Les principes et règles de l’ergonomie web semblent acquis. Mais comment optimiser l’ergonomie sur l’iPhone et sur l’iPad ?
Deux spécialistes de Klee Group répondent à nos questions pointues sur l’ergonomie : Corinne Leulier, expert Ergonome et Responsable de l’équipe Ergonomie & Design Interactif, et Jean-Denis Muys, Chef de Projet, expert en technologies Apple.
Accessibilité, navigation, lisibilité sont les trois caractéristiques de l’ergonomie web. L’iPhone/iPad en suppose-t-il d’autres ?
Plus généralement, on peut caractériser l’ergonomie par :
- la présentation claire des informations à l’utilisateur. La lisibilité est alors un cas particulier de cet aspect
- le choix de modes d’interaction qui sont à la fois la facilité à découvrir ou à apprendre, mais aussi la rapidité à mettre en œuvre avec l’expérience.
L’accessibilité (dans son acception habituelle) est une déclinaison particulière de l’ergonomie pour un sous-ensemble des utilisateurs. Elle est importante, voire essentielle pour toutes les offres informatiques. Elle croise de manière orthogonale tous les autres critères d’ergonomie.
Il reste essentiel de rappeler que l’ergonomie ne peut s’appréhender que dans un contexte qui lie le trio appareil-utilisateur-situation. Les variations dans ce trio peuvent aboutir à des solutions très différentes.
Ceci étant rappelé, si on cherche à identifier en quoi l’ergonomie des applications iPhone/iPad peut se différencier des plateformes plus traditionnelles, on peut relever :
– la gestion du doigt, dispositif de pointage beaucoup plus grossier que la souris, demande de nouvelles modalités de sélection par exemple.
– la présence du doigt, de la main, voire de l’avant bras devant l’écran demande à penser le placement des éléments d’interface de manière à éviter de masquer les informations traitées.
– l’absence de représentation sur l’écran d’un dispositif de pointage ne permet pas l’utilisation d’idiomes tels que le survol.
– les risques de syndrome du bras de gorille (fatigue musculaire), bien que largement évité par le placement horizontal de la tablette, restent encore a prendre en compte en fonction des situations d’utilisation.
Sur un petit écran d’iPhone, les lois de la proximité et de la similarité s’appliquent-elles ?
Clairement oui. Ces lois font partie de la théorie du gestalt qui décrit la manière dont le cerveau perçoit les formes. La prise en compte de ces lois permet ainsi par exemple à Apple d’obtenir une densité d’information très élevée dans une application comme l’album photo, sans que la charge cognitive en devienne particulièrement lourde. L’écran de petite taille de l’iPhone rend plus délicate l’organisation d’écrans qui prennent pleinement en compte les lois du gestalt. Mais le jeu en vaut d’autant plus la chandelle.
Et la Loi de Fitts (le fittsizing) ?
Plus précisément, la loi de Fitts reste essentielle. Elle propose essentiellement deux degrés de liberté au concepteur: la taille et la distance. C’est dans la manière d’apprécier ces deux degrés de liberté que la conception des éléments d’interface aboutit à des conclusions différentes:
- la distance sur l’iPhone perd de son importance. Sur un iPhone, tout est proche. Mais cela reste quand même à relativiser, car la notion de distance change aussi, car la jauge de distance devient souvent le « pouce ». La question devient alors pour l’utilisateur: « ai-je tout à portée de pouce ? »
- la taille change radicalement de portée. Alors que sur un écran d’ordinateur, les bords de l’écran ont la plus grande taille et deviennent des emplacements privilégiés, sur interface tactile, cette particularité disparaît pour favoriser au contraire plutôt le centre de l’écran.
- un troisième paramètre intervient aussi dans la loi de Fitts : le masquage par le doigt ou la main a pour effet d’augmenter virtuellement la distance.
En appréciant globalement ces facteurs, on en vient à identifier des zones favorables sur écrans tactiles qui sont très différentes de celles des ordinateurs.
L’iPhone /l’iPad « génère »-t-il un nouveau type d’affordance ?
Pas vraiment un nouveau type, mais plutôt des variations. Ces variations de l’affordance tournent autour de l’effet tactile et de la grammaire de la plateforme. Le « pincer pour zoomer » ou le défilement au doigt en sont des exemples. Il y a aussi la possibilité de modéliser des modes d’interaction rencontrés sur d’autres appareils, comme par exemple les scratchs des disc-jokeys. Le tactile permet cette modélisation de manière plus affordante que sur desktop, de par la proximité, et même l’intimité, que confère le tactile.
Quelles sont les erreurs majeures à éviter en terme d’ergonomie d’une application iPhone/iPad ?
Il est difficile de donner des règles très spécifiques. La principale erreur est de transposer directement des patterns bien acceptés sur d’autres plateformes. Par exemple le découpage de listes en pages discrètes est souvent une approche médiocre sur iPhone/iPad qui préfère le défilement continu (avec un index pour l’accès direct).
Plus spécifiquement, l’utilisation de boutons comme élément d’interface principal est souvent une idée perfectible car il est souvent possible et préférable de les remplacer par un geste. Un exemple frappant est le geste de tirer une liste vers le bas pour mettre à jour son contenu.
Enfin, quels sont les éléments clé d’une bonne ergonomie d’une application iPhone/iPad ?
Il est crucial de bien prendre en compte tous les critères que nous avons mentionnés ! Sans aucune prétention d’exhaustivité, et sans contredire les idées générales qui continuent de s’appliquer :
- respecter la grammaire de la plateforme. Par exemple laisser l’utilisateur zoomer en pinçant aussi souvent que possible ou fonctionner en orientation horizontale autant qu’en orientation verticale
- ne diverger des recommandations d’Apple que si on a une bonne raison
- offrir une esthétique attrayante, mais sobre, qui attire et donne envie de toucher
- minimalisme de la conception: réduire le chrome informatique pour augmenter la densité d’information
- respecter la fluidité et la disponibilité instantanée de la machine, ce qui exclut autant que possible les situations modales et les interruptions
- dans le compromis entre flexibilité (par de nombreux réglages) et simplicité, pencher plutôt du côté de la simplicité.
Anonyme
20 novembre 2010 à 8:54
Excellent article !!!!
Serge-Henri Saint-Michel
20 novembre 2010 à 15:29
Merci ! C’est vrai que les questions sur l’ergonomie étaient pointues et ces deux experts en ergo vraiment top !
Franck
22 novembre 2010 à 14:26
Encore, encore !!!
Merci pour cet intéressant article quoiqu’un soupçon frustrant car trop court… Mais il y a tellement d’articles qui parlent d’ergonomie mais écrit par des gens qui n’en font pas que ça fait plaisir de lire sur la loi de Fitts, certes rapidement, dans un article sur ipad/iphone.
A quand un livre blanc ou un article plus complet…
Pascal T
23 novembre 2010 à 22:05
Fittsizing, loi de la proximité etc. Wouaouh, voilà un article sur l’ergonomie pour les pros, merci pour sa qualité !
Jakob Nielsen pointera-t-il le bout du nez pour apporter son commentaire ?
🙂
Je serai aussi preneur d’un article sur l’ergonomie des emails sur mobile, iPhone inclus !
anonyme
27 juin 2012 à 13:51
L’article est un peu trop théorique, il n’y a rien de concret à appliquer à part un ou deux exemples. Notons au passage que le site qui publie l’article n’a pas du le lire 😉
Serge-Henri Saint-Michel
27 juin 2012 à 20:03
« Le site qui publie l’article n’a pas du le lire ». Ah bon ? A votre avis, que fait la rédaction après avoir posé les questions (100% professionnelles) ? Juste intégrer les réponses en les copiant ?
Si vous avez relevé des fautes d’orthographe, n’hésitez pas à nous les soumettre… et à nous livrer votre adresse mail car un commentaire anonyme se défend mal.
Ah, le pseudonymat !