Le marketeur de demain ne ressemblera probablement pas à celui d’aujourd’hui ; mais cela n’a rien d’étonnant, car la fonction marketing évolue déjà quotidiennement depuis des années. Pourtant, depuis quelques temps, elle fait face à un enjeu majeur qui est celui de l’automatisation, un enjeu qui demande au marketeur de développer ses soft skills plutôt que ses hard skills. D’ailleurs, les crises sanitaire et économique qui ont démarré en début d’année 2020 favorisent, elles aussi, l’émergence de nouvelles soft skills que l’on nomme opportunément : resilient skills.
L’automatisation en marche
Le marketing moderne vit des vagues successives d’automatisation des process et une multiplication des outils martech [1] tels que l’ABM (Account Based Marketing), la DMP, le social listening, etc. Ainsi, les jours du marketeur généraliste semblent comptés : il devrait aujourd’hui être un spécialiste, un analyste, le temps que l’IA s’approprie ce savoir et déplace à nouveau le champ d’action et de compétences du marketeur, ailleurs. Une course sans fin. Stéphane Mallard prophétisait ainsi en 2018, dans son ouvrage Disruption, la fin du marketing ; ce dernier n’est pourtant pas encore mort, il s’est réinventé. Par contre, le modèle du salariat pour le marketeur amorce un virage qui semble inéluctable, celui d’un marketing à la demande, voire pour de petites structures, d’un marketing en temps partagé. Le discernement et la compréhension des algorithmes ne suffisent plus, car au-delà des domaines d’expertises autour de la data en particulier, c’est un peu moins les hard skills qui demain feront la différence, que les softs skills [2] que saura développer le marketeur.
Les soft skills du marketeur
Le confinement découvert en 2020, le travail à domicile, le développement d’un rythme de travail hybride entre télétravail et présence au bureau, ont bouleversé la hiérarchie des soft skills alors plébiscitées. La crise économique, qui double cette crise sanitaire, rebat aussi les cartes des attentes des entreprises et des recruteurs. Pendant et après le confinement, les collaborateurs ont appris à ne pas s’isoler en restant connectés les uns aux autres, à se repositionner, à ne pas agir dans la précipitation, à adopter de nouvelles pratiques de communication, de nouveaux outils aussi, à développer de nouvelles compétences en cultivant leur créativité. Selon les cadres interrogés par l’IFOP [3] l’adaptabilité était la soft skill la plus valorisée dans les entreprises (84%). Et parallèlement, des marketeurs B2B de la tech, interrogés par le cabinet Solantis et le CMIT plaçaient, eux, la flexibilité en première position des soft skills majeures. Ces deux soft skills se sont ainsi révélées très importantes lors de la pandémie. Pourtant, un article de Harry Kretchmer [4] pour le World Economic Forum, citant LinkedIn, nous explique que les recruteurs n’analysent plus seulement le « verbal » mais aussi le « langage corporel numérique ».
Sales enablement et resilient skills
La COVID-19 a accéléré l’adoption d’outils de télétravail et aussi de nouveaux médias comme la vidéo conférence. Les comportements doivent s’adapter : lors d’un webinar par exemple, il n’y a aucun moyen de retenir un participant qui souhaitera quitter une session. Ce sera le cas aussi lors d’un entretien vidéo ou d’une présentation commerciale. Il devient donc encore plus important de faire attention au ton utilisé, aux prises de position radicales, attention aussi à la posture, à l’environnement (le cadre). Les règles classiques de la vente sont à revisiter, les outils et le support que fournissent le marketing aussi : c’est l’objectif du sales enablement [5]. Un défi nouveau pour l’entreprise et un nouvel espace de travail commun pour le marketing et le commerce. Former, informer, équiper et accompagner les équipes commerciales est une des missions primaires du marketing. C’est pourquoi, améliorer l’efficacité des équipes commerciales qui doivent utiliser en confinement, et certainement après aussi, l’outil vidéo (la vente au travers d’un écran), est indispensable. Les tactiques classiques qui contribuent à alimenter le fameux tunnel de conversion doivent s’adapter aux nouveaux usages des audiences, les médias sociaux en sont un bel exemple.
L’influence et les médias sociaux
Plus que jamais les médias sociaux, comme LinkedIn pour le secteur B2B, changent les règles du jeu. Avec la difficulté à se déplacer, l’arrêt et le report des nombreux évènement physiques au cours de l’année 2020, la lassitude devant les très nombreuses offres d’événements virtuels et de webinars, le modern selling (une manière d’automatiser le social selling) devient le moyen pour engager, entretenir des conversations et les transformer en rendez-vous, pourquoi pas au travers d’un écran, avant de les convertir en ventes. Ce terrain est déjà beaucoup disputé, c’est pourquoi se différencier devient plus compliqué. L’influence est une tactique qu’il faut savoir maîtriser, que ce soit son influence personnelle, celle de collaborateurs ou celle d’influenceurs [6] externes ambassadeurs de votre société. Et sur ce terrain l’automatisation (via des pods [7] ou des programmes d’employee advocacy par exemple) ne fait pas de miracle. Pertinence, sincérité et authenticité sont autant de valeurs qui doivent animer l’ensemble des salariés qui vont prendre la parole au nom de la société et devenir des points de contacts (touchpoints) utiles à l’amélioration de la notoriété de la marque et à l’influence de la décision d’achat. Le marketing joue ici un rôle unique dans l’accompagnement des salariés.
Finalement les compétences particulières, révélées par la pandémie, vont prendre de plus en plus d’importance dans un climat de hausse du chômage et de poursuite d’activité à distance pour beaucoup de salariés, dont les équipes commerciales et marketing. Selon le Cedefop [8] (Centre européen pour le développement de la formation) certaines compétences pourraient ouvrir des opportunités d’emploi après la COVID-19, n’hésitant pas à les qualifier de « COVID-19 resilient skills ».
Auteur : Jean-Denis Garo, Directeur Marketing Europe du Sud Mitel, Président du CMIT (Club des directeurs Marketing de l’IT)
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Notes :
- Le ROI Des Martech. Forbes. 8 février 2019. https://www.forbes.fr/management/le-roi-des-martech/
- Soft Skills : Flexibilité Et Adaptabilité Au Panthéon Du Marketing. Forbes, 5 novembre 2019. https://www.forbes.fr/management/soft-skills-flexibilite-et-adaptabilite-au-pantheon-du-marketing/
- Les cadres et les soft skills. IFOP, 23 septembre 2019. https://www.ifop.com/publication/les-cadres-et-les-soft-skills/
- Here are 5 skills researchers say employers are looking for right now. Harry Kretchmer. World Economic Forum, 13 août 2020. https://www.weforum.org/agenda/2020/08/covid-19-jobs-key-skills/
- Quel rôle pour le marketeur dans le sales enablement ?. Marketing professionnel. Aout 2018. http://www.marketing-professionnel.fr/tribune-libre/sales-enablement-role-marketeur-201808.html
- Le long déclin des influenceurs. Stratégies. 17 Mai 2019. http://www.strategies.fr/blogs-opinions/idees-tribunes/4029746W/le-long-declin-des-influenceurs.html
- La mort annoncée des Pods d’engagement sur les réseaux sociaux ?. eMarketing. 06 Janvier 2020. https://www.e-marketing.fr/Thematique/social-media-1096/Breves/mort-annoncee-Pods-engagement-reseaux-sociaux-345640.htm
- Skills and social distancing risk. Mai 2020. https://skillspanorama.cedefop.europa.eu/en/analytical_highlights/covid-19-and-jobswhich-skills-make-difference
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