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La série The Handmaid’s Tale : du feminism washing ?

La série The Handmaid’s Tale / La Servante Écarlate était pleine de promesses féministes. Mais du fait de son exécution, ne diffuserait-elle pas une forme de feminism washing ?

La série The Handmaid’s Tale / La Servante Écarlate était pleine de promesses féministes. Mais du fait de son exécution, ne diffuserait-elle pas une forme de feminism washing ?

La série The Handmaid’s tale vient d’être renouvelée pour une sixième et dernière saison, juste après la diffusion de sa cinquième saison. Si la série, d’un point de vue féministe, était pleine de promesses, son exécution pourrait nous amener à nous interroger : la série ne diffuserait-elle pas plutôt une forme de feminism washing ?

La série The Handmaid’s Tale : La Servante Écarlate est adaptée du roman dystopique de Margaret Atwood, The Handmaid’s Tale (La Servante Écarlate), publié en 1985.

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Pour rappel, cette dystopie montre comment les États-Unis sont devenus un pays totalitaire, la République de Gilead, dans laquelle les droits reproductifs des femmes sont bafoués. Les femmes les plus fertiles deviennent des « servantes », sortes de mères porteuses assignées à des familles « nobles »  dont la femme n’est pas assez fertile pour porter leur enfant. Elles ont presque le statut d’objet au sein du domicile, font partie des meubles, passent de maison en maison, sont mutilées…

Un roman dystopique féministe, adapté en série

Le livre, à la base, met en lumière la fragilité avec laquelle les droits des femmes peuvent être en danger.

La série est, elle, sortie le 26 avril 2017, quelques mois après l’élection de Donald Trump (janvier 2017). Elle arrive alors à point nommé. En effet, si la dystopie a été publiée en 1985, en 2017 elle semble bien être toujours d’actualité, alors que l’arrivée de Donald Trump annonce des mesures répressives concernant les droits des femmes. Des slogans en référence à la dystopie d’Atwood émergent sur les pancartes en manifestations, et ce même avant l’élection, et la sortie de la série : « Make Margaret Atwood Fiction Again » « La Servante Écarlate n’est pas un mode d’emploi »…

Le livre met ainsi en lumière les dangers du patriarcat et les problèmes de violences faites aux femmes, ainsi que la facilité avec laquelle les droits des femmes peuvent être bafoués sans qu’on s’en rende compte. En faire une série semble ainsi être un projet louable à l’origine, puisqu’elle permet de faire découvrir les enjeux présentés dans le livre à un public plus large (une grande partie des gens ayant aujourd’hui davantage pris l’habitude de regarder des séries que de lire des livres*).

L’adaptation peine à s’affirmer comme féministe

Néanmoins, si dans le livre Atwood nous présente Defred, une femme détruite par ce régime, qui s’adapte par instinct de survie, les scénaristes font de cette femme une héroïne courageuse, qui répond à ses bourreaux, se cabre et organise une rébellion. Un scénario à la Hunger Games qui peut nous interroger.

Adoptez un livre

En effet, la saison une suit, dans l’ensemble, le roman. Mais les scénaristes décident de continuer la série au-delà du livre ; et c’est à partir de la saison deux que cela se gâte. Defred se rebelle, dans un régime totalitaire, il ne lui arrive rien et ça n’interroge personne ? Le message de la série, et du livre, perd tout son sens : on ne nous montre plus une série sur l’oppression du pouvoir, mais sur une héroïne « différente », c’est à dire semblable à toutes les héroïnes de dystopies pour ado : qui se rebelle contre le régime totalitaire.

La série est par ailleurs particulièrement violente. Les plans présentent des corps pendus, des mutilations… Tant de violence finit par la banaliser ; les pendus montrés en permanence finissent par faire partie du décor.

Les femmes deviennent alors humiliées, déshumanisées dans ces scènes de violences, scènes d’ailleurs filmées de la même façon et à la même fréquence que dans la plupart des séries reposant sur une forme de male gaze.

Des moments pseudo-féministes ponctuent l’ensemble, avec des répliques vides de sens posées là par les scénaristes, comme pour dire « mais si, on est féministes et subversifs », lors de grandes démonstrations de rébellions absurdes dans un régime totalitaire (et d’ailleurs absentes du livre). Ainsi, on peut entendre la protagoniste, Defred (June dans la série), dire des répliques clichées de type « Peut-être que l’on est plus fortes que ce que l’on croit» ou «Ils n’auraient jamais dû nous donner des uniformes s’ils ne voulaient pas que l’on devienne une armée»… Autant dire que niveau message féministe, on a vu mieux.

La popularité de la série dessert la cause féministe

La popularité de la série a explosé dans le monde, et notamment aux États-Unis, où elle devient source d’amusement et de divertissement. Les costumes des Servantes, à l’origine portés lors de manifestations féministes en symbole de lutte contre l’oppression patriarcale sur le corps des femmes, sont vendus pour Halloween. Des soirées à thème autour de la série sont organisées, à l’instar de la soirée – terrifiante – organisée par Kylie Jenner, lors de laquelle les invitées étaient habillées en Servantes, et accueillies d’un « Praised be » (« Loué soit-il » en Français) prononcé par des Marthas (sorte de caste de gouvernantes dans le régime) leur proposant des cocktails, eux aussi ayant des noms inspirés de la série.

L’oppression physique de femmes, la réduction de leurs libertés, leur viol, leur féminicide, deviennent ainsi un objet de pop-culture apprécié par un fandom qui, au lieu d’explorer les problèmes mis en lumière, ne fait qu’aduler l’héroïsme bancal d’une héroïne finalement assez cliché.

La série apparaît ainsi comme dangereuse, puisqu’elle pousse des personnes à aduler une sombre dystopie, de laquelle on s’approche pourtant de plus en plus.

Alors que la série devrait interpeller, elle devient donc une sorte de tendance à laquelle les téléspectateurs accrochent, une forme de source d’inspiration dangereuse dont il faudrait s’éloigner.

Auteure : Léa Le Moan

(c) Ill. https://deepdreamgenerator.com/

* https://journals.openedition.org/communication/5234

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