Selon une récente étude publiée par Adobe et Valtech [1], 83% des professionnels du marketing reconnaissent que le marketing digital offre « un meilleur retour sur investissement ». Plus précisément, 51 % des directions interrogées mettent en tête des critères « la mesure du ROI » offerte par ce canal, suivie de « l’instantanéité du résultat » (29%). Ces exigences sont-elles tenables au fur et à mesure de la croissance des enveloppes digitales ?
Des résultats tout de suite !
Ces chiffres illustrent bien les raisons prioritaires d’utilisation des leviers digitaux : les décideurs veulent un résultat intégralement mesurable, et tout de suite. Cette exigence fait écho à une longue tradition d’utilisation du marketing digital dans son domaine d’utilisation de prédilection : celui de la génération des ventes en e-commerce. Dans ce contexte d’utilisation, chaque origine de trafic est effectivement identifiée et suivie jusqu’à la conversion du panier, de sorte que le calcul du retour sur investissement est, une fois n’est pas coutume, particulièrement aisé.
Mais pour bien d’autres secteurs, cette même exigence, impossible à satisfaire, devient un frein à l’utilisation des leviers digitaux. En effet, dans de nombreux secteurs d’activité, la traçabilité jusqu’à la vente – et par conséquent, la mesure du ROI proprement dite – est hélas inenvisageable. C’est le cas de nombreux secteurs « traditionnels », c’est-à-dire commercialisant des biens ou des services achetés majoritairement hors-ligne, comme c’est le cas par exemple pour les Télécommunications, l’Automobile et bien sûr la Grande Distribution. Le marketing digital n’est pourtant pas moins efficace pour promouvoir ces activités, mais il doit composer avec une difficulté supplémentaire qu’il partage avec les média traditionnels : il est impossible de relier l’exposition à la vente en raison de la complexité du cycle d’achat (de nombreuses sources sont consultées), et de l’inévitable rupture d’information propre à leur mode de commercialisation « hors-ligne » (le client qui passe la porte d’un point de vente physique reste bien souvent inconnu).
Face à ce constat, les annonceurs des secteurs traditionnels se sont tournés dans un premier temps vers les modèles digitaux présentant les plus fortes ressemblances avec les leads immédiatement mesurables du e-commerce, mettant par exemple en jeu des coupons à faire valoir en caisse. C’est ce qui explique le succès – fulgurant mais éphémère – des différents sites d’achats groupés : effectivement, leur utilisation fournit au point de vente une « piqûre d’adrénaline digitale » dont l’effet, concentré sur une ou deux journées et matérialisé par des coupons, est immédiatement mesurable. Cependant, l’utilisation de ces solutions ne peut rester que ponctuelle pour conserver le caractère exceptionnel de l’évènement… et préserver les marges des annonceurs ! De même sur le mobile, ce sont historiquement les modèles de check-in qui ont attiré la curiosité et les premières enveloppes des annonceurs. Hélas, si le critère de mesurabilité est effectivement satisfait, les volumes d’exposition restent limités par le cas d’utilisation étroit et fastidieux de ces applications.
Dépasser l’immédiateté…
On le voit bien, pour acquérir une audience massive en ligne, il convient de dépasser les exigences d’immédiateté et de mesurabilité exhaustive. Il n’en va d’ailleurs pas autrement dans les média traditionnels. Par exemple, les grands industriels savent bien qu’une campagne de coupons ne suffit pas à lancer un produit de grande consommation : il faut y ajouter des média moins traçables, mais beaucoup plus massifs, comme la télévision. Le digital est lui aussi devenu un grand média et offre désormais, outre des volumes désormais considérables, une variété de mesures qualitatives et quantitatives bien plus large que n’importe quel autre média. Dans ses formes les plus abouties, il est capable d’exposer des consommateurs sur un contenu particulier avec un engagement sans pareil, illustrant ainsi sa performance à capter, de manière objective et mesurable, l’attention d’un public que le papier, la télévision ou la radio ont de plus en plus de mal à attirer. Pour autant, la double exigence d’immédiateté et de mesurabilité exhaustive est un piège dans lequel les annonceurs ne doivent pas tomber sous peine de prendre, dans un domaine stratégique, un retard d’investissement difficile à rattraper par la suite. En matière d’audience digitale comme ailleurs, c’est bien la répétition appropriée d’un message tout au long de la formation de l’intention d’achat qui permet, à l’issue d’un certain nombre de points de contacts, de générer enfin la préférence de marque.
Voilà sans doute ce qui explique que seul un tiers des directions Marketing estime être en mesure de démontrer quantitativement l’impact de leurs investissements [2]. Que les annonceurs des secteurs traditionnels se rassurent, leurs confrères du e-commerce se verront d’ailleurs bientôt confrontés aux mêmes complexités de mesure. L’apparition de trackers « postview » de nouvelle génération, permettant d’associer une vente non plus seulement au dernier clic mais à l’ensemble des publicités digitales auxquelles l’acheteur aura été exposé, viendra mettre en lumière le rôle sous-estimé de certains supports, comme les réseaux sociaux ou les mobiles, qui jouent bien souvent un rôle déterminant dans la naissance de l’intention d’achat, plus que dans sa conversion finale. Parmi les champions de ces nouveaux outils, on ne sera donc pas surpris de trouver Facebook, qui cherche ainsi à valoriser son rôle d’influenceur à sa juste valeur afin de mieux installer le marketing multi-canal de demain.
Auteur : Matthias Berahya Lazarus, Président de Bonial
***
[1] Source Adobe et Valtech
[2] Source 2
(c) ill. : Shutterstock – Concept of fast business with running businessman