Mises au pied du mur par l’essor du e-commerce, les enseignes de distribution réinventent leurs stratégies de fidélisation. Objectif à atteindre : faire revenir les clients en magasins physiques. Pour cela, quelques « nouvelles » pratiques incontournables : la personnalisation et l’individualisation de la relation-client.
Ce sont des scènes connues des vieux films, lorsque le héros entre dans un grand restaurant ou dans un grand hôtel, et que le « maitre d’hôtel » lui lance un « comme d’habitude ? », avec un sourire de connivence. Au-delà du cliché, c’est un peu aussi ce que nous attendons d’une relation-client : une certaine forme de récompense pour notre fidélité à un lieu, une marque ou des produits. Le sur-mesure devient la norme exigée.
Le sur-mesure… à échelle industrielle
Le balancier n’est plus aujourd’hui du côté des produits standardisés élaborés en grande série anonymes, mais de celui des produits ou services personnalisés, individualisés, « extra-ordinaires » parce qu’uniques (au moins dans la perception du client-consommateur). En fait, plus que jamais, le consommateur d’aujourd’hui demande qu’on lui facilite la vie : obtenir ce dont il a besoin ou envie sans même qu’il ait besoin de demander. Qui ne s’est pas encore laisser tenter par l’une des milliers de « cartes de fidélité » proposés par autant d’enseignes ? Au-delà du système de « points » dont les bénéfices sont discutables, ces cartes servent aussi à alimenter de nombreuses bases de données permettant aux enseignes de faire de la promotion ciblées. Finis les catalogues de promotions collectifs, chaque client peut désormais recevoir ses coupons de réduction personnalisés, reflétant généralement les listes de courses précédentes. « Toute enseigne, quelle qu’elle soit, a intérêt à enrichir sa base de données clients en collectant des informations sur les préférences de ses clients, leurs goûts et leurs passions. Ces informations prennent toute leur valeur lorsque, associées au comportement d’achat, elles révèlent des tendances et des groupes de consommateurs au comportement homogène », justifie Vassili Daronnat (1), Consultant pour le marché du Retail de Cegid. Le sur-mesure n’est donc plus l’apanage des enseignes de luxe : la technologie permet à tous les secteurs de se lancer.
Le coup de pouce technologique
Le e-commerce, grâce aux outils technologiques sur lesquels il se construit, dispose déjà d’une certaine avance. Avec des entreprises comme Criteo, la personnalisation est d’ores et déjà perceptible en ligne, mais il s’agit pour l’essentiel d’une réponse logicielle à des informations recueillies en ligne, sans le consentement systématique des utilisateurs d’ailleurs. C’est le Big data appliqué au e-commerce. Certains sites ont d’ores et déjà poussé très loin le concept : dès 2007, chez Amazon, « l’analyse des achats conduit à des propositions correspondant exactement aux goûts des clients. Plus on achète chez Amazon et plus Amazon vous connaît et plus Amazon vous propose des produits pertinents, et plus on achète. C’est vraiment le cercle vertueux », commentait à l’époque, peut-être un peu trop enthousiaste, Henri Kaufman (2), intervenant à la Sorbonne.
Nombre d’enseignes sont ainsi lancés dans la personnalisation technologique, visant à proposer, via des algorithmes exploitant l’ensemble des données client, le bon produit à la bonne personne au bon moment : en fonction des achats des uns et des autres, des commentaires et surtout de l’historique d’achat et de visites, le logiciel fait des « recommandations » ciblées. Le but est ici d’automatiser en quelque sorte l’individualisation de la relation. « Le principe du moteur de recommandation ne consiste pas seulement à proposer aux clients une expérience approfondie ; il doit les engager avec la marque dans une relation one-to-one », explique Rick Curtis (3), directeur de la stratégie chez Amaze, agence spécialisée dans les stratégies digitales des marques. Seul problème : le client, pour aider qu’il soit, reste dans bien des cas seul devant son écran, sans le conseil, l’avis ou l’expertise d’un vendeur physique. Et C’est bien pour cela que les magasins physiques n’ont pas dit leur dernier mot.
Cross-canal et web-to-store
Bien conscient de la nécessité d’une vitrine virtuelle, la plupart des enseignes de distribution adopte néanmoins des stratégies cross-canal consistant à donner les mêmes possibilités aux clients en ligne et en boutique. Le consommateur a alors le choix entre facilité et rapidité du web ou accès à des conseilleurs et vendeurs en magasins. L’idée reste toujours la même : tout en laissant le choix aux consommateurs, améliorer la relation-client et fidéliser. L’avantage indiscutable de la boutique Brick and mortar reste la possibilité de consacrer du temps à chaque client. Mais pour les achats les plus importants, la transaction reste bien souvent physique pour des raisons de confiance. Et pour certains produits, l’achat en ligne reste problématique en raison des caractéristiques des dits produit, par exemple ceux qui nécessitent un essayage.
Dans le domaine des produits de santé, les lunettes demandent par exemple des réglages et des adaptations pour chaque patient, raison pour laquelle, si le type de montures ou de verres peut-être choisi en ligne (avec des outils de simulation 3D désormais), l’achat final se fait généralement en boutique : c’est le web-to-store. « Chez Optic 2000, nous avons un site e-commerce où le client peut pré-réserver et aller essayer le produit en magasin et voir s’il lui est adapté, si ce sont les bons verres etc. », explique Yves Guénin (4), secrétaire général d’Optic 2000. Inciter de la sorte les clients à venir en magasins est aussi une manière de mettre en avant le rôle de l’opticien comme professionnel de santé, en mesure de conseiller au mieux le client. Mais les opticiens se sont aussi emparés d’une autre tendance : la personnalisation des produits, pour proposer aux consommateurs un produit qui n’existe pas forcément ailleurs. Autre coopérative de l’optique, les opticiens Atol proposent par exemple des montures personnalisables en utilisant a technique simple de décors « clipsés » : « Le principe de clip est très simple et permet d’adapter ses lunettes à son look ou à son humeur » expliquent les égéries de la marque Atol (5). « L’objectif pour l’enseigne est de proposer de nouvelles expériences positives créatrices de valeurs, et ce dans le souci de les rendre accessibles toujours à tous », fait valoir de son côté Fabrice Obenans (6), Directeur Marketing Atol. L’enseigne Lissac (7), filiale d’Optic 2000, propose de son côté des montures en impression 3D, qui peuvent être dessinées par les clients eux-mêmes. « Nous sommes passés du secteur médical à la personnalisation pour tous, mais en un lieu unique. L’imprimante nous permet d’industrialiser le processus », détaille l’enseigne. L’impression 3D et le numérique sont probablement les technologies qui permettront l’explosion du sur-mesure dans les années à venir.
Mais si le sur-mesure est dans l’ADN des opticiens, car chaque client demande une réponse spécifique, ce n’est pas encore le cas de tous les métiers. Il est pourtant frappant de constater que tout le monde s’y met, car il s’agit désormais d’une demande incontournable de consommateurs supportant de plus en plus difficilement de n’être que des anonymes dans la masse. Au-delà des logiciels permettant d’orienter un consommateur vers ce qui pourrait l’intéresser, l’heure est désormais à l’individualisation de la relation-client et aux produits personnalisés. Et il y a fort à parier que seuls les enseignes ayant intégré ces nouvelles données seront à même de poursuivre leur développement.
Auteur : Marc Chastaing, Consultant indépendant en Marketing Stratégique et Développement, auprès des dirigeants de TPE et PME
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(1) http://www.cegid.fr/retail/l-excellence-du-produit-ne-suffit-plus-les-enseignes-du-luxe-doivent-maintenant-proposer-l-excellence-dans-la-distribution-et-la-relation-client/p-3697.aspx
(2) http://henrikaufman.typepad.com/et_si_lon_parlait_marketi/2007/03/amazon_champion.html
(3) http://www.stores-and-stories.fr/dossiers/personnalisation-la-cle-dune-strategie-multicanale-aboutie/
(4) http://www.marketing-professionnel.fr/tribune-libre/retail-le-magasin-n-est-pas-une-espece-en-voie-de-disparition-201407.html
(5) http://www.leparisien.fr/laparisienne/mode/atol-joue-la-carte-de-la-personnalisation-avec-sa-nouvelle-ligne-de-montures-09-01-2012-1805496.php#xtref=https%3A%2F%2Fwww.google.fr%2F
(6) http://www.voici.fr/mode-beaute/news-mode-beaute/saga-de-marque-atol-les-opticiens-qui-voient-loin-572084
(7) http://www.atelier.net/trends/articles/experience-client-optic-2000-mise-impression-3d_427430
(c) ill. Shutterstock
Dominique Siegwald - Base Plus
22 avril 2016 à 14:10
L’amélioration du parcours client passe obligatoirement par la personnalisation de la communication.
L’analyse et le traitement des données permettent de bien segmenter les clients, pour délivrer le message le plus pertinent quel que soit le support de communication qu’ils préfèrent.