Si le lancement des nouvelles extensions est presque devenu un marronnier tant il a fait les titres de la presse aussi bien spécialisée que généraliste, il est désormais pleinement effectif depuis le mois de novembre 2013. Une occasion pour les acteurs du numérique de tirer leur épingle du jeu sur la toile.
La période des objections étant close depuis le printemps dernier, les titulaires de marque sont aujourd’hui en mesure de faire usage des mécanismes nouveaux mis en place dans le new gTLD’s Applicant Guidebook.
Les mesures curatives pré-enregistrement
A titre liminaire, l’enregistrement auprès de la Trademark Clearinghouse (TMCH) s’avère primordial puisqu’il prévoit pour les titulaires de marques, sous réserve de la production de preuves (certificat de marque, preuves d’usage) de participer :
- aux périodes Sunrise, périodes où seuls les titulaires de marques peuvent réserver leur noms de domaine avant l’ouverture générale au public ;
- au Trademark Claims Service, système d’avertissement qui permet au titulaire de marque enregistrée dans la TMCH de recevoir une notification dans l’éventualité où un tiers réserve un domaine identique à sa marque. Le tiers recevra un avertissement portant à sa connaissance l’existence de droits de marque, le système ne permettant pas d’annihiler la réservation du domaine.
In fine, l’enregistrement de sa marque auprès de la TMCH ouvre également droit à l’inscription de sa marque au sein de la Domains Protected Marks List (DPML), la production du Signed Mark Data (SMD) communiqué par la TMCH étant un pré-requis.
L’enregistrement de la marque dans la DPML permet aux titulaires de marques d’ajouter leur marque ou des termes liés à leur marque à cette liste opérée par Donuts. Cet enregistrement permet un blocage du ou des termes dans toutes les extensions proposées par Donuts ou ses subsidiaires. Les termes liés à la marque devront être contigus de la marque : il sera ainsi possible d’enregistrer le terme « sonutella », ou « nespressotime » pour garantir que ces termes ne soient pas déposés par un tiers dans les extensions gérées par Donuts.
Forte de ces 307 candidatures, Donuts a mis en place un système compréhensif, moins onéreux qu’une réservation défensive de sa marque auprès de chaque extension qu’elle opère, afin de se prémunir du cybersquatting. Donuts étant candidat pour des extensions induisant le cybergripping (.sucks, .wtf, .gripe), il sera important pour les titulaires de marques de s’inscrire auprès de cette liste.
Chaque registre a mis en place un système de Rights Protection Mechanism (RPM’s), Radix Registry proposant quant à lui d’ostraciser certains réservataires après constatation d’un comportement frauduleux (plusieurs condamnations devant l’OMPI, le NAF, ou enregistrement simultané de plusieurs centaines de domaine).
Les RPM’s ne sont donc pas monolithiques mais prennent la forme d’un kaléidoscope.
Les mesures curatives post-enregistrement et post-délégation
Les nouveaux mécanismes de protection post-enregistrement sont nombreux. Dans ce paysage d’acronymes, les titulaires de marque pourront trouver une issue salvatrice en cas d’irruption d’un différend :
Les procédures dont l’épicentre est titulaire de droits de marque
La procédure URS : cette procédure est destinée à résoudre les cas patents de violation de droits de marque. A la différence de la procédure UDRP, le demandeur devra verser des preuves d’usage ou produire son Signed Mark Data, délivré par la TMCH. La procédure URS conduira cependant à un gel du nom de domaine et non à sa radiation ou son transfert. Seules les nouvelles extensions et les extensions en .pw pourront faire l’objet d’une procédure URS qui a pour atout d’allier célérité et frugalité à coût réduit.
Les procédures dont l’épicentre est le registre : les Post-Delegation Dispute Resolution Procedures (PDDRP)
Dans l’éventualité où un registre vous apparaîtrait frauduleux, il sera possible d’agir à condition de contacter le registre au préalable pour l’informer de vos griefs avant de déposer une plainte formelle auprès d’un des fournisseurs désignés par l’ICANN. La PDDRP se décompose selon le triptyque suivant :
- La Trademark PDDRP : Cette procédure peut-être actionnée lorsqu’un registre se rend complice d’infraction au droit des marques en réservant des domaines frauduleux au premier et au second niveau. Au moins 30 jours avant de déposer la plainte par voie électronique auprès de l’un des trois fournisseurs désignés par l’ICANN (ADNDRC, NAF ou OMPI), le demandeur devra notifier le registre de sa conduite litigieuse et exprimer sa volonté de résoudre le différend.
- La Registration Restriction Dispute Resolution Procedure (RRDRP) : Certaines candidatures pour les nouvelles extensions ont été portées par une communauté de pairs. Dans l’éventualité où la conduite du registre départirait des restrictions contenues dans le registry agreement, une institution établie peut porter plainte via la RRDRP. Elle se devra néanmoins d’user au préalable d’un système disponible en ligne dont le développement est encore en cours et qui se calquerait sur le Whois Data Problem Report System avant de porter plainte auprès du NAF. Starting Dot qui attribuerait des <.archi> à des néophytes non titulaires du diplôme pourrait ainsi faire l’objet d’une plainte d’une communauté représentant les architectes comme l’Union Internationale des Architectes.
- La Public Interest Commitment Dispute Resolution Procedure (PICDRP) : Des craintes ont pu poindre au sujet de candidatures évoquant des activités réglementées notamment dans la profession médicale. L’ICANN a alors enjoint les candidats à proposer des engagements comme autant de garde-fous contre une utilisation indue de leur extension. Les candidats ont alors rédigé un Public Interest Commitment, le non respect de ce PIC pouvant mener à la PICDRP pour laquelle aucun fournisseur n’a encore été désigné.
Le mois de décembre a déjà vu éclore des extensions qui plairont aux esthètes, du <.gallery> au <.photography> lancées par Donuts qui rappelons-le a choisi de lancer chaque mardi, jour du dieu Mars, de nouvelles salves d’extensions. Le très attendu <.voyage> sera ouvert en Sunrise le 17 décembre, comme un appel aux paysages pittoresques en cette fin d’année. Ces quelques exemples illustrent l’éclectisme des secteurs concernés par ces nouvelles extensions et l’impérieuse nécessité de suivre l’actualité au fil de l’eau pour s’enquérir des nouveaux lancements et se protéger en temps utile.
Auteur : Chloé Rama – Juriste, Gandi.net
(c) ill. Shutterstock – Sunrise


david chelly
14 janvier 2014 à 18:31
Merci pour cet article, sur lequel il n’y a rien à redire sur les points juridiques. Par contre, amha, le .voyage n’est attendu par personne, pas plus que les extensions aussi improbables les unes que les autres de Donuts.
Je crois qu’avant de s’interroger sur les moyens de protéger ses extensions, il faut se demander ce qui doit être protégé. Je propose quelques éléments de réponse ici [sur Onlinestrat ; lien supprimé par la modération]