Avec des pratiques et des publications en augmentation régulière, la notion de responsabilité sociale des entreprises (RSE) a pris un essor considérable. La RSE couvre trois domaines : la protection de l’environnement, l’éthique des affaires, et le développement durable (Kolk, 2016). Le marketing B to B est à la racine de ces trois domaines, et la RSE se présente comme une double opportunité. D’une part en termes d’image, la situation actuelle est telle que la RSE est un impératif catégorique. D’autre part en termes d’affaires, les nouveaux comportements des acheteurs montrent que l’opportunité est maintenant réelle.
Le marketing B to B à la racine des trois domaines de la RSE
Concernant l’environnement, de nombreuses entreprises B to B sont les « marques ingrédients » : elles produisent des composants tels que le ciment, des molécules chimiques, les microprocesseurs, les métaux lourds, etc. qui seront exploités dans les produits B to C. Le macro secteur B to B est en amont des filières de la plupart des activités économiques : matières premières, minerais, composants, molécules chimiques, ou machines. Il englobe un ensemble d’industries telles que la métallurgie, la chimie, la mécanique, l’électronique, le transport, productrices de carbone et destructrices de l’environnement. Ce sont leurs laboratoires qui majoritairement créent les nouvelles technologies, plus ou moins polluantes, vendues aux entreprises B to C. Leurs activités sont la source principale d’atteinte à l’environnement. Concernant l’éthique des affaires, les grands contrats susceptibles de détournements se réalisent toujours en secteur B to B : armement, pétrole, ingénierie, industrie minière, génie civil… Les annonces atteignent ce secteur au cœur. Enfin, le développement durable cherche à créer de nouveaux business modèles basés sur le long terme, la relation de confiance, la suppression des excès tels que la communication mensongère, intempestive et intrusive ou l’obsolescence programmée. Ici, les cultures des entreprises B to B sont très variées : la vente d’un lot de matière première une seule fois à un client éloigné via une plateforme d’e-commerce peut tenter certains acteurs à conclure un contrat à l’ « arraché » laissant une « terre brûlée » de clients insatisfaits. Inversement la vente d’un moteur d’avion s’accompagne d’un contrat de service conclu sur plusieurs décennies. Les pratiques commerciales de fournisseurs B to B induisent souvent auprès des acteurs des filières les mêmes attitudes en aval.
Une opportunité d’image : elle est aujourd’hui au mieux nulle, au pire négative
Une étude de 2015 (Sheth et Sisodia) indique que les responsables marketing sont vus globalement comme responsables de la communication et beaucoup moins comme en charge de la définition des gammes de produits. L’étude montre que 83 % des clients considèrent que les entreprises ne les voient que comme un porte-monnaie ou un compte. En interne, seulement 38 % des employés considèrent leurs collègues du marketing bons ou excellents. 18 % seulement des collègues les trouvent orientés résultat tandis que les responsables marketing eux-mêmes estiment être ainsi à 71 %. Ce constat est plus fort en B to B, où un grand nombre de petites et moyennes entreprises n’ont pas de département marketing, mais seulement un responsable de la communication. La responsabilité de la définition des gammes est alors prise par le dirigeant et le responsable recherche et développement. Le secteur et le marketing B to B souffrent d’un déficit d’image. Qui peut citer un leader mondial des mines, de l’équipement électrique industriel ou du transport maritime ? Tout comme les entreprises de son macro secteur, le marketing B to B est quasi inconnu du grand public ou, pire, il encaisse par analogie les griefs portés à la communication B to C, alors que son budget moyen de communication est inférieur à 3% du chiffre d’affaires. La même étude indique qu’en raison de l’acharnement médiatique, 61 % pensent que le marketing est hors de contrôle. L’image des commerciaux est positive pour 7 % et négative pour 56 %. L’image des vendeurs par téléphone est à 91 % négative contre 2 % positive. Dans le B to B, l’image des responsables marketing est à 38 % négative contre 20 % positive. Le marketing B to B assure la communication, c’est le porte drapeau et la voix de ces entreprises. Il est à la source de son image.
Une opportunité d’affaires imposée par de nouvelles pratiques d’acheteurs
Les acheteurs du B to B ont des processus d’achat en évolution permanente. Ils introduisent des clauses contraignantes RSE dans les appels d’offres, publient des critères RSE de choix de leurs fournisseurs. Ils exigent des informations chiffrées et mises à jour annuellement sur leur empreinte carbone, la consommation d’eau, d’énergie, ou les compositions en produits dangereux pour la santé. Les fournisseurs doivent inclure leurs achats également dans certains calculs, impliquant ainsi toute leur filière. L’immense secteur B to B des achats publics impose des règles de plus en plus contraignantes. Signe de cette évolution, en 2015, l’entreprise UPS leader mondial du domaine du transport postal avait peu de clients qui acceptaient un prix plus élevé pour une empreinte carbone plus faible. En 2016 la demande émerge au point qu’une offre spéciale de transport associée à des plantations d’arbres connait un succès. Les labels « entreprises RSE » (Global Compact, Ecolabel) sont de plus en plus demandés des acheteurs. Les bonnes pratiques forment un cercle vertueux qui ouvre des marchés et donne une avance concurrentielle. Un marketing qui anticipe les législations et les comportements des acheteurs sécurise l’avenir des entreprises B to B.
Pour une charte d’un Marketing B to B responsable
Comment saisir ces deux opportunités ? Cela peut se réaliser à l’aide d’un code de bonne conduite public et adopté. Nous proposons un exemple ci-dessous en quinze principes, publié par l’Association Française de Marketing et l’ADETEM. Selon les spécificités de leur métier, les comités de direction des entreprises B to B peuvent ont à définir la leur.
La charte du marketing responsable se décline sur deux plans.
Marketing stratégique
- La stratégie marketing cherche un équilibre gagnant pour les constructeurs, les distributeurs et les clients
- Le marketing crée des produits et services qui apportent une valeur ajoutée réelle aux clients
- Ses propositions de produits futurs tendent à réduire l’empreinte environnementale de l’entreprise. Il publie les résultats
- Les produits proposés éliminent les nuisances à la santé et la sécurité des personnes
- Le marketing s’attache à accompagner les clients par des supports et des services afin qu’ils bénéficient au mieux de leur achat
- Le marketing dissuade le renouvellement exagérément prématuré ou l’obsolescence programmée des achats du client
Marketing opérationnel
- Le marketing est le représentant défenseur du client au sein de l’entreprise
- Le marketing cherche à établir la confiance et des relations durables avec les clients
- Le marketing encourage la négociation avec les clients basée sur la franchise
- Le marketing encourage la clarté des contrats passés avec les clients
- La communication marketing ou la force de vente doivent informer les acheteurs sur les produits, leurs bénéfices et aussi leurs risques
- La fréquence de la communication est calibrée à un niveau raisonnable et conforme à la volonté des clients
- Le marketing cherche à utiliser les médias préférés des acheteurs
- Le marketing n’abuse pas d’une dépendance des clients
- Le marketing est lanceur d’alerte interne contre la corruption
En conclusion, l’image actuelle du B to B, de ses équipes marketing et les nouveaux comportements d’acheteurs offrent deux opportunités exceptionnelles d’image et d’affaires. De nombreuses entreprises ont pris le virage, souhaitons qu’elles inspirent l’ensemble du secteur.
Auteur : Marc Diviné, dirigeant de A2Z-Innovation et enseignant à l’IAE-Paris
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Aller plus loin
- Sheth J. N., Sisodia R.S. (2015), Does marketing need reform? Fresh perspective on the future, Rouledge
- Ans Kolk (2016), The social responsibility of international business: From ethics and the environment to CSR and sustainable development, Journal of World Business 51, 23–34
Un article de notre dossier Marketing B to B
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