Çà y est, nous y sommes ! Octobre 2016 : le trafic internet mobile a dépassé le trafic internet sur desktop au niveau international. En Europe, 60% des possesseurs de smartphones démarrent leur journée – avant même de se lever – par la consultation de leur smartphone pendant 15 minutes ; ils la terminent en le consultant pendant 30 minutes avant de se coucher [1]. Côté acheteurs, 2 chiffres. En France, les ventes sur smartphones et tablettes ont représenté à Noël 28% des achats [2]. Par comparaison, en Chine, le 11 Novembre dernier, le Single Day a déchaîné les usagers de smartphones sur Alibaba : 84% du CA généré par le Single Day venait du mobile. Ces chiffres impressionnants marquent un changement de pratiques aux implications business et relationnelles lourdes.
Soit, c’est entendu, il faut être mobile first. Mais, quel est le véritable enjeu derrière cette affirmation ? Face aux volumes d’audience, et aux temps passés par ces audiences sur le mobile, l’enjeu ne porte en réalité pas tant sur l’acquisition de trafic que sur la conversion des mobinautes en « m-buyers ». Dès lors, quelle approche adopter ? Quels leviers actionner pour transformer vos « Mobile Users » en « Mobile Buyers » ?
« Je veux devenir le Uber de la distribution ! ». « Et moi, le Uber de la banque assurance ! » Erreur. Erreur d’approche et de modèle. Gardons en tête qu’Uber a dès le départ pensé son business pour le mobile, à travers le mobile pour les seuls usagers du mobile. Or, la dynamique du mobile ne réside pas dans le copier-coller des modèles des mobile champions, mais bien dans la capacité des marques à exploiter et mettre à profit les 6 fonctionnalités inhérentes au mobile : photo, liste de contacts, géolocalisation, mémoire, pilotage à distance, contextualisation.
Poursuivons nos trois précédents conseils pour développer vos acheteurs sur mobile, et empruntons trois nouvelles pistes…
4ème levier : Mémorisez !
« Ne cherchez plus vos billets dans vos sacs, ils sont dans votre mobile pour plus de simplicité ! » clame la dernière campagne de Voyages-Sncf. C’est bien là le quatrième atout maître du smartphone : les 64 Go de mémoire disponible et son extension naturelle, le fameux « glisser-déposer » dans le wallet ou le passbook pour stocker, archiver, mémoriser tout ce que les marques vous envoient. Et, bien sûr, pour avoir – à portée de main et au moment opportun – vos invitations, billets, coupons de réduction, offres de parrainage… Vertu de la mémoire : « l’homme n’est esprit que par la mémoire ; humain, que par la fidélité. Garde-toi, homme, d’oublier de te souvenir ! » [3]. C’est bien là, l’autre promesse du mobile : déchargez votre esprit des éléments que vous risquez d’oublier, simplifiez-vous la vie en vous confiant ce que vous avez de précieux car, à vos côtés, toujours je serai. Les marketers de la relation client l’ont bien compris. Car la mémoire du smartphone possède une double vertu. D’une part, elle simplifie la vie du mobinaute : pas besoin d’imprimer l’offre, de la plier et la ranger dans le sac, de l’emporter chaque jour avec moi pour ne pas l’oublier le jour-J… D’autre part, elle accroît la présence de la marque à l’esprit. En effet, en invitant le mobinaute à enregistrer l’offre reçue dans wallet, passbook ou photo, elle agit sur le 1er critère d’abandon d’une marque, le manque de contact avec la marque [4], et renforce sa présence dans ce que ses clients ont de plus intime : leur mobile. Picard exploite à merveille ce levier dans son nouveau Programme de fidélité qui personnalise le Call to Action selon le device d’ouverture de l’email. Lorsque vous ouvrez votre email depuis votre desktop le call to action est « Imprimer », lorsque vous l’ouvrez depuis votre mobile le call to action devient « Enregistrer sur mon mobile ». Et lorsque la marque vous donne RDV, il suffit de cliquer sur « Ajouter à l’agenda ». Autre acteur qui exploite cette fonction mobile et anticipe les ruptures de connexion : le Trésor Public. S’exercer à une déclaration d’impôts sur mobile est anxiogène et compliqué… Sauf si je retrouve mon process là où je l’ai laissé lors de la dernière connexion. Avec son formulaire de déclaration fiscale « spécial mobile », le Trésor Public mémorise les informations remplies à chaque étape et autorise un remplissage progressif et discontinu sans que l’individu ait à recommencer à zéro s’il perdait la connexion ou souhaitait changer de device pour finaliser sa déclaration fiscale.
5ème levier : Pilotez !
Les objets connectés inscrivent de nouvelles routines dans notre quotidien et de nouveaux usages. Piloter toute la domotique de sa maison à distance, ouvrir le portail à son fils depuis son mobile quand il a oublié ses clefs, ouvrir ses volets et se faire couler un bain avant même d’arriver chez soi, est désormais possible grâce aux objets connectés et à leur nouvelle télécommande magique : le mobile.
Allons plus loin, à quelques foulées, avec Nike+ pour piloter cette fois-ci vos performances sportives. Aujourd’hui, l’appli mobile suggère plus de 100 entraînements avec instructions audio et vidéos présentées par des experts. Mais surtout, au-delà de suivre vos courses et de les partager avec vos amis, Nike+ propose de devenir votre coach sportif, c’est-à-dire de les améliorer à partir de votre niveau, de vos habitudes de courses, de votre complexion et de vos entrainements. Nous sommes ici dans une fonctionnalité de pilotage mais aussi dans une véritable relation – où tantôt vous pilotez vos courses et tantôt êtes piloté par la marque. Marque qui prend la main sur vos entraînements, vos performances, votre mise en relation avec d’autres « Runners ». Extraordinaire dialogue et mise en communauté par mobile interposé.
Ailleurs, dans le secteur de l’assurance santé, Oscar, jeune start-up américaine, se sert elle aussi de cette fonctionnalité de pilotage pour proposer à ses clients un programme de couverture santé sur mesure. Trouver le bon médecin autour de vous (géolocalisation), s’assurer de payer le bon prix (mapping des tarifs des praticiens alentour), réduire vos cotisations mensuelles de santé selon l’exercice physique fourni (tracking de votre activité), piloter in fine de façon simple, personnalisée et servicielle votre santé et votre assurance santé, grâce au mobile telle est la nouvelle promesse de ce nouveau disrupteur de l’assurance maladie !
En termes de relation client ce levier est extraordinaire. Il permet à chacun, à tout instant et à chaque fois qu’il le souhaite, d’être en relation avec ses biens (électroménager, voiture, maison…), avec un conseiller (bancaire ou chatbot), avec un coach (sportif ou cuisinier) pour apprendre, corriger, progresser sur toutes ses activités de vie : maîtriser son budget, développer sa foulée, apprendre une langue, réussir une recette, se garder en bonne santé… et bien évidemment d’être – en retour et à son tour – piloté par le coach ou sa communauté d’affinité afin d’être en émulation permanente et d’apporter un sens supplémentaire à l’activité pratiquée.
6ème levier : Contextualisez !
En relation, tout est affaire de moment. Un même message pourra être perçu comme opportun ou intrusif selon le moment, l’état d‘esprit dans lequel se trouve le récepteur. Ainsi 55% des querelles entre couples ont lieu au moment précis où l’un des deux conjoints rentre du travail !
En CRM, le rebond sur événement client est de plus en plus prédictif d’un bon taux d’ouverture, jusqu’à 40-50% d’amélioration ! Savoir dans quelle humeur est mon interlocuteur, sentir le « moment client » pour plus de connivence, de pertinence, moins d’intrusion et plus d’engagement devient la nouvelle bataille du « marketing de l’empathie ». En termes de vision marketing, nous passons du Moment of Truth au Zero Moment of Truth [5] pour aller vers le Moment that Matters. Car l’impact d’une bonne contextualisation est double : financier et relationnel.
Le financier d’abord. Tout a changé dès qu’il est devenu possible de connecter votre Datamart Marketing avec d’autres sources de données. Hier, votre base de données était un silo non connecté. Aujourd’hui elle s’interconnecte avec vos données de web analytics, vos données de navigation sur Google, vos données Facebook, vos données de géolocalisation sur mobile et même vos données d’activité sur votre boite e-mail. Ainsi la plateforme de Data Activation Notify [6] détecte – avant d’envoyer un e-mail – si vous êtes derrière votre ordinateur ou votre mobile et n’envoie l’email que si vous êtes actif. La promesse ? Faire figurer l’email de la marque dans le Top 3 des e-mails reçus. Précisément au moment qui compte, c’est-à-dire quand le mobinaute est actif sur son smartphone ! L’efficacité est redoutable : Notify constate chez ses clients des taux d’ouverture multipliés par 2, des taux de réactivation d’inactifs à plus de 20% et des taux de joignabilité par téléphone multipliés par 1,75 !
Quid du relationnel ? Le mobile redessine la façon dont vous engagez la relation avec vos clients. C’est non seulement votre device le plus intime – vous le consultez avant même de vous lever et l’éteignez au moment où vous vous endormez – et il est devenu le 1er device de création de trafic sur internet avant de devenir demain le 1er device d’achat sur Internet [7]. Comment composer avec cette intimité relationnelle ? Comment capitaliser sur cet « usage frénétique » du mobile ? C’est-à-dire, comment en tant que marque, « contextualiser » vos messages pour cibler vos destinataires selon leur état d’esprit et ces moments qui comptent dans la vie de vos clients ? L’enjeu ici n’est plus celui du contenu, ni même du canal, mais bien celui du comment et, encore une fois, du moment. Il y a le SMS bienveillant qui vous informe diligemment que votre taxi vous attend ou que votre commande arrive à 11H, et le SMS inopportun, grossier, sans gêne qui vous annonce une promotion alors que vous venez d’acheter un produit et se trompe d’espace temps, de centre d’intérêt, et in fine de client ! Contextualiser son message c’est aussi, comme le fait parfois si bien Facebook, considérer le temps du client, et donc surfer sur la connaissance de leurs comportements, de leurs humeurs. 60% des clients consultent Facebook depuis leur Mobile et 60% des possesseurs de smartphones démarrent leur journée par la consultation de leur smartphone… alors commençons par leur dire bonjour, les réveiller en douceur, leur indiquer le temps qu’il fait, leur suggérer d’emporter un parapluie car aujourd’hui les risques d’averses sont élevés.
Le client sera d’autant plus en affinité relationnelle avec la marque que celle-ci aura pris soin – et avant même toute proposition commerciale – de développer son capital relationnel avec son lecteur… avec sa cible. C’est désormais cette course là qu’il nous faut gagner sur le terrain de la pertinence et de la qualité relationnelle. C’est à ce prix que l’hyper personnalisation triomphera. C’est à ce prix que les marques gagneront la bataille du Moment that Matters !
En résumé pour passer du trafic à l’acquisition sur mobile…
- Vous avez un appareil photo dans votre mobile, mettez des photos dans votre relation.
- Vous avez votre liste de contacts dans votre mobile, mettez des fonctions de partage dans votre relation.
- Vous avez un GPS dans votre mobile, géo-ciblez vos contenus et vos offres.
- Vous avez 64Go dans votre mobile, invitez vos clients à « enregistrer sur mobile » vos invitations, billets et coupons.
- Vous voulez apporter un service connecté à vos clients, faites de leur mobile la télécommande de leurs objets connectés
- Vous savez qu’une journée commence et finit avec le mobile, contextualisez vos messages sur les moments qui comptent.
Auteur : Bertrand Destailleur, Associé, Directeur des stratégies client, Equancy
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[1] Europe: Deloitte Global mobile consumer survey, 2015
[2] Les Échos, source Fevad 27 janvier 2017
[3] André Comte-Sponville – Petit traité des grandes vertus.
[4] Selon une étude Gartner Group « Le manque de contact avec la marque est le 1er critère d’abandon d’une marque, à 68% »
[5] Cf. la célèbre vidéo de Google sur ce sujet Zero Moments of Truth
[6] Voir Notify à http://notify.ag/fr/
[7] Selon la Fevad, Mobiles et tablettes ont contribué à 28% des achats de Noël sur Internet en 2016. Source Les Échos, 27 janvier 2017
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