, confortablement installés dans leur canapé, TV et Web.
Auteur : David Velten.
Passé par la création publicitaire puis le planning stratégique, David Velten est aujourd’hui enseignant dans le second degré. Blog : http://cpawam.blogemploi.com
Sam Tho
10 février 2010 à 9:20
Explications limpides pour le consommateur profane!
Lexeul
10 février 2010 à 18:18
Bravo pour cet article, riche de forme et de fond. Alex