RH et organisation

Le personal branding, une menace pour l’équilibre mental ?

Le personal branding est présentation de soi standardisée qui engendre la formation de personnalités lisses et stéréotypées.

L’identité projetée des individus est construite à partir des mêmes pratiques d’exposition de soi offertes par la technologie, selon une quête de notoriété traduite par une hypervisibilité et une hypermédiatisation sur la Toile.
Le personal branding est présentation de soi standardisée qui engendre la formation de personnalités lisses et stéréotypées.

Le personal branding est une tendance sociomarketing de plus en plus présente dans le tissu médiatique. Elle entre en résonance avec la notion de « recrutement 2.0 », c’est-à-dire un mode de recrutement à distance dégageant la promesse d’accélérer les rencontres entre employeurs et candidats.

L’affirmation répétée de la face de l’individu engendre la perte de soi

L’affirmation répétée de la face de l’individu engendre la perte de soi

1111 Citations de Stratégie, Marketing, Communication, par Serge-Henri Saint-Michel

L’intention d’un candidat s’inscrivant dans une démarche de personal branding serait ainsi de faire bonne impression auprès d’un public d’employeurs, lui signifiant par-là comment l’identifier de manière favorable.

Via son profil et son travail de « face » avec ses interactants (Erving Goffman), l’internaute candidat essaie effectivement de constituer une « présentation de soi fine ».

Cependant, la fonction a priori cosmétique et superficielle du personal branding peut révéler des risques quant à la présentation de l’individu sur le Web. Mais plus profondément encore, elle impacterait son processus de construction identitaire sur la Toile.

Derrière les injonctions visant à se différencier, les mêmes techniques de mise en scène

A travers une littérature de plus en plus abondante on et offline, le discours des spécialistes en personal branding incite les candidats à se présenter sous une « face » attractive recommandant de « se démarquer », de « faire la différence ».

Maryline JEAN, Conseil en relations médias et communication digitale

Maryline JEAN, Conseil en relations médias et communication digitale

Or, il existe un paradoxe avec le fait que ces candidats suivent finalement les mêmes recommandations de valorisation, les mêmes techniques de mise en scène et de présentation de soi face à l’employeur.

Adoptez un livre

En qualifiant les réseaux sociaux d’« originalité monotone », Christine Rosen pointe le doigt sur l’individualité conventionnelle de ces derniers. En effet, les profils des candidats sur la Toile font acte de « ressemblance distinctive », et finissent par devenir homogènes, tous différents qu’ils paraissent a priori.

En définitive, les individus consomment et produisent des mots et des images à partir des mêmes procédés, sans faire preuve d’originalité propre mais agissant par mimétisme éclaté.

L’identité projetée des individus est donc construite à partir des mêmes pratiques d’exposition de soi offertes par la technologie, selon une quête de notoriété traduite par une hypervisibilité et une hypermédiatisation sur la Toile. Car il s’agit bien, de manière sous-jacente, de mécanismes séductifs de valorisation de soi et de traces narcissiques visant une existence numérique par essence chimérique.

Une présentation de soi standardisée sur le Web, engendrant la formation de personnalités lisses et stéréotypées

Dans le discours injonctif de ce « concept », les recommandations deviennent des impératifs formels quant à la mise en œuvre d’outils, au nom de la « personnalisation optimisée des profils ». Les individus sont par exemple exhortés à : avoir des profils complets et mis à jour, avoir des photos identiques et réglementées, mettre des mots-clés populaires « pour être repéré par les recruteurs », faire des interventions dans les hubs, exprimer leur projet professionnel en quelques lignes tel un pitch, etc.

Personal branding : des techniques de mise en scène

Personal branding : des techniques de mise en scène

Les réseaux sociaux professionnels en particulier, en tant que plateformes qui sous-tendent les mises en relation entre offreurs et demandeurs d’emploi, encadrent et conséquemment formatent la face de l’individu de par leurs architextes se référant au CV classique. Cette torsion est renforcée par l’ensemble des médias et réseaux sociaux qui prône l’utilisation de mots-clés ainsi que l’adoption croissante de techniques automatisées, permettant par ailleurs de nourrir un écosystème du recrutement 2.0 via la circulation de métadonnées sur les candidats.

Le discours du personal branding favorise dès lors une présentation de soi standardisée sur le Web, engendrant la formation de personnalités lisses et stéréotypées. En accélérant le formatage du processus identitaire des individus sur Internet, et non pas en faisant apparaître leur différence comme il le prétend, le personal branding alimenterait une uniformisation des profils numériques.

L’affirmation répétée de la face de l’individu engendre la perte de soi

Plus loin encore, les pratiques assidues des individus sur les réseaux sociaux et les mécanismes incitatifs développés par ces derniers (mise à jour du statut, fonctions automatisées « trouver des clients ou des partenaires », « les connaissez-vous ? », « les groupes que vous pourriez aimer », etc.) vont à l’encontre de leur fonction affichée de support identitaire.

L’affirmation de la « face » de l’individu afin de communiquer avec autrui, via le renouvellement de ses traces, incite non pas à une « meilleure administration de soi », mais plutôt à une perte en matière de gestion de soi.

En effet, les traces des individus, visant notamment la démonstration de leurs compétences, disparaissent dans le flux des données. Il existerait ainsi une perte de contrôle de soi, encouragée par les plateformes dans le sens où celles-ci « poussent à abandonner la réflexivité et les tentatives de stabilisation du soi » (Coutant et Stenger, 2010 ; Georges et alii., 2009).

Pour illustration, les automatismes contribuent à cette perte lorsque les profils des utilisateurs sont co-construits avec les intitulés de fonctions automatisées (entrées en relation, commentaires laissés, applications installées, etc.).

En tant qu’« objets du quotidien », les réseaux socionumériques ne permettent donc pas à l’individu une meilleure gestion de son identité, pourtant échue à ces objets et surtout annoncée comme telle.

Par conséquent, la volonté de contrôle identitaire de l’internaute candidat que dénote le personal branding provoquerait de facto un trouble dans sa construction identitaire sur les réseaux socionumériques ; l’individu se trouvant comme aliéné.

Auteur : Maryline JEAN, Conseil en relations médias et communication digitale maryline.jean AT gmail.com

———-

Dossier spécial Personal Branding

Le personal branding : outils, méthodes, usages

Déconstruction du personal branding

Lire aussi : dossier veille et e-réputation, sur Marketing Professionnel

Cliquez pour commenter

Commenter

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Marketing PME aide les PME PMI et TPE à développer leur business en 2021
1111 Citations de stratégie, marketing et communication, par Serge-Henri Saint-Michel
Vers le haut