A l’heure du boom des réseaux sociaux, les marques ont besoin de traduire leur identité dans les codes du web 2.0. Cette transition s’incarne dans le déploiement d’une langue spécifique. A l’occasion de la publication de notre neuvième étude réalisée en juin 2012, nous présentons 10 critères fondant la qualité d’une écriture numérique, porteuse des valeurs de la marque.
A partir de l’analyse de cinq marques cosmétiques, cinq marques voyagistes et cinq cartes de crédit, l’étude a défini des critères de fond et de forme qui pourraient fonder une écriture numérique de qualité. Ces critères peuvent offrir une signature sémantique qui transmet en plus une relation de courtoisie et fidélité avec l’internaute. Volontairement, ont été retenus trois groupes d’activités différents, afin de les comparer et de percevoir si les critères fondés convenaient à toute marque.
Au travers de cette analyse, se dégagent des éléments de distinction. Tout d’abord, la marque doit acquérir sur les réseaux sociaux une signature de sens. La marque Bourjois, créée il y a près de 150 ans, affiche pour valeurs et éléments identitaires la beauté, la gaîté, la parisienneté, la féminité et la séduction. Marque pétillante, Bourjois sait diffuser avec grâce ses valeurs, en les incarnant dans un langage très reconnaissable, qui constitue sa signature sémantique.
Ce langage est adapté au web 2.0, sans pour autant renoncer à un lexique délicat, savamment mêlé de quelques mots au charme désuet, qui fleurent bon la Parisienne de la Belle Epoque jusqu’à aujourd’hui… Chez Bourjois, on souhaite volontiers une belle journée, on répond avec enjouement sur Twitter, on parle de toilette du visage, et non de démaquillants…
De même, l’aisance de circulation sur le site, et sur les réseaux sociaux, est déterminante. Si l’on prend l’exemple d’Opodo, on constate que l’arborescence web du voyagiste est cohérente. Un système de « boxes » en chaîne permet de circuler rapidement entre la boutique, le blog et la page Facebook. Cette navigation agréable véhicule inconsciemment, pour l’internaute, l’idée que voyager avec Opodo sera aussi aisé. Mais c’est clairement un site de vente. L’achat d’un billet ne sera que le passage d’un voyage virtuel au voyage réel.
La langue web 2.0 ouvre de nouvelles perspectives au storytelling
Certaines marques choisissent de parler à leur public par le biais de porte-parole incarnant leurs valeurs. Le procédé n’est pas nouveau. Ce qui l’est, ce sont toutes les opportunités que le web 2.0 offre à ce type de communication. Il est possible de créer une réelle conversation entre les ambassadeurs de la marque et ses clients.
Ainsi, la Caisse d’Epargne a pris pour ambassadeurs 19 athlètes de l’Equipe de France, préparant les JO de Londres. Dans le cadre de la promotion de sa carte Visa « Esprit JO », ils forment une « Team Caisse d’Epargne », dans laquelle les clients sont symboliquement inclus. Une page Facebook spéciale, forte de plus de 50.000 fans, sert d’interface entre les clients et les athlètes. Les sportifs racontent leur préparation, les clients les encouragent, leur souhaitent bon anniversaire… Les athlètes illustrent les valeurs de la Caisse d’Epargne : la solidarité, la prévoyance, l’esprit d’équipe et de famille. Mais ce n’est pas assez pour indiquer une spécificité sémantique de la banque.
D’une manière générale, les formules de politesse sont en voie de disparition sur le web 2.0. Mais certaines marques maintiennent des formules d’interpellation et de civilité, instaurant le dialogue avec élégance et complicité. A terme, elles devraient être gagnantes, car elles ont pris la peine de créer des codes en accord avec leurs communautés. Ainsi, par mail et sur son site Clubshiseido.fr, Shiseido prend soin de saluer ses clientes par leur prénom. Shiseido va même jusqu’à inciter ses internautes à se respecter les uns les autres et à se conformer à un code éthique, lorsqu’ils produisent des commentaires et émettent des avis sur des produits. C’est à saluer. Ce code garantit la sincérité des feedbacks.
Co-créer du contenu avec les collaborateurs, les clients et les blogueurs
Une marque intelligemment présente sur le web 2.0 élabore un contenu de marque dont le fond rehausse l’intelligence de son offre. Avec la « Boîte à Secrets », Shiseido co-crée du contenu de marque avec sa clientèle en ligne. Cette Boîte à Secrets, qui contient déjà plus de 2.000 billets et avis produits, va beaucoup plus loin que de simples réactions livrées sur le vif.
Marque confidente et bienveillante, l’enseigne cosmétique pose des questions et propose des pistes de réflexion, axées autour du soin, mais instaurant une intimité. Ainsi, Shiseido demande à son public :
« Quel est le meilleur conseil beauté qu’on vous ait donné ? ». Une internaute, Alice, répond : « Pour plaire, n’aie pas peur de déplaire! ».
Plus que jamais, l’authenticité sera confirmée par les collaborateurs, les personnes sources de l’interne. La mobilisation des collaborateurs et/ou des blogueurs pour animer le site et les réseaux sociaux, et tisser un storytelling web 2.0, est un réel critère qui fonde la qualité d’une écriture numérique.
Par exemple, la marque de cosmétique M.A.C met en avant ses maquilleurs professionnels, qu’elle appelle « artistes ». Ces artistes répondent aux mails des clients en demande de conseils. Il est aussi possible de se faire conseiller par chat live. Par ces tweets, les artistes maquilleurs incarnent les valeurs de la marque, née dans le monde des acteurs : théâtralité, américanité, hédonisme et beauté. Lorsqu’un maquilleur tweet sur son trajet en avion, entre deux évènements comme une Fashion Week, le public entre également dans le coeur de l’entreprise, de ses activités et de son calendrier.
Plus il y a de canaux, plus la cohérence de l’ensemble est cruciale
Les meilleures marques conversationnelles observent une cohérence de contenu et de langage sur tous les canaux. A l’heure de l’explosion des galaxies de contenus de marque, plus que jamais est déterminante la cohérence des contenus entre le site et la galaxie des réseaux sociaux, pour que la marque possède une force de frappe, une cohérence.
Chez Boursorama existe une grande cohérence entre le site et le contenu de marque, c’est-à-dire les articles d’informations et de recommandations financières. D’une part, la banque produit un fil d’actualités économiques permanent. D’autre part, Boursorama co-crée même du contenu avec ses clients boursicoteurs dans le cadre de la « rédaction participative ». Les clients dialoguent et débattent entre eux sur les forums de la marque.
Beaucoup de marques étudiées ont conçu des jeux et des concours en ligne pour leurs clients. Cependant, on observe que les jeux proposés par les voyagistes, parce qu’ils recourent aux mêmes recettes, sont menacés à moyen terme de lassitude. Ces marques font deviner le pays d’origine de photos qu’elles publient, de manière répétitive.
Que peut-on affirmer après analyse ? C’est que le dosage des rituels numériques avec un zeste de surprise, pour éviter la lassitude, est nécessaire.
La réactivité de la marque sur les réseaux sociaux est également essentielle. Elle différencie les marques vraiment conversationnelles, et les marques qui occupent uniquement le terrain et les mots-clés, sans véritable stratégie de dialogue. La rapidité et la précision des réponses apportées en direct aux internautes permettent d’entamer une véritable conversation avec la clientèle. L’heure est à l’échange france… Adieu le contrôle. Il faut savoir l’accepter. Il faut prendre en compte avec tact les commentaires négatifs. La gestion amicale et bienveillante des commentaires négatifs donne aux marques réactives l’occasion de développer un langage numérique de la preuve. Une vraie relation peut ainsi se nouer.
Pour conclure, soulignons que, comme toujours, même dans le langage numérique, fond et forme se marient. L’harmonie est de mise. Il faut savoir écrire en distillant ses valeurs. Surprendre ou choquer n’est pas nécessaire. Il faut distraire avec talent et maintenir une relation de qualité, garder du souffle. L’écriture numérique est un sujet continu où Pénélope et Shéhérazade du web devront « filer » en continu, chaque jour, leurs métaphores et leurs contenus et conversations.
Auteur : Jeanne Bordeau, Fondatrice de l’Institut de la qualité de l’expression (bureau de style en langage)
Sur Marketing Professionnel, du même auteur : Une écriture numérique efficace en 10 points
Agence e-commerce
15 juillet 2012 à 21:00
Un très bon article sur l’intérêt de la pertinence et de la qualité des contenus. Avec les différentes mises à jour des algorithmes de Google, j’espère que nous irons de plus en plus vers des contenus qualitatifs pour les internautes et de moins en moins vers du quantitatif d’agences peu scrupuleuses 🙁