Dans un climat économique d’incertitude et de frilosité générales, la dimension inspirationnelle des agences de tendances se trouve fragilisée tandis qu’on privilégie la robustesse de « data » qui rassurent. Plutôt que de les opposer, nous proposons propose de retenir le meilleur des deux mondes et d’y ajouter une composante : le crowdsourcing. Une approche permise par le web qui fait émerger une science nouvelle : la science des tendances.
Prédire l’avenir est un fantasme qui suscite un attrait tout particulier en période de crise. Lorsque les troubles sociaux et économiques brouillent les visions de long terme, lorsque les visions collectives s’effacent au profit de crispations individualistes, la longueur de vue se raccourcit. « Une société qui n’a plus d’idéaux et qui ramène les gens à eux-mêmes, sans leur offrir une projection dans le futur, tend à devenir une société conservatrice », affirme Mercedes Erra – la fondatrice de l’agence BETC et présidente exécutive d’Havas Worldwide – dans le dernier Soonoscope*. Dans une période comme celle-ci, nous avons donc besoin de voir plus loin que le quotidien, de lever la tête du guidon pour définir un sens, une trajectoire, une direction. Lever les yeux pour anticiper et prévoir les changements, pour innover et prendre un temps d’avance.
Prédire l’avenir : un fantasme !
… Car la prédiction est par essence dépourvue de caractère scientifique : les éléments qu’on invoque habituellement pour « (conce) voir » l’avenir sont en effet rarement « réfutables, observables et reproductibles » comme l’exige une science fondamentale. Il y a encore quelques années – à une époque où les lendemains chantaient encore – on s’accommodait volontiers de cette abstraction, s’appuyant sur un optimisme de fer pour fortifier la création, convaincu que l’inspiration ou la passion étaient plus importantes que la « data » et la statistique, qui décrivaient la réalité des comportements à force de graphiques. Mais les temps ont changé et les perspectives économiques plus sombres génèrent des tensions de plus en plus fortes. La crise de confiance occidentale exige désormais plus que la foi en un potentiel et l’on veut s’appuyer sur des données solides. Dès lors, les outils des « chasseurs de tendances », traditionnellement très intuitifs, sont fragilisés : quels sont les méthodologies à l’origine de leurs affirmations ? Peuvent-ils réellement anticiper les changements en s’appuyant uniquement sur leur intuition, aussi talentueuse soit-elle?
Face à ces questions, la « data » suscite un enthousiasme inégalé. Et une nouvelle ruée vers l’or. Elle apparaît comme le sésame permettant de comprendre les comportements, les goûts des consommateurs, leurs préférences, et de créer des modèles mathématiques d’anticipation, à la différence de l’aspect inspirationnel des agences de tendances traditionnelles. Quitte à être parfois austère et à tuer la part d’imaginaire qui nourrit toute création.
Le crowdsourcing, la 3e voie
Sans renier le pouvoir de la data ni la puissance de la dimension inspirationnelle, il y a une troisième voie, parfaitement complémentaire : le crowdsourcing. Une approche crowdsourcée des tendances et de l’anticipation sous-entend une approche par la base, une approche bottom-up faite d’observations et de relevés par des milliers d’yeux et d’oreilles en éveil capables de faire remonter de l’information à travers un canal web. Une approche empirique. C’est ce que Thanh Nghiem, spécialiste de l’open-source et fondatrice de l’institut Angénius, explique dans le Soonscope 4 : « les marques d’avenir seront celles qui auront su profiter de ce pouvoir de la multitude ». A l’heure du web omniprésent, les plateformes de crowdsourcing représentent en effet un formidable gisement pour les agences de tendances, à condition de créer une vraie communauté et de lui offrir un vrai retour. Elles permettent ainsi de concilier la « data » (avec ses milliers de détections) avec le côté plus inspirationnel qui s’appuie quant à lui sur des innovations qui émergent aux quatre coins du monde, sur des initiatives inédites lancées par des scientifiques, des artistes ou des jeunes entrepreneurs désireux de bâtir le monde de demain.
Faire travailler ensemble data et inspiration
A titre personnel, je suis convaincu de l’aspect essentiel de cette « troisième voie ». C’est d’ailleurs en s’appuyant sur le crowdsourcing et sur une communauté de plus de 400 éclaireurs implantés dans le monde entier que nous avons bâti notre modèle. Ce système nous permet de faire remonter des milliers d’innovations et de signaux faibles qui sont ensuite qualifiés dans une base de données selon un certain nombre de valeurs sociétales et de mots clés (la « data ») ; et d’illustrer ensuite les tendances ainsi révélées par des exemples concrets et convaincants (la dimension « inspirationnelle »). En somme de faire travailler ensemble « data » et « inspiration » en les appuyant sur un nouveau moteur : une communauté. Mais cela ne suffit pas : il est également essentiel de faire une place à la part « qualitative » à travers des entretiens avec des sociologues et des experts. La combinaison de tous ces éléments constitue alors une méthodologie nouvelle qui ne renvoie pas dos à dos deux univers, mais réunit le meilleur de chacun d’entre eux.
Auteur : Alexis Botaya, Directeur Général de Soon Soon Soon –
* Le Soonoscope, baromètre des valeurs et aspirations émergentes de Soon Soon Soon
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