RH et organisation

Comment moins subir la pression et le conformisme du groupe au service marketing ?

Pourquoi se conformer à la pression du groupe au travail ? Quelles sont les raisons qui poussent le marketeur et l'individu à se conduire ainsi ? RH

Pourquoi se conformer à la pression du groupe au travail ? Quelles sont les raisons qui poussent le marketeur et l’individu à se conduire ainsi ? RH

Lors d’une réunion entre collaborateurs et supérieurs hiérarchiques, alors que nous ne sommes pas d’accord avec la solution envisagée et que la majorité des membres présents penche vers celle-ci, nous décidons de ne rien dire et de suivre cette majorité ; bel exemple de conformisme et de pression du groupe.

Quelles sont les raisons personnelles ou extérieures à nous qui nous poussent à nous incliner devant cette décision qui ne nous convient pas ? Quels ont été les freins qui nous ont tout simplement empêchés d’exprimer notre opinion ? Peut-on parler ici de la « pression du groupe » ?

1111 Citations de Stratégie, Marketing, Communication, par Serge-Henri Saint-Michel

Dans une entreprise ou un service marketing, le groupe concerne l’ensemble des personnes se trouvant sur le lieu de travail, supérieurs hiérarchiques, collaborateurs… ; leur statut n’entre pas en compte. Ce groupe peut nous influencer consciemment ou non. En effet, que diront par exemple les collaborateurs si systématiquement nous quittons notre travail à 17h ? Toutes les personnes du service, supérieurs hiérarchiques ou non vont faire pression sur nous pour que nous nous conformions à l’usage qui est, par exemple, de quitter le travail à 19h.

Donc de façon générale, le groupe existe et va tout simplement être pris en compte par les personnes lors d’une prise de décision.

Nous parlerons donc de groupe neutre constituant une variable que le salarié ne peut mettre de côté.

Quelle est donc alors cette variable à laquelle nous ne pouvons échapper ?

Conformisme et raison personnelle

Des raisons objectives vont nous pousser à nous conformer. Ainsi, il a été démontré que le conformisme augmente mécaniquement avec la taille du groupe et que plus le groupe est unanime, plus l’individu se conforme, comme s’il perdait sa capacité à prendre de la distance et à réfléchir, comme le précise Sigmund Freud dans Psychologie des Masses et analyse du moi (1932).

« L’open space m’a fait décider »

Adoptez un livre

Selon Serge Moscovici (1) notre vie est largement déterminée par les décisions prises par le groupe. La décision du groupe est potentiellement supérieure à la décision individuelle car l’instance de décision collective a un volant d’expertise plus large.

Alexandre des Isnards et Thomas Zuber (2) déclarent que « l’open space fabrique énormément de conformisme social, car tout le monde surveille tout le monde ». Ici, il n’y a plus seulement une surveillance par un surveillant dédié à cette activité et des surveillés, mais chaque surveillé est devenu surveillant. Ce qui crée une pression constante sur les individus et un sentiment d’oppression qui les poussent à se conformer au groupe.

Une faille narcissique peut expliquer le conformisme décisionnel

A ces raisons objectives viennent s’ajouter des raisons personnelles, comme l’a démontré M. Sherif (3) ainsi la faible estime de soi augmentent le conformisme. En effet, comment aller à l’encontre de la majorité si un ancrage solide basé sur l’estime de soi et provenant d’un amour inconditionnel reçu de nos parents dans notre petite enfance fait défaut ? L’absence d’amour inconditionnel créée chez les personnes une faille narcissique qui fera qu’elles auront toujours tendance à se conformer à la décision de la majorité de peur d’être rejetées et de ne pas être aimées.

Ces personnes vont se dire des phrases telles que : « Je veux être accepté, être aimé par le groupe et surtout ne pas être le vilain petit canard, j’ai peur des éventuelles conséquences négatives comme d’être mis à l’écart, d’être isolé si je ne suis pas la tendance générale. Je pense que mes collègues sont meilleurs que moi, qu’ils savent plus de choses, je n’ai pas confiance en moi et en mes jugements car selon moi je ne suis pas aussi compétent que les autres ».

Ce conformisme est d’autant plus fort qu’il est renforcé par des normes que les individus se doivent de respecter.

Quand les normes s’imposent au salarié

Dans un service marketing, comme dans toute entreprise, des normes explicites et implicites doivent être respectées.

Les normes explicites sont des normes impératives et obligatoires clairement définies lors de la prise de fonction. Ce sont des normes qui précisent par exemple les objectifs de rendement, le statut… Nous savons à quoi nous sommes tenus car nous nous soumettons en connaissance de cause.

Les normes implicites ne sont pas moins impératives, bien que non formulées explicitement. Leur non-respect aura des conséquences lourdes pour les contrevenants. C’est une imprégnation naturelle qui se fait sans que nous nous en rendions véritablement compte. Ce respect peut passer par un mimétisme au niveau du comportement. De façon anecdotique ce sera par exemple se faire la bise en arrivant le matin ou au contraire se serrer la main ou,plus sérieusement, d’arriver systématiquement en avance au service marketing et de s’obliger inconsciemment à faire des « heures supplémentaires » car tout le service fonctionne ainsi.

Ces normes implicites sont de plus accentuées par l’autocontrôle exercé par nos « sociétés de contrôle ».

Le contrôle et l’autocontrôle d’une société de contrôle

Gilles Deleuze (4) fait l’hypothèse que s’opère un passage des sociétés disciplinaires (selon Foucault) à des sociétés de contrôle. Nous quittons les sociétés de disciplines, dont la principale technique était l’enfermement dans des institutions comme la prison, l’usine ou l’école, pour entrer dans une société de contrôle, qui fonctionne par « contrôle et autocontrôle continus et par communication instantanée » (Deleuze). Les enfermements étaient des « moules », mais les contrôles sont des « modulations », des « moulages auto-déformant ». Une nouvelle forme de contrôle social. Le contrôle se fait par l’autocontrôle grâce aux cadres pratiques et symboliques de soumissions prescrits. Toujours selon Deleuze, le marketing est même l’un des outils les plus efficaces de cette société de contrôle.

Leur non respect va entraîner une mise à l’index, une stigmatisation, voire une exclusion du groupe.

Nous sommes donc au sein d’un service soumis consciemment ou non à des normes que nous allons respecter.

Adhésion au groupe

Quels sont les mécanismes d’adhésion de ces personnes à une décision prise par un groupe de travail ?

Si dans le groupe règne une bonne ambiance et que le climat général au sein du groupe est fondé sur le respect de chacun, alors je parlerais de groupe bienveillant. Ce type de groupe se caractérise par une pression douce exercée sur ses membres et concernant notamment l’assiduité, la performance, les tâches à traiter. Les membres sont stimulés positivement et le management peut de ce fait être plus souple et moins dirigiste. Ce qui amène également une réduction du turn-over.

On peut citer en guise d’illustration l’expérience faite par l’équipe d’E. Mayo (5) dans l’usine Western Electric à la fin des années 20 aux États-Unis afin d’étudier les facteurs susceptibles d’améliorer le rendement dans le cadre du management scientifique de Taylor. Des ouvrières sont installées dans une pièce spécialement aménagée pour elles et leur offrant de très agréables conditions de travail dans le but d’améliorer le rendement, de réduire les accidents du travail et l’absentéisme. Après quelques semaines, les conditions normales de travail sont rétablies et de façon surprenante le rendement ne diminue pas.

E. Mayo en conclut que ce ne sont pas les conditions matérielles, mais la constitution d’un groupe solidaire avec un bon climat qui explique l’augmentation, puis le maintien du rendement. « Devenir visible aux yeux des autres, exister, être reconnu, obtenir de la considération, de la reconnaissance et développer le sentiment d’appartenance » sont les clés de la motivation. Ces ouvrières avaient développé entre elles une vraie camaraderie et des liens de solidarité. Leur motivation n’était pour E. Mayo plus seulement économique, mais aussi sociale.

Le refus d’adhérer au groupe avec pour effet la pression du groupe

Il existe également des groupes qui n’acceptent pas que des personnes puissent ne pas partager la décision prise en son sein. Ces groupes ne sont pas sans analogie avec le fonctionnement d’un système totalitaire où le fait de remettre en cause la ligne du parti n’est tout simplement pas tolérée. Le groupe va contraindre la personne à se conformer à celui-ci ou si ce n’est pas le cas à l’exclure du groupe. Le choix sera de se plier ou quitter le groupe. Je citerai l’exemple d’un service où il avait été décidé de faire faire à un groupe de travail un week-end de « team building » avec saut à l’élastique dans le but de créer une plus grande cohésion entre ses membres. Les salariés sujets au vertige ne pouvaient rien dire sous peine d’être traitées de personnes sans pugnacité et non investies dans le groupe. Elles étaient stigmatisées et le groupe les regardait avec suspicion. Ce qui a fini par créer un climat insupportable pour elles. Une des solutions trouvées par un des participants aura été de se faire faire un certificat médical attestant d’un état de santé incompatible avec ce sport.

L’individu s’efface au profit du groupe : impacts

Dans ce type de groupe, les individus ont tendance à abdiquer complétement et l’idée de s’exprimer ne leur vient même plus en tête. En « s’oubliant », ils se soumettent complétement au groupe et s’identifient à celui-ci. Cette attitude a été décrite par S. Freud dans Psychologie des masses et analyse du moi (1932). En effet, l’individu au sein d’une masse connaît une profonde transformation de son activité psychique en raison de l’influence que cette masse exerce sur lui. Son affectivité s’intensifie et ses prestations intellectuelles sont nettement amoindries, ces deux processus allant dans le sens d’un alignement sur les autres individus de la masse. Cette logique de masse se révèle néfaste, voire très dangereuse comme dans le cas d’émeutes ou de soldats commettant en groupe des atrocités.

De plus, Franz Berzbach dans Psychologie pour les créatifs, survivre au travail, affirme que dans un groupe on a « tendance à se cramponner à une seule idée, aboutissant à une idée fixe collective ». Cette tendance naturelle est par la force des choses démultipliée dans le cas d’un groupe nocif.

Et l’aliénation des individus au profit du groupe les conduit à refuser toute remise en cause du fonctionnement et des décisions du groupe…

Comment moins subir la pression du groupe ?

Les groupes façonnent les individus en leur imprimant leur mode de faire et de penser. N’oublions pas, cependant, que les groupes sont toujours constitués de personnes. Le simple fait d’avoir conscience que l’individu tend à s’aliéner au profit de la logique du groupe permet de se prémunir contre cette tendance.

Développer l’esprit critique, prendre du recul, réfléchir, écouter tous les points de vue, notamment les minoritaires, est un bon départ pour réduire la pression du groupe.

Au niveau personnel, un travail psychanalytique peut permettre d’acquérir une plus grande confiance en soi et une plus grande estime de soi. Ces deux qualités vont permettre de garder le recul nécessaire pour ne pas s’aliéner au profit du groupe et faciliter la prise de parole, nous permettre d’avoir moins de préjugés, d’être plus autonome et de développer une pensée créative et critique.

En dernier ressort, un tel travail permettra à la personne de ne pas s’aliéner au profit du groupe alors que celui-ci contrevient à ses valeurs essentielles ; la personne aura conscience que la seule solution sera alors de quitter le groupe pour préserver son intégrité psychique.

Accéder à un espace de liberté intérieure provenant de ce travail psychanalytique me semble être la clé pour se sentir plus autonome et spontané dans un groupe.

Je conclurai par cette citation de Paul Valéry, dans Tel Quel « Nous n’aimons pas celui qui nous contraint à n’être pas nous-mêmes, et nous n’aimons pas plus celui qui nous contraint à nous montrer nous-mêmes. Mais nous aimons celui qui croit que nous sommes ce que nous voudrions être, et c’est le fond du plaisir de la gloire, dont il faut beaucoup de tristesse et de puissance combinées pour se défendre entièrement. »

***

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Références

  1. S. Moscovici, Psychologie des minorités actives, PUF, 1982
  2. A. des Isnards et T. Zuber, L’Open Space m’a tuer, Hachette, 2008
  3. M. Sherif, The Psychology of Social Norms, Harper and Row, 1936
  4. G. Deleuze, Post-scriptum sur les sociétés de contrôle, in L’autre journal, n°1, mai 1990
  5. E. Mayo, The Social Problems of an Industrial Civilization, Harvard University Press, 1945

Un article de notre dossier : Emploi & fonction marketing

(c) ill. Bluespix

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