Les dispositions nationales interdisant les ventes subordonnées ou les ventes avec primes deviennent d’une application improbable, tandis qu’un droit national ne peut plus interdire les jeux promotionnels de hasard sous prétexte qu’ils seraient liés à une obligation d’achat. État des lieux.
L’adoption de la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales est passée en France relativement inaperçue.
Si la transposition par les lois des 3 janvier et 4 août 2008 a généré quelques commentaires, ceux-ci s’intéressaient essentiellement à la création de listes noires de pratiques trompeuses et agressives. En revanche, leurs incidences sur les ventes réglementées par le Code de la consommation n’avaient pas été mesurées. C’est chose faite, depuis que la décision de la Cour de justice des Communautés européennes du 23 avril 2009 et l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 14 mai 2009 ont attiré l’attention sur les conséquences pratiques considérables de ce texte au regard des droits nationaux dans le domaine de la promotion des ventes. Ces deux premières décisions montraient que nos dispositions interdisant les ventes subordonnées ou les ventes avec primes devenaient d’une application improbable.
Interdiction des jeux promotionnels de hasard ?
Ce principe vient d’être rappelé par la cour d’appel de Paris, tandis que la Cour de justice de l’Union européenne jugeait qu’un droit national ne pouvait interdire de manière générale les jeux promotionnels de hasard sous prétexte qu’ils seraient liés à une obligation d’achat. Ces décisions nous donnent la confirmation du très grand bouleversement que va entraîner l’application de la directive sur la pratique quotidienne des industriels et sur les offres proposées aux consommateurs.
Il semble incontestable que les très anciennes règles applicables en droit français sont d’un coup devenues obsolètes. On n’imagine pas un juge français venir aujourd’hui prononcer une sanction au seul motif qu’un jeu de hasard serait lié à une obligation d’achat. On n’imagine pas non plus, malgré les intentions qui ont été manifestées par le ministre de l’Économie et le secrétaire d’État au Commerce, que le gouvernement pourrait faire voter une loi pour réintroduire les anciens critères comme éléments de détermination du caractère déloyal ou non des pratiques concernées. On ne peut pas envisager qu’une pratique de cette nature ne soit pas ensuite sanctionnée par les autorités communautaires.
Des pratiques appréciées « au cas par cas »
Toute pratique ne sera pas forcément licite pour autant, que ce soit en matière de loterie, de vente avec primes, de vente subordonnée… Il faudra rechercher dans chaque cas si les critères généraux des pratiques commerciales déloyales – diligence professionnelle et altération du choix du consommateur – sont ou non réunis. La preuve de l’absence de réunion des éléments constitutifs de la pratique déloyale, aisée s’agissant d’un jeu de hasard lié à une obligation d’achat d’un montant élevé, ne le sera pas nécessairement pour d’autres formes de promotions de vente. Les différentes décisions qui seront rendues, et qui devraient maintenant se succéder régulièrement, permettront donc d’avoir la meilleure appréciation de l’interprétation de ces critères.
Dans tous les cas, le travail des annonceurs et de leurs agences, d’une part, et les magistrats, d’autre part, sera indispensable pour que des critères plus précis soient dorénavant retenus.
Auteur : Eric Andrieu, Avocat associé chez Péchenard et Associés