Quand un buzzword commence à prendre un coup dans l’aile, il revient d’entre les presque-morts affublé d’un très pratique « 2.0 » signalant sa renaissance et, forcément, son intérêt renouvelé. Le personal branding, c’est un peu ce genre de zombie : puisque plus personne n’ose sortir de chez lui sans son blog, comment requalifier une pratique toujours très en vogue qui prend des formes multiples ? Alors même que le moindre tweet doit, en une formule bien claquée, positionner son auteur pour être la star du prochain dîner mondain.
En 2012, chacun est entouré d’un halo, sorte de brouillard de légende personnelle aux paramètres tricotés sur les réseaux sociaux. D’un côté, la présence liquide des digital natives, virevoltant de pages en pages au fil de leur instinct en html5. De l’autre, les grands patrons dont la présence en ligne est gérée par assistant voire agence interposés. Entre les deux, autant de millions de mises en scènes individuelles qu’une simple googlisation pré-rendez-vous permet de faire remonter. Et là, la fiche Linkedin côtoie les photos de vacances. Dans le meilleur des cas, c’est drôle. Parfois c’est problématique. Puisque les rendez-vous IRL (in real life) deviennent de plus en plus des rendez-vous de validation d’un avis forgé au préalable, plutôt que de découverte. La googlisation est une redoutable antichambre dont on ne sort pas indemne.
Le personal branding est holistique
Tout est personal branding, tout est mise en scène de soi, tout est pose. Est-ce que cela entraîne une dilution des critères d’évaluation traditionnels ? La question se pose d’autant que la réputation en ligne peut devenir un critère de recrutement explicite, comme l’a révélé une récente annonce de Quechua. Que le score Klout devienne déterminant dans une embauche, cela ouvre la voie à toutes les techniques maîtrisées par les petits malins pour faire grimper leur visibilité artificiellement… Sans que cela reflète de réelles compétences professionnelles. Cela devient presque dangereux, pour un employeur, de s’en remettre à des outils de mesure de réputation non normés pour sélectionner des candidats.
Finalement, trop de personal branding tue le personal branding. Aujourd’hui rationalisé et passage obligé, il a entraîné une explosion des blogs personnels dont les auteurs professent à longueur de billets leur passion personnelle et historique pour le marketing (ou tout autre secteur dans lequel il recherche un emploi). En tant que chef d’entreprise et recruteur, quel crédit dois-je accorder à un blog dont le contenu agrège les mêmes sources que mes outils de veille personnelle ? La compilation des informations de Doc News et Minute Buzz ne me renseigne pas sur la passion d’un jeune professionnel pour le marketing, mais plutôt sur son incapacité à formaliser une réflexion personnelle.
Place à l’humain !
Finalement, lorsque je discute avec un candidat, j’en viens vite à distinguer, parmi ses nombreux sujets de discussion, les 1001 business cases qu’il est capable d’évoquer brillamment, pour avoir bien révisé avant de venir, et ce dont il serait capable une fois dans l’action. Je préfère ne pas me perdre dans les méandres d’une stratégie de présentation de soi aussi élaborée soit-elle. Je souhaite plutôt obtenir une réponse à cette question : « Et concrètement ? ».
Parlant de personal branding auquel je suis sensible, je signalerais que j’apprécie quelqu’un qui sait parler de lui, et sait faire parler de lui. Sans avoir recours à l’excès systématique, à la forfanterie, aux jeux mondains. En sachant concilier l’audace d’affirmer une identité propre avec une modestie bien dosée. Et en n’oubliant pas que l’honnêteté peut aussi payer, notamment quand elle est pratiquée avec humour.
Je ne laisse pas à un score Klout décider à ma place quand je dois décider si un candidat va venir occuper un bureau à trois mètres du mien. L’humain, ça marche encore.
Auteur : Olivier Missir, CEO de Brandcasterz
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Olivier Zara
6 novembre 2012 à 19:12
« Trop de personal branding tue le personal branding » …. je partage cette analyse. De même… »Pas assez de personal branding tue le personal branding » 😉
Dounia
31 mai 2013 à 20:38
Merci pour cet article qui se veut très rassurant sur la conception du recrutement à l’heure du web personal branding