L’environnement islamique est vécu par les entreprises occidentales comme un environnement immuable et contraignant, sur lequel elles n’ont pas de prise.
Les restrictions sont plus souvent mises en avant que les opportunités et il est communément admis que l’islam va dicter le comportement du consommateur de telle manière à ne pas autoriser d’altération possible. Il est donc hors de question de rentrer en collision avec l’islam comme c’est souvent le cas dans des sociétés chrétiennes où des références au péché ou bien avec le « côté obscur de la force » sont monnaie courante. Au contraire, ce que recherchent les entreprises, c’est s’entourer d’un maximum de précaution avant de lancer une offre sur les marches islamiques, de peur qu’un boycott ne puisse survenir. Et même dans ce cas, le succès n’est pas certain comme le prouve le boycott des produits danois dans certains pays musulmans suite aux caricatures publiées au Danemark.
Le marketing est-il compatible avec l’islam ?
Le marketing et l’islam ne sont toutefois pas antinomiques. Le Prophète Mahomet était un commerçant et nulle part dans le Coran, la Sunna ou les Hadiths il n’est écrit que le commerce et la recherche de profit étaient quelque chose de mauvais en soi. Les règles de l’éthique islamique sont restrictives uniquement si les entreprises travaillent avec des produits et activités interdites (haram) ou bien si le comportement de l’entreprise n’est pas moral. En revanche, si l’entreprise a un comportement responsable, l’islam lui accorde une grande liberté de travail. Certains piliers de l’Islam représentent des opportunités sans précédent. C’est le cas du Ramadan puisque plus d’un milliard de musulmans consomment plus de nourriture que d’habitude même si cela va à l’encontre de l’esprit du jeûne. Le mois du Ramadan est également l’occasion pour les séries télévisées « ramadanesques » (musalsals) d’être vues par des millions de téléspectateurs. Le pèlerinage à La Mecque est un autre pilier de l’islam qui représente une source de revenus non négligeable pour les tour opérateurs et les hôteliers en Arabie saoudite. Plutôt que d’aborder les marchés islamiques du point de vue des quatre P du marketing, il est préférable d’utiliser les cinq piliers de l’islam comme référent pour une campagne marketing réussie.
La diversité des marchés islamiques
La diversité de l’islam est multiple. Non seulement il existe différentes branches de l’islam, mais en plus il y a de grandes disparités en termes de population et de revenu dans les pays islamiques, sans parler des marchés minoritaires dans les pays occidentaux. Il est par exemple plus intéressant de s’intéresser au marché musulman en France plutôt qu’en Albanie ou en Bosnie-Herzégovine car le nombre de musulmans en chiffres absolus et en termes de revenus est largement supérieur en France à ces deux pays.
Il n’est pas certain qu’un musulman puisse mieux comprendre un marché local que les sociétés occidentales simplement parce qu’il partage la religion de ses clients. Les entrepreneurs locaux n’ont souvent pas la capacité d’utiliser des outils sophistiqués de marketing tels que la segmentation, le ciblage et le positionnement que les sociétés occidentales utilisent quotidiennement. Si des sociétés occidentales vendent avec succès de la nourriture halal en France ou aux Etats-Unis, pourquoi ne peuvent-elles pas prétendre au même succès dans les pays musulmans ?
Halal way of life
Deux tendances apparemment opposées sont apparues récemment. Il y a d’abord une radicalisation d’un certain nombre de musulmans, en particulier des jeunes musulmans, qui vivent dans les pays occidentaux. Ils recherchent un mode de vie halal, et de cette façon ouvrent de nouvelles opportunités pour toutes les sociétés qui vendent du halal que ce soit des aliments, des vêtements, des médicaments, des programmes TV, des poupées et ainsi de suite.
Le marché du halal est en train d’exploser pour atteindre le chiffre de 615 milliards de dollars par an et la guerre des agences de certifications halal prouve que le marché est en croissance. Le débat actuel sur la burqa en France s’inscrit dans cette tendance du halal way of life où un nombre grandissant de femmes portent ce vêtement qui couvre la totalité du corps. Même si le vêtement n’est pas une tradition coranique, pour certains musulmans il est la représentation la plus aboutie de la modestie à laquelle les femmes sont tenues dans leur tenue vestimentaire. Les musulmanes sont par ailleurs une cible de choix pour les entreprises car les femmes sont généralement prescriptrices pour les produits ayant trait à la consommation familiale (nourriture, appareils ménagers, vêtements…) ou bien pour leur consommation propre. Les femmes sont de grandes consommatrices de maquillage, de parfums et de vêtements, y compris la lingerie fine. Au point que les entreprises syriennes de lingerie féminine rivalisent en inventivité pour séduire les consommatrices, quitte à choquer avec une lingerie très suggestive.
Les entreprises occidentales contre-attaquent
La deuxième tendance est l’impressionnant niveau d’attractivité pour les concepts, marques et produits dont bénéficient les marques occidentales dans les pays islamiques. Les entreprises occidentales montrent une remarquable capacité d’adaptation à ces marchés, mais aussi très souvent imposent leurs concepts et demandent à la population locale de s’y adapter. Toutes les entreprises respectent les règles intangibles, mais la population locale accepte très souvent la mode et le divertissement en provenance de l’occident, et se transforme volontiers en Fashion Fundies ou candidats à la Star Ac locale. Parmi les nouveaux concepts, nous trouvons la « christianisation du Ramadan » qui permet aux entreprises occidentales ou chinoises de vendre des produits habituellement proposés à Noël dans les pays catholiques comme des jouets pour enfants ou des décorations pour la maison. Le mimétisme joue ici à plein, et les consommateurs musulmans, notamment les enfants, sont désireux de vivre une expérience similaire à leurs homologues dans les pays occidentaux.
Marketing et islam, un paradoxe ?
Le paradoxe est que certains jeunes musulmans dans les pays occidentaux ont tendance à être plus islamisés que les jeunes dans les pays musulmans. Ils respectent les piliers de l’islam avec plus de sérieux, ils achètent la nourriture halal exclusivement, font le pèlerinage à la Mecque à un âge précoce, regardent les chaînes de télévision par satellite et respectent le Ramadan alors que les jeunes dans les pays islamiques sont désireux de se conformer aux standards occidentaux et abandonnent un certain nombre de principes islamiques. Aujourd’hui, plus que jamais, les entreprises doivent mettre de côté une interprétation stricte de l’islam, car la diversité des comportements des population musulmane va de pair avec la diversité d’acteurs sur le marché.
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Auteur : Cedomir Nestorovic, professeur ESSEC, auteur de « Marketing en environnement islamique » aux Editions Dunod.
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Rim
24 septembre 2009 à 23:58
Bonjour,
je suis étudiante en marketing à Bruxelles et je prépare actuellement un TFE (travail de fin d’étude)sur l’image de la femme dans la publicité. Je voudrais plus précisement comparer l’orient et l’occident. Votre article m’a énormément intéressé et j’essaierai de me procurer cet ouvrage qui, je pense pourrais fortement m’aider.
Auriez vous d’autres ouvrages tels que celui ci à me conseiller en rapport avec mon TFE ou d’autres informations à ce sujet?
Si c’est le cas, pourriez vous m’en tenir informée?
Merci.
Serge-Henri Saint-Michel
25 septembre 2009 à 8:49
Bonjour Rim,
Je vous invite à déguster la bibliographie proposée dans cet ouvrage.
faiza
14 octobre 2010 à 0:58
bonjour,je suis etudiente au cycle de master ,filiale ing commerciale .
je prepare un memoire à propos de « la commercialisation de produits bancaires islamiques « ,je souhaite que quelqu’un m’aider et merci