L’organisation du domicile évolue vers des espaces décloisonnés, d’où la qualification de plus en plus commune, notamment dans les annonces immobilières, de maison ou d’appartement « type loft ». Les espaces deviennent hybrides et les points centraux ont changés.
Alors que nos espaces de vies sont en pleine mutation qu’en est-il de notre lieu de travail ? Les bureaux sont-ils aujourd’hui conçus de manière optimale ? Car se sentir bien chez soi est une chose, mais se sentir comme chez soi au bureau en est une autre…
L’open space, le bureau nouvelle génération
Disposer d’un bureau individuel dans la tradition était un symbole social fort qui incarnait avant tout un statut hiérarchique. Dans les années 60 la tendance était déjà aux bureaux paysagés. Cette engouement est retombé dans les années 80, les entreprises repassèrent alors aux bureaux individuels.
L’open space, ce bureau collectif totalement ouvert, incarnation du management à l’anglo-saxonne, refait surface en France dans les années 90. Cette tendance est bien sûre motivée par une meilleure rentabilité au mètre carré et une efficacité décuplée. L’open space est aussi censé faciliter la communication, effacer les barrières hiérarchiques et permettre une meilleure surveillance… puisqu’il offre la possibilité aux salariés de se contrôler entre eux ! C’est ce que la sociologie appelle la mécanique du contrôle social. Imaginez les dérives que peuvent engendrer ce genre de pratiques : rumeurs, harcèlement, « épiage » constant …
L’open space, eldorado ou enfer ?
Si l’on en croit les auteurs du livre (1) L’Open Space m’a tuer l’open space est plutôt « l’open stress ». L’ouvrage montre bien les inconvénients du travail en espaces totalement ouverts et présente ce type d’aménagement comme bien loin de l’environnement de travail rêvé.
Par ailleurs aussi insupportable soit-il pour les salariés le concept se retourne gentiment contre ses promoteurs : les salariés finissent par s’habituer à tous se voir organiser leur week-end sur internet, à téléphoner à leur nounou ou encore à faire du shopping sur les sites de ventes privées.
L’objectif des entreprises n’était-il pas l’efficacité ?
Et le bureau du futur ?
La personnalisation de l’espace de travail. Le nombre des salariés ne se sentant pas bien à leur bureau augmente suite au manque d’intimité et des conditions de travail peu propices à la concentration. Pour répondre à ce malaise, de nombreuses entreprises ont décidé d’installer au sein même de leur locaux des espaces de vie pour que les salariés se sentent comme chez eux. D’où l’apparition de canapés confortables dans un hall, de cafétérias, ou encore d’écrans plasmas diffusant des chaînes d’information. Désormais, ce mobilier familier du domicile a trouvé sa place et sa légitimité au sein de l’entreprise.
Cependant, cela n’est pas suffisant pour un grand nombre de salariés qui tentent de personnaliser leur propre bureau. Des photos de ses proches en passant par les vestiges rapportés d’un voyage, tout est bon pour personnaliser son espace de travail et se sentir comme à la maison. Mais est-ce le signe d’une volonté d’apporter une partie de son intimité à son travail ou un moyen pour le salarié de marquer son territoire ?
Si les salariés travaillent mieux dans un environnement où ils se sentent bien, ne serait-ce pas la fin du travail en entreprise ?
Du « chez soi au bureau » au bureau chez soi
Les prix immobiliers ayant flambé depuis ces dernières années, les français émigrent en périphérie des grandes villes, rallongeant ainsi le trajet quotidien domicile-travail. Trop cher, pas économique, fatigant, mais surtout plus confortable les français préfèrent travailler chez eux. Plus qu’un effet de mode, c’est un véritable mode de vie !
Le domicile devient donc une nouvelle aire de travail.
L’arrivée des box a accéléré ce phénomène : pour 30 euros environ par mois, on a un accès à internet, une ligne téléphonique avec appels gratuits vers l’international. Sans parler du Blackberry qui permet de recevoir tout ses mails en instantané sur son mobile. Tous les outils dont on a besoin pour travailler dans les meilleures conditions sont centralisés. On a tous les outils du bureau chez soi.
Des femmes enceintes ou encore des personnes handicapées ont créé leur entreprise de chez elles. L’internet a complètement révolutionné l’univers de l’entreprise. Les salariés peuvent ainsi travailler à leur rythme avec leur propre matériel et leurs repères.
Paradoxalement aujourd’hui le bureau ne se matérialise pas forcément par un espace dédié au sein de la maison. Grâce au matériel portable, au wifi, le bureau est nomade et s’improvise tantôt sur la table du séjour, tantôt dans la cuisine, dans le canapé ou sur le lit. Le bureau du futur serait-il par exemple un bureau virtuel à la manière de Second Life ? L’interface représenterait son open space dans l’entreprise, on aurait son avatar, et de chez soi on pourrait aller au bureau par une simple connexion. On pourrait échanger en temps réel avec ses collègues, participer à des réunions…
En conclusion la question n’est pas de savoir quel est l’endroit le plus propice au travail, l’essentiel pour chacun est de se sentir chez soi n’importe où. C’est d’ailleurs un insight que l’on retrouve dans la plupart des blogs sur le sujet (2). Un besoin que les promoteurs, designers, créateurs et directions d’entreprise doivent exploiter pour faire évoluer le bureau en un lieu qui rassemble toutes les conditions optimales de travail, levier de la performance en entreprise. Un créneau pour ceux qui cherchent un nouveau business !
Mais, à terme, la trop grande prise en compte de la satisfaction des salariés et de leur besoin au sein de l’espace de travail n’est-elle pas finalement l’ennemi du travail performant ?
Auteurs : Jessica Michel, Erika Level, Laurene Lehmann et Claire Desmons
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Notre dossier sur le marketing dans le secteur de l’habitat, de la maison et du bureau
- Du Cocooning au Hiving, par Anne-Line Gayet, Adeline Aubert, Jennifer Do Couto et Lauren Malaurie
- La maison perd la pièce, par Tiphaine Demanche, Carole Dupont, Audrey Zwald et Delphine Maury
- Le séjour s’aménage pour de nouveaux usages, par Majda Alkagh, Céline Amoussou, Hafida Derouiche, Damien Guignard et Marion M’Selam
- Entrez dans notre salle de bain en toute intimité, par Raphaëlle Formosa, Nadège Grillet, Jean-Baptiste Mazade, Marie Potard Lécussan et Déborah Tapia
- Le bureau, un espace en mutation, par Jessica Michel, Erika Level, Laurene Lehmann et Claire Desmons
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Webographie de cet article
Actineo : le site de l’observatoire de la qualité de vie au bureau
www.lentreprise.com : « Survivre en Open space » Valérie Froger 17/03/08 www.lopenspacematuer.com
Bibliographie
(1) L’Open Space m’a tuer, Alexandre des Isnars et Thomas Zuber, édition Hachette Littérature, 2008
(2) Le blog de Blandine Boulen (23/09/08 « Mon bureau de fille » http://blandine.boulen.com/index/2006/09/27/225-mon-bureau-de-fille
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Nous vous invitons à lire sur Marketing-Professionnel.fr : Souffrance au travail, par Isabelle Cellier
Franky JOURDAN
15 août 2010 à 17:27
Le souci des open space n’est pas, je pense, tant la dépersonnalisation des lieux de travail, que le manque de moyens pour oeuvrer efficacement.
Je n’ai pas lu le livre de A. des Isnars et T. ZUBER. Je vous rejoins dans l’image « open stress », lorsque cet environnement se veut des plus bruyants (sans éléments de protection acoustique).
D’autant, que travailler en milieu collectif pendant 7 heures par jour est forcément plus usant nerveusement que de se voir isoler dans un bureau partagé avec un ou deux collègues.
L’open space est une réponse à l’aménagement de poste de travail démandé par les dirigeants, qui ont l’impératif de rentabiliser une entreprise. Lorsqu’une société a pour siège Paris-la défense, difficile de transférer ses services de télémarketing en province ! Alors on centralise tout au même endroit, et les mètres carrés deviennent rares et inabordables.
Minimiser les mètres carrés n’est pas forcément inévitable, c’est une solution plus simples, plus immédiate, à mettre en place.
En province, il existe des call center très spacieux, au cadre plus convivial. Les employés n’ont pas le même abord quant aux « open space » Ils sont aussi moins empilés, si je puis dire !
En attendant, pour les employés des métropoles et grandes agglomérations, être concentré, ce n’est pas forcément un état cérébrale mais bien souvent un état physique diminuant la performance professionnelle…
Conclusion : à la course des mètres carrés, la matière grise c’en est allée ! Pourtant je crois bien, qu’elle seule pourrait nous abriter des crises économiques !
A bientôt.