Qu’a donc de commun le planneur digital avec son cousin planneur stratégique en agence de publicité ? De moins en moins de choses !
Le planning stratégique est un métier qui peut afficher de longues années d’antériorité alors que le planning digital est encore émergent. Généralisé à la fin des années 1970 dans des agences anglo-saxonnes, le métier de planneur s’est taillé une place de choix au sein des agences françaises ces 15 dernières années mais pas uniquement : les agences média (achat d’espace) et, plus récemment, les annonceurs eux-mêmes (Canal +, EDF, Bouygues…) emploient désormais des planneurs. Du coup, un planneur, on sait ce que c’est, enfin du moins on croit le savoir… Il a un cursus orienté sciences humaines et sociales, parfois littéraire (il faut savoir bien écrire, c’est la base !) et plus récemment, il a plutôt un profil bac+5 en écoles de commerce prestigieuses. C’est la tête pensante de l’agence, toujours à l’affût des tendances sociétales, nourrie aux études, gavée de veille, accro à la plateforme de marque…
Et le planneur digital alors ? Il a un cursus souvent double d’un côté des études bien sûr, bac +4 ou +5 aussi, mais d’écoles et d’universités plus variées, avec un gros peloton sorti de cursus de communication. A côté de son cursus officiel, il en a toujours un autre : plus ou moins technique, plus ou moins geek, plus ou moins informatique …. Bref son terrain de chasse à lui, ce ne sont pas les « consommateurs » mais les « internautes », ce n’est pas « le marché » mais l’écosystème digital autour d’une thématique, ce n’est pas la détection des tendances sociétales mais celle des comportements virtuels, ce n’est pas l’analyse des évolutions du milieu ambiant mais celle des évolutions itératives d’une galaxie connectée et mouvante, ce n’est pas de scruter des habitudes mais de révéler des usages tant en termes de fonctionnalités, que de device, de surf, d’interactions, etc.
Carte digitale
Bref, quand on demande à un planneur stratégique « classique » de répondre à un brief, il va d’abord étudier la marque dite (la matière composée par les supports de communication par exemple), va écouter l’annonceur (analyse de la marque voulue), et va parfois tenter une incursion dans la marque parlée en demandant… à son collègue planneur digital. Ce dernier, quand il reçoit un sujet, va d’abord commencer à recomposer l’écosystème global de la marque à partir de sa carte digitale, il va la confronter au brief, aux exigences et contraintes de l’annonceur mais d’abord à ses objectifs stratégiques et surtout tactiques.
Est-ce que les objectifs et desiderata de l’annonceur peuvent rencontrer sa cible internaute ? De même le benchmark – traditionnelle étape du travail d’agence – va être bien différent pour chacun. Bien sûr, le planneur stratégique sait utiliser le web, et Google est souvent son meilleur ami au quotidien. Mais si saisir des mots-clés dans un moteur de recherche peut beaucoup aider, en revanche, c’est très loin de couvrir la démarche du planneur digital qui tient plus de l’e-réputation ou de la recherche ciblée (reconstitution du parcours client/ du parcours prospect/ du parcours suspect, etc.).
Communication planning et channel planning
Le planneur digital a d’abord pour mission de bien connaître les comportements des cibles internautes (ce qu’ils aiment, ce qu’ils font, leurs réseaux, leurs influenceurs, leurs marques phares, leurs topics préférés du moment…). Son objectif : savoir quels concepts, quelles mécaniques, quels relais de prescription ou de visibilité préconiser. Car le web est le royaume de l’hyper segmentation des cibles. Sa démarche tient donc à la fois du « communication planning » et du « channel planning ».
C’est l’une des spécificités du planneur digital, il lui est quasiment impossible de dissocier le contenu du canal car cela n’aurait aucun sens. C’est pourquoi, le planneur digital doit rester en veille « technologique » permanente pour connaitre les nouvelles possibilités de contenu qu’offre un nouvel espace communautaire, les types de concepts que peut porter des usages naissants, etc. C’est une des raisons pour lesquelles il est souvent moqué comme « l’allumé » de service qui s’enthousiasme dès que sort une (pseudo-)innovation dont le nom est souvent aussi fantaisiste que sa pérennité est douteuse. Parce que finalement, le vrai planneur digital est aussi celui qui sait recommander de ne pas toujours se ruer sur le web ou sur le mobile, ou de ne pas sauter à pieds joints dans la dernière innovation à la mode.
Combien d’annonceurs se sont précipités sur une opération « virale », sur le dernier gadget virtuel interactif, etc. Si on ne peut nier qu’il y a toujours une prime à l’innovation, une prime au premier entrant, via les relations presse notamment, cet effet s’estompe rapidement pour les suiveurs. Le planneur doit donc identifier ce qui relève de la mode et du véritable nouveau moyen de communiquer.
Au contraire du communiquant opportuniste, le planneur pragmatique sait que le monde digital est d’abord caractérisé par la mesure, il est indispensable de penser en termes d’indicateurs de performances qualitative ou quantitative. Qu’est-ce que l’écosystème mis en place pour la marque va lui rapporter ? Quels bénéfices va-t-elle en tirer ? Au final, y aura-t-il un impact sur les résultats de l’entreprise ?
Profil du planneur digital
Car ce qu’attend un annonceur du digital n’est plus un simple clic sur son site, ou un nouveau fan, il est avant tout à la recherche de ses consommateurs quel que soit son état : suspect, prospect, client, prescripteur. Car, est-ce un scoop, l’internaute est avant tout un être fait de chair et de sang qui obéit aux règles immuables de la pyramide des besoins ! L’internaute n’est plus ce geek, early adopter, il est près de 75% de la population française : il est ma grand-mère, ma mère, mon fils et moi.
On n’attend pas d’un planneur digital qu’il soit un programmeur fou. On peut évidemment espérer qu’il soit un connecté passionné, mais on attend d’abord de lui une méthodologie de travail qui consiste à déterminer quelles sont les cibles internautes de la marque, ce qui peut les toucher et les influencer pour proposer des concepts et des mécaniques capables de s’y adapter afin d’obtenir le(s) résultat(s) demandé(s)s en termes d’objectifs. Le planneur digital a la difficile tache de prendre en compte la masse et l’individu à la fois, car si une opération, une campagne est conçue pour toucher une multitude de contacts, chaque individu va agir différemment, de la passivité la plus totale, assimilable à une audience télévisuelle, à un débordement d’activité : partage, engagement, participation…
Le planneur digital n’a que cette priorité en tête, comment faire en sorte que les internautes (et son segment cible pour l’annonceur) s’empare du message ?
Bref, non seulement le planneur stratégique et le planneur digital ne s’opposent ni ne se remplacent, et au contraire, ils forment un team appréciable pour travailler de concert. Le planneur stratégique apporte son expérience de la marque, et des années de marketing de masse, quand le planneur digital raisonne au niveau de l’individu et de l’expérience qu’il va vivre pour s’approprier cette marque, car l’internaute décide.
Auteur : Damien Kindermans, Dirigeant-Fondateur de Pollen 42
Dossier planning stratégique
- Planneur stratégique digital : quel planning ? Quel digital ? Par Damien Kindermans, Dirigeant-Fondateur de Pollen 42
- Le planneur stratégique et l’anti-mythe. Par Serge-Henri Saint-Michel
- Mickaël Palvin, Publicis
- Yann Chervet, Australie
- Marion Dessemme, Omnicom Group
- Julien Leterrier, Valtech
- Jocelyn Turlan, Balistik Art
- Charlotte Defaye-Ripoche, Publicis Dialog Stella
- Sarah Patier, Sid Lee
Un petit remontant ?
- 15 livres de planning stratégique à lire pour se défier des pièges communs, intégrer les contraintes stratégiques, maîtriser les tendances, les marques et l’environnement consommateur, penser latéralement et remettre en cause l’existant. Par Serge-Henri Saint-Michel.
- Brillez dans vos recommandations et vos briefs par des citations érudites !
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