Médias et publicité

Santé, la loi des séries

« Encéphalogramme », « fibrillation »… mots quasi inconnus il y a une quinzaine d’années. Mais aujourd’hui, tout le monde les a entendus au moins une fois sans même avoir mis les pieds dans un l’hôpital. Gores, mièvres ou interdites au moins de 12 ans, depuis l’avènement de la série « Urgences », en 1994, toutes les chaînes américaines (et européennes), rivalisent d’idées pour imposer leur série médicale. Alexandre Bouhélier.

« Encéphalogramme », « ECG », « trachéotomie », « intubation » et autre « fibrillation », ces mots ne vous disaient peut-être rien il y a une quinzaine d’années pourtant, aujourd’hui, tout le monde les a entendus au moins une fois sans même avoir mis les pieds dans un l’hôpital.

J'ai un job dans la com', par Serge-Henri Saint-Michel

Gores, mièvres ou interdites au moins de 12 ans, depuis l’avènement de la série « Urgences », en 1994, toutes les chaînes américaines (et européennes), rivalisent d’idées pour imposer leur série médicale.

C’est le 2 septembre 1994 que le premier épisode de la série américaine « Urgences » est diffusé sur NBC. L’homme à l’origine de cette série n’est autre que Steven Spielberg. Faute de temps, il se limitera à la production de la saison 1. C’est le début d’une longue série de divertissements sur le thème de la santé et de la médecine, avec comme décor principal l’hôpital. Vont alors déferler sur nos petits écrans des médecins avec chacun leur spécialité, et pas uniquement médicale. Docteur House le cynique, Meredith Grey l’amoureuse (« Grey’s Anatomy »), Christian Troy l’obsédé (« Nip/Tuck ») ou encore JD l’interne attardé (« Scrubs »).

En avril 2009, la série pionnière, « Urgences », s’arrête, laissant place à une guerre des chaînes déjà bien engagée. Malgré la tentative de NBC de lancer une nouvelle série, « Trauma », la chaîne ne renoue pas avec le succès et l’abandonne au bout de huit épisodes.

Le médecin le plus consulté de France

Pourtant, en terme d’audience ces séries tiennent la tête du peloton. En France, Docteur House a été le médecin le plus consulté en 2009, se classant 17 fois dans le palmarès des cent meilleures audiences. Il a réuni sur un seul épisode jusqu’à 10,2 millions de « patients », soit 38,5% de parts de marché.

L’intérêt financier des grandes chaînes et maisons de production est donc colossal. En France, ces séries américaines permettent aux télévisions privées de conserver des taux d’audience élevés et donc d’engranger des recettes publicitaires importantes. Face à cette déferlante américaine, les « shows médicaux » à la française semblent bien pâlots et ne parviennent pas à stabiliser leur état. En 2007, TF1 s’est essayé au genre en produisant la copie conforme de « Grey’s Anatomy » version frenchie. Au final un vrai flop, avec à peine 20% d’audience. La rentabilité des séries américaines, médicales ou criminelles, reste bien plus élevée que les productions hexagonales. Dans cette logique, M6 vient d’acquérir une nouvelle série, « Mercy », dernière-née des studios NBC qui débarquera sur nos écrans courant 2010. Le succès sera-t-il au rendez-vous, rien de moins sûr…

Santé, la loi des séries

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Anatomie d’un succès

La profusion de séries médicales, l’attachement des téléspectateurs pour leur héros, obligent les scénaristes et producteurs à innover sans cesse pour émerger et durer sur le marché du divertissement audiovisuel. Pour cela, ils disposent de cinq ingrédients clés qui contribuent à la recette du succès.

– Le scénario : l’intelligence de ces séries provient avant tout de la qualité de leurs scénaristes. Ils ont compris que chaque épisode devait être autonome, seules les relations entre les personnages évoluant au fil des épisodes. La force de ces divertissements réside dans la multitude d’intrigues et de dénouements contenus au sein d’un même épisode. Le téléspectateur est captivé par un rythme soutenu, il ne décroche plus.

– Le public : chaque série à son public, sa cible. « Urgences » la série la plus réaliste, attire les aficionados du bistouri. « Grey’s Anatomy », aux péripéties romantiques, pour ne pas dire romanesques, s’adresse à un public plus féminin en général et à la ménagère de moins de 50 ans en particulier. « Scrubs », série comique à la limite de la sitcom, parle aux adolescents et aux jeunes adultes, « Nip/Tuck » aux hommes et enfin « Dr House », avec ses intrigues construites comme celles des séries policières, à la différence près qu’ici le « méchant » est le plus souvent d’ordre viral, à un public très vaste, ce qui explique en grande partie son formidable succès.

Toutes ces séries proposent également une lecture de la société selon un angle différent. « Urgences » est assez politique. Cette série n’hésite pas à traiter des sujets comme l’immigration ou la guerre en Irak, impliquant directement ses personnages dans des engagements divers et variés. « Grey’s Anatomy » est plus centrée sur elle même, d’ou le titre construit autour de la narratrice. C’est une auto analyse limitée au contexte de l’hôpital et des relations internes. « Nip/Tuck » étudie les travers d’un pan de la médecine qui fascine (la chirurgie esthétique) en y caricaturant ses excès, ses dérives… C’est au producteur et au réalisateur de choisir comment aborder telle ou telle série en fonction de l’audience qu’ils visent.

– Le fantasme : la cible privilégiée de ces séries reste avant tout la femme. C’est elle qui a imposé le genre. Georges Clooney en tête, ces séries ont engendré une nouvelle génération de jeunes premiers au physique de gendre idéal pour rajeunir leur cible. « Urgences » lui doit une large part de son succès. Le but est clair : assouvir le « vieux » fantasme de millions de femmes, celui du médecin protecteur, beau et dévoué. Dans ce même registre du fantasme de la blouse blanche, qui n’a jamais entendu enfant que médecin était le plus beau métier du monde ? Tous les parents partagent cette envie collective, ce fantasme, que leur enfant devienne un jour médecin.

– L’ouverture : ces séries dédramatisent un univers inhospitalier en nous montrant ses coulisses et en modifiant le rapport médecin-patient. Nous prenons l’habitude de les voir en héros, de suivre leurs aventures au quotidien et de nous identifier à eux. L’hôpital n’est plus un lieu synonyme de maladie ou de mort, il devient le lieu de la vie, de l’amour et de l’héroïsme. A force d’observer l’hôpital de chez soi, on finit par s’y sentir comme à la maison…

– L’identification : lorsqu’il regarde un épisode, le téléspectateur a le choix de s’identifier soit au patient soit au médecin. Les maladies traitées dans ces séries TV sont certes souvent rares et exagérées, cependant, dans un souci de réalisme, elles traitent parfois de pathologies connues de tous. Il est alors facile de s’identifier au médecin ou au patient, en fonction de sa propre expérience, de son vécu. Ici, les héros sont à la fois les médecins ET les patients, alors que, dans les séries policières, le téléspectateur s’identifie plus facilement au seul personnage du policier.

Rançon du succès et revers de la médaille, il ne faudrait pas que, sous couvert d’une connaissance approfondie de ces séries, certains patients se mettent à jouer les apprentis médecins pour eux et surtout pour les autres. Ces programmes, si réalistes soient-ils restent des divertissements avant tout, plaçant souvent la médecine en second plan des relations entre les personnages. L’hypocondrie des patients constatée de plus en plus chez les urgentistes qui s’auto diagnostiquent, ne serait elle pas le fait de cette loi des séries ?

Auteur : Alexandre Bouhélier

Sources principales :

Dossier Spécial Santé sur Marketing-professionnel.fr

La santé entre plaisir et contraintes

L’auto médication au menu !

Santé : retour vers le futur ?

L’internet, au cœur de la santé

1111 Citations de Stratégie, Marketing, Communication, par Serge-Henri Saint-Michel
1 Commentaire

1 Commentaire

  1. isabelle

    6 mars 2010 à 16:01

    Il set vrai que ces séries modifient le rapport médecin-patient. L’hôpital n’est plus un lieu synonyme de maladie ou de mort, mais un lieu de la vie, d’amour. Mais même avec tout ceci , perso je suis très loin de m’y sentir comme à la maison…

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