Tout commence il y a 15 ans dans un Web hyperportalisé, où la longue traine s’est soudain distinguée, favorisée par la montée en puissance deGoogle, ce moteur de recherche affamé de contenus frais, fréquents et crédibles. L’ère de l’Influence peut commencer. Derrière la somme d’une infinité de petites audiences se cache en effet la puissance d’un web libre, critique et populaire. A travers les forums, les sites personnels, puis les blogs, les conversations naissent, s’enflamment et s’assèchent sur ces espaces propices aux avis et à la discussion qui remontent naturellement dans les résultats du moteur.
Google : le détonateur
Attentives, les marques y détectent des leaders d’opinions. Dans un web déjà conversationnel, les passionnés et les experts prennent rapidement le pouvoir. A l’époque, Xbox par exemple l’a bien compris. Partant d’une poignée de fans, capables de produire spontanément et quotidiennement du contenu de qualité, la marque de jeu vidéo de Microsoft a construit peu à peu en France un réseau d’une centaine de webmasters de sites amateurs, qui vont finir par cumuler hors des radars des instituts de mesure d’audience, plusieurs millions de visiteurs uniques chaque mois; De quoi préparer confortablement une décennie de conversations sincères, positives souvent, critiques parfois, autour d’une marque naissante et à ce moment terriblement challengée face à ses concurrentes.
La détection de tels “influenceurs”, capables de changer le cours d’une conversation, de fédérer des énergies et d’affecter in fine le comportement de millions de personnes indécises devient rapidement un art, dans tous les secteurs. Technologie, voyage, beauté, gastronomie ou politique, aucune thématique n’échappe à la scrutation méthodique des agences et de leurs outils.
La bascule transactionnelle
Si les marques vont se ruer sur l’influence comme l’on se rue sur une bête, d’autres s’y ruent comme sur de l’or : en effet, avec les outils de blogging, les efforts pour produire du contenu diminuent et une nouvelle génération d’éditorialistes apparaît, tant pour s’exprimer que pour profiter de l’aubaine relationnelle avec les marques.
Très vite, les relations “tarifées” vont apparaître. Impatientes, les marques veulent être sûres d’obtenir des retombées, au risque parfois d’écorner la crédibilité éditoriale de l’Influenceur, qui se prête néanmoins généreusement au jeu. D’abord en Nature, via des prêts de produits très longue durée, puis de manière plus ouverte, par des transactions.
Certains influenceurs deviennent “professionnels” : ils vivent de leur capacité à influencer leur audience.
Les régies d’Influenceurs et autres “talents managers” se développent, et les marques accèdent plus facilement aux audiences des influenceurs… et aux métrix qui vont avec. Seulement voilà, quand on parle régie, on parle audience. Volume. Reach. Conversion. En quelques années les opérations “bloggeurs” s’essoufflent car le volume n’est pas au rendez-vous quand on se met à les comparer à des investissements publicitaires. Surtout que depuis quelques temps, il est désormais possible de toucher directement les internautes de manière ciblée, sans passer par la case Influenceurs.
Facebook : le court-circuit
Fast Forward 15 ans. La longue traine a pris un coup. Les blogs aussi. La faute à la reportalisation effrénée du web autour de nouveaux carrefours sociaux qui changent la donne : avec Facebook, on peut désormais toucher chaque internaute directement, avec un message publicitaire massif et ciblé. Les marques et leurs fans se parlent enfin en direct. Pourquoi alors vouloir maintenir des relations indirectes via des Influenceurs ?
De l’autre côté, YouTube est une usine à (vidéo) stars. Les conversations deviennent rapidement des monologues de Youtubeurs, que des hordes de jeunes fans dégustent comme du petit lait. Heureusement que le Live n’est pas loin. Les conversations vont pouvoir reprendre.
YouTube, Instagram, Snapchat : le retour du comeback de l’Influence ?
A-t-on encore besoin d’être un expert pour être écouté? Avec l’avènement des nouveaux réseaux “égocentriques” comme YouTube, Snapchat ou Instagram, c’est le moi qui domine. Ces réseaux, passés maîtres dans l’art de fabriquer des comètes de célébrité pour démontrer que “tout est possible” tolèrent que les marques discutent de promotion de produits et services avec leurs idoles. L’Influence ressemble désormais de plus en plus à de l’endorsement, où les marques rémunèrent des talents à fort bassin d’audience pour (re)présenter leurs produits plus ou moins librement et plus ou moins officiellement.
Ce système a une vertu principale : tenter de faire oublier qu’il s’agit de publicité. Le format est “natif” c’est à dire qu’il prend la forme d’un contenu classique, et qu’il se glisse avec naturel dans le flux des contenus consommés. De plus, il échappe ainsi aux fourches caudines des AdBlockers au succès croissant.
On travaille donc encore avec une toute nouvelle génération d’Influenceurs, plus visuels, plus “live” et plus pragmatiques quant à leur relation avec les marques. Leur passion n’est plus le territoire sur lequel ils s’expriment, mais leur relation avec leurs fans. Merci public !
L’influence en mutation
En 15 ans l’influence a bien changé. Elle prend davantage de formes et recouvre davantage de techniques. Faire de l’Influence aujourd’hui c’est mixer des enjeux PR, des enjeux Marketing et des enjeux Média. C’est comprendre comment naissent les Influenceurs sur le web en général mais aussi sur les plateformes en particulier. C’est comprendre les différents leviers de l’efficacité des contenus. On n’a pas fini de converser.
Auteur : Arthur Kannas, Dirigeant et cofondateur de l’agence heaven
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