Quatre opérateurs majeurs se disputent désormais le marché et étrennent leur nouveau statut d’opérateurs « convergents ». Le groupe France Télécom Orange a fait le lien entre les univers fixe et mobile. SFR et Bouygues Télécom se sont diversifiés du mobile vers le fixe. Free empruntera le chemin inverse d’ici 2012.
Ces opérateurs intégrés font face à deux enjeux : fidéliser leurs clients qui ont parfois mal vécu les rachats ou rapprochements successifs ; capitaliser sur ce nouveau statut d’opérateur convergent, via une palette d’offres et des méthodes de vente renouvelées.
Ventes nettes… et télévente sortante ?
L’acquisition de nouveaux clients a longtemps été le nerf de la guerre pour les opérateurs télécoms. Ces dernières années, le marché de l’ADSL a vu une course à la vente brute sur base de campagnes de communication effrénées : qui n’a pas en tête les fameux gimmicks publicitaires « Il a Free, il a tout compris » ou encore « Appelez vite le 1099 ». Ces méthodes d’acquisition agressives et bien rodées ont été réalisées via la télévente.
Concernant la vente additionnelle ou l’upgrade tarifaire, la télévente sortante a l’avantage d’aller chercher proactivement l’ensemble des clients à partir de fichiers pré-qualifiés. Elle représente 20% des appels des centres de contacts. Mal ciblés, ces appels de télévente s’avèrent rapidement peu rentables. Pour minimiser ce risque, certaines entreprises d’autres secteurs ont eu recours à des centres de contact offshore. En plus d’être fortement dimensionnés, ces centres affichent des coûts défiant toute concurrence. Ils traitent des fiches prospects « en masse », sur la base de scripts agressifs mais hélas régulièrement générateurs de plaintes.
Ces méthodes ont largement contribué à forger une image négative des opérateurs auprès du grand public. Elles semblent heureusement avoir vécu aujourd’hui. Les entreprises étudient désormais d’autres modèles d’organisation de type « homeshoring » : les chargés de clientèle travaillent à domicile. Ces modèles offrent ainsi une qualité de contact et une flexibilité horaire attractive. Ils absorbent déjà 10 % des appels aux Etats-Unis.
Avec la convergence, les opérateurs télécom croisent leurs deux marchés pour équiper en fixe leurs clients mobile, et inversement. Les bases clients deviennent alors un enjeu central. Pour maximiser l’efficacité des appels, les bases doivent qualifier et rapprocher les individus côté mobile et leur foyer côté fixe. Les chargés de clientèle doivent également être de plus en plus pertinents dans la personnalisation de leur discours pour vendre ces nouveaux packages. Ce ciblage permet aussi d’adresser de nouveaux segments et d’atteindre par exemple le nouvel eldorado des seniors.


OP de télévente sortante : ses méthodes ont à forger une image négative des opérateurs auprès du grand public
De façon équivalente dans le marché des Utilities, l’ouverture à la concurrence s’accompagne de nouvelles méthodes de vente et les acteurs du marché adoptent des postures concurrentielles opposées. Les opérateurs historiques en Europe ont pour objectif de gérer l’érosion de leur base clients exigée par les autorités de régulation. La logique de segmentation et de scores est donc ici toute différente, puisque les acteurs historiques doivent laisser partir des clients mais si possible en les choisissant. Pour les nouveaux acteurs du marché au contraire, comme Direct Energie ou Poweo, l’objectif est de se constituer rapidement un parc de clients sans récupérer les mistigris. L’argument du prix est alors une des armes possibles et reste au centre de campagnes agressives.
Vie du client, usage… et rebond ?
Une fois la période de souscription passée, les appels entrant au Service Clients restent nombreux. La vente au rebond profite de ces contacts pour réaliser des actes de vente additionnels.
Les centres d’appels génèrent ainsi du revenu par client et ne sont plus seulement perçus par les directions comme des centres de coûts. Mais cette logique de vente au rebond n’est pas sans impact puisqu’elle augmente la durée moyenne de traitement d’un appel (DMT), indicateur clé dans la planification des flux. Au minimum le revenu moyen par client doit compenser le surcoût associé à l’augmentation de la DMT et des coûts de formation supplémentaires.
Bien sûr, la vente au rebond n’est pas envisageable sur l’ensemble des appels entrant au Service Clients. Les typologies d’appels seront un premier filtre efficace pour identifier les appels éligibles à un rebond commercial. Un client qui appelle pour une difficulté de paiement ne sera sûrement pas enclin à mettre la main à la poche pour acheter des compléments de services. D’autres critères plus subjectifs, tel que le climat de l’appel, doivent être pris en compte. Une tentative « déplacée » serait contreproductive et nuirait à l’image de l’opérateur.
Aujourd’hui, la révolution pour transformer un chargé de clientèle en vendeur n’est pas terminée. Du fait notamment de la complexité et du nombre d’offres proposées dans les télécoms, le développement des compétences et la formation des conseillers deviennent des facteurs clés de réussite. Tout simplement, la massification des flux sur un nombre limité de plateaux pour des offres à faible volume en favorise la maîtrise. Les « Serious Games » sont d’ailleurs très innovants pour faire monter en compétences des chargés de clientèle. Leur côté ludique et interactif renforce l’apprentissage.
Les progiciels de Real Time Marketing constituent un autre maillon indispensable à la réussite de la vente en proposant une offre pertinente à un client au moment où il est le plus susceptible de l’acheter. A titre d’exemple, le chargé de clientèle suggérera un pack fixe vers mobile à un client qui communique vers des mobiles à partir de sa ligne fixe. Néanmoins la complexité des offres télécoms et l’éligibilité du client à ces offres reste un frein au développement de cette activité.
Travailler la fidélité client passe également par la « démoyennisation » des processus clés des centres de contacts. Jusqu’à présent les scores étaient généralement associés à un segment client. Ces scores et marqueurs peuvent désormais être individualisés par client. Les processus comme le renouvellement de mobile ou les traitements différenciés sont ainsi adaptés par client.
En continuant notre parallèle avec le secteur des Utilities, la logique de vente au rebond est pertinente pour accompagner le lancement de nouveaux services. Les clients se voient ainsi proposer des services parfois éloignés de la fourniture d’énergie ou d’eau : contrats d’assurance, produits d’isolation thermique, travaux, etc. Ces relais de croissance sont une manière efficace de fidéliser davantage les clients au-delà de la fourniture de services électriques.
Éviter à tout prix la résiliation ?
Sur des marchés matures et très équipés comme ceux de la téléphonie mobile ou de l’ADSL, maintenir son parc clients est un défi permanent. Les opérateurs télécoms doivent en particulier renforcer leur dispositif de rétention. Suivre dans le détail les comportements clients pour identifier rapidement ceux au fort risque d’attrition est un premier levier. Les centres de contact doivent alors jouer un rôle de vigie et d’orientation des plans d’action marketing. De façon complémentaire, les directions marketing doivent se doter d’outils de simulation de la pression concurrentielle afin d’ajuster la tarification des offres sur parc.
Le mieux est d’arriver à ré-engager le client en contrepartie d’une offre à plus forte valeur ajoutée. Un geste commercial adapté facilite cette montée en gamme. Le coût par client retenu en est certes majoré, mais reste dans tous les cas très inférieur au coût d’une résiliation/réouverture d’un client.
La rétention peut s’apparenter à une course contre la montre. L’opérateur doit intervenir le plus tôt possible pour optimiser ses chances de retenir le client. La détection des signaux faibles, via scoring ou analyse des comportements clients, peut déclencher des actions fidélisantes avant même que le client ne souhaite résilier. La qualification des comportements clients devient critique pour identifier les sujets les plus fragiles. C’est le cas par exemple des clients d’opérateurs télécoms dont la fin de période d’engagement est proche, ou de ceux qui ont fait part de réclamations au cours des derniers mois.
S’il est trop tard et que le client souhaite résilier, le dernier rempart reste la rétention réactive. Faut il le faire à chaud lors de l’appel ? Est-il utile de rappeler à froid après réception d’un courrier de résiliation ? Le taux de rétention à chaud dépasse les 60% quand le taux de rétention à froid plafonne à environ 10%. L’enjeu pour l’opérateur est donc de maximiser le taux de passage en rétention à chaud de ses clients. Si malgré tout le client résilie sans prévenir, dans certains cas, les entreprises peuvent également le contacter sans attendre la réception du courrier de résiliation. Il est par exemple possible de détecter sur l’ADSL une perte de ligne client et de générer immédiatement un appel proactif de rétention.
Tout ce dispositif ne peut être efficace sans la mobilisation complète des conseillers. Et pour s’en assurer, rien de tel qu’un challenge pour gonfler leur motivation. Tout est possible en la matière : rémunérer à la vente individuellement ou collectivement les conseillers ou les superviseurs, faire participer plusieurs sites, etc. Avec les bons leviers, le retour d’un challenge est en général immédiat et son retour sur investissement facilement mesurable. La performance commerciale des conseillers peut ainsi doubler en une semaine.
Plus globalement, le mode de rémunération reste le principal argument pour garder les chargés de clientèle sous tension. Les modèles basés sur la productivité doivent faire place à des dispositifs plus sophistiqués axés sur la performance. Tout comme les conseillers, un prestataire sera rémunéré avec une commission sur les ventes ou les contacts argumentés. La performance à court terme ne suffisant plus, un complément de rémunération ne sera apporté au prestataire que si les clients gagnés ou retenus font encore partie du parc à un horizon donné, en général 3 mois. Un bonus ou un malus peuvent même être prévus si la performance d’un outsourcer est supérieure ou inférieure à la performance moyenne de l’ensemble des outsourcers.
Ces pratiques permettent de limiter les tentations de ventes forcées. Elles évitent aux fournisseurs d’accès à Internet de se retrouver régulièrement dénoncés pour leurs méthodes jugées douteuses. Par ailleurs, une signature écrite offre une preuve tangible de l’accord du client et permet d’éviter les litiges. Le retour du contrat signé par le client implique toutefois un délai supplémentaire, non maîtrisable par le FAI, avant sa facturation. Pire, 30% des contrats ne sont jamais retournés par le client. Deux écueils que la souscription dématérialisée permet d’éviter : la vente est conclue le jour même de l’appel, l’accord du client enregistré oralement, et la facturation peut commencer à l’issue des sept jours de rétractation légaux. Ce n’est en revanche pas possible dans certains pays, la Belgique par exemple.
Et après, que faire de plus ?
Même si le marché des télécoms et dans une moindre mesure les Utilities apparaissent comme très en avance sur ces logiques de ventes croisées, de segmentation client et de marketing relationnel, les sociétés peuvent aller encore plus loin.
Les dispositifs commerciaux multicanal
Travailler sur les dispositifs commerciaux multicanal est une nécessité afin que l’expérience client reste homogène et fluide entre centres de contacts, web et points de vente physiques. Le conseiller n’est alors qu’un maillon de la chaine. « Digitaliser » les centres de contacts en y installant les mêmes outils que sur le Web est le premier pas. Par ailleurs, la remontée régulière des informations disponibles sur les forums et sur les blogs auprès des chargés de clientèle évite à ces derniers d’être pris au dépourvu par les clients. Utiliser les mêmes processus et parcours clients garantit une homogénéité des parcours clients et facilite les passages d’un canal à l’autre. La porosité entre ces deux canaux permet également à l’opérateur de renforcer sa dimension sociale et communautaire qui fait trop souvent défaut.
Autre sujet pour faire plus : les réclamations
C’est le moment pour les entreprises de créer un promoteur ou un détracteur. Les opérateurs télécoms et les Utilities sont souvent à la traîne. Respectivement 25% et 10% des clients sont satisfaits du traitement des réclamations par les opérateurs mobiles et Internet. Un objectif de traitement de 95% des réclamations en 48h serait pertinent à titre d’exemple. Autre illustration de bonne pratique, les constructeurs automobiles envoient par e-mail un questionnaire de satisfaction à la suite de chaque réclamation.
Les similitudes entre le marché des télécoms et des Utilities ne s’arrêtent pas aux méthodes de vente puisque de nouvelles offres proches du monde des télécoms se profilent, par exemple, autour des compteurs intelligents. La convergence de demain pourrait donc se jouer entre les deux univers des télécoms et des Utilities. Après tout, un opérateur proposant au client le dernier Smartphone ou un iPad après le relevé des compteurs, ce n’est peut-être pas de la science-fiction.
- Emmanuel de Gastines, associé sur l’équipe Télécoms BearingPoint
- Charles-Antoine Souplet et Nicolas Bertaux, experts dans l’équipe Télécoms BearingPoint


Gastineau
22 septembre 2010 à 13:01
La réalité – avec Orange en tout cas- est dure pour le client.
Des interlocuteurs qui ne comprennent rien et n’entendent rien à vos problèmes de connexion, de changement de formule. Des réponses surréalistes – vous avez été écrasés par Free c’est pourquoi vous n’avez plus l’ ADSL!! si si!
Des courriers recommandés demandant de restituer leur Live Box à des clients qui n’en ont pas…
Pas de réponses aux courriers même recommandés. Des coupures de lignes fixes sans motifs, la suppression de l’ ADSL sans explication…et surtout de longues très longues minutes voire des heures passées au téléphone 3900 3901 avec des interlocuteurs du bout du monde collés à un écran pour vous répondre n’importe quoi
Merde!je suis une être humaine comme disait Elie Kakou
Barbaray Chistian
4 octobre 2010 à 23:08
Le problème c’est que la menace de résiliation est devenu un moyen de négociation (le seul) pour obtenir qq chose de la part de son opérateur. Les offres aux nouveaux clients étant plus favorables qu’aux anciens (!), il suffit d’appeler le service client, de parler très fort et d’exiger de parler au service résiliation pour obtenir rapidement gain de cause. Les opérateurs de call center le savent. Ils ont de plus en plus a gérer des « mécontents agressifs » qui veulent upgrader le premier niveau, car c’est le seul moyen d’obtenir satisfaction !