L’e-commerce en France ne cesse de se développer. Récemment encore, la Fevad constatait un bond de 8,3% en valeur des échanges en ligne au troisième trimestre. Mais les commerçants en ligne n’ont-ils pas du souci à se faire ? Le doute est permis si on en croit une étude* qui se focalise sur une phase méconnue du cycle d’achat, celle du « post-achat ».
La France est le 7ème acteur mondial du e-shopping derrière l’Inde, avec un chiffre d’affaires de 39,3 milliards d’euros et 571 millions de transactions au 2ème trimestre 2023. Data.ai, leader mondial de l’analyse et de la valorisation des données d’applis mobiles, dit que, mondialement, le nombre de téléchargements d’applis Shopping ne cesse d’augmenter. Et que la France est le deuxième pays après la Chine où la croissance des téléchargements a été la plus forte au 3ème trimestre. Entre le troisième et quatrième trimestre 2023, Data.ai prévoit une croissance des téléchargements d’applis Shopping 2023 de +9,3% dans le monde… et de +13% en France.
Si l’on pouvait dire aux commerçants ce que l’on pense…
Les commerçants en ligne ont beau afficher une belle sérénité et se féliciter de savoir recruter de nouveaux clients en quantité, ils méconnaissent les griefs des acheteurs à leur égard. Ah ! s’ils avaient une idée de tout ce qu’on aimerait leur dire sur le mauvais suivi des envois, les délais pas respectés, les dates de livraison erratiques, les politiques de gestion des retours inadaptées, une communication maladroite et trop agressive, l’absence de prise en compte des avis laissés…
De façon simplifiée, la trilogie des principaux problèmes pourrait se résumer de la sorte : taux de retours élevés, insatisfaction croissante, exigences accrues des plus jeunes. Ainsi, cette étude, qui a été menée par Dynata auprès de 1000 personnes en France, révèle un fossé grandissant entre les attentes des consommateurs et la façon dont les marques en ligne accompagnent leurs clients après l’acte d’achat.
Selon l’étude, plus des trois-quarts des clients disent qu’ils ne reviendront pas sur un site de vente en ligne si leur expérience s’est mal passée. Les livraisons sont ici un point de friction majeur et les consommateurs attendent vraiment que les marques communiquent avec eux quand un problème se profile. 87% voudraient recevoir des notifications en cas de retard ou pour mettre à jour une date de livraison. Un tiers ont même l’impression – désastreuse – que c’est à eux de contacter le vendeur en cas de problème, alors que, bien légitimement, ils attendent le contraire.
Comment instaurer une relation de confiance ?
En cas de problème, une communication fluide et transparente est essentielle pour restaurer une relation de confiance. La réactivité est un atout majeur pour les e-marchands puisque les répondants sont généralement sensibles à des excuses associées à une réduction, tandis qu’une petite moitié valorise un service client empathique et proactif. Mais tous ne souhaitent pas être approchés de la même façon : un tiers des répondants aiment être contactés par un service-client, tandis qu’une grosse moitié préfère éviter toute interaction humaine. Cette subtilité peut échapper aux marques, qui n’ont pas forcément les moyens de savoir qui préfère quoi. Mais qui est essentielle pour engager la conversation avec leurs clients.
Si 91% des acheteurs ont déjà rencontré un problème de livraison, le chiffre monte à 97% chez les moins de 25 ans. Digital natives, les Gen-Z sont de loin les plus exigeants et ne se sentent pas bien pris en compte par les e-commerçants. Plus de la moitié des 18-35 ans effectuent au moins un achat en ligne par semaine, constituant ainsi une base de clientèle à fort potentiel. Et ils ne sont pas prêts à transiger sur la qualité : les répondants de cette tranche d’âge estiment quasi-unanimement qu’une excellente expérience post-achat serait un facteur de fidélisation majeur. Les jeunes sont au cœur de la transformation du e-commerce. Par leurs attentes et leur niveau d’exigence, ils en dessinent l’avenir. Leurs avis sont essentiels pour pouvoir modeler des expériences d’achat toujours plus en phase avec leurs aspirations.
La gestion des « retours » : un mot à double sens
D’ailleurs, les avis laissés en ligne par les acheteurs précédents jouent un rôle tout aussi important dans la décision d’achat. 94% des consommateurs déclarent se laisser influencer, notamment les 36-45 ans. Ces avis sont une véritable force de persuasion, ou de dissuasion, alors que 3 Français sur 5 sont prêts à laisser un commentaire sur un produit… ou sur leur expérience d’achat : pour cela, on attend généralement quelques jours, mais un cinquième des consommateurs le font dès après avoir reçu leur livraison.
Les jeunes se différencient aussi de leurs aînés en ce qui concerne les retours de marchandise, qui font pour les consommateurs partie intégrante de l’expérience d’achat : 5 acheteurs en ligne sur 6 vérifient systématiquement les conditions de retour avant de valider une commande. Ceux-ci plébiscitent les retours gratuits pour quatre-cinquièmes d’entre eux, et les remboursements rapides pour deux tiers d’entre eux. Mais les moins de 35 ans, surtout les hommes, se disent prêts à payer pour faciliter les retours.
Les e-commerçants voudront peut-être retenir un certain nombre de fondamentaux qui ressortent de cette étude : 6 répondants sur 10 privilégient le respect de la date de livraison promise plutôt que la rapidité ; 53% sont sensibles à des excuses associées à une réduction ; 94% des consommateurs sont influencés par les avis et 3 sur 5 sont prêts à en laisser un.
Conquérir c’est bien. Savoir retenir, c’est mieux
La conquête de nouveaux clients, qui aux yeux de nombreux acteurs de la vente et du marketing est une phase « noble », est aussi la plus coûteuse. Le temps de l’« après-achat » reste déconsidéré, alors qu’il est commercialement le plus fructueux, celui où les consommateurs sont les plus réceptifs aux échanges avec un commerçant en ligne : c’est là que les mails, promotions, recommandations, programmes de fidélité trouvent le plus d’écho.
Au-delà de la simple résolution des problèmes, la phase de « post-achat » est cruciale pour établir une bonne communication entre consommateurs et e-commerçants. Elle est la plus propice pour interagir avec les clients. Une majorité d’entre eux lisent les mails envoyés par les e-marchands après un achat en ligne, toutes catégories confondues, révélant un levier de communication sous-exploité pour aborder différents sujets. La moitié des consommateurs apprécient les promotions proposées à ce moment-là. Un gros tiers se laisse tenter par les recommandations de produits. Plus d’un quart cherche même à en savoir plus sur les programmes de fidélité à ce moment-là.
Que les e-commerçants n’effectuent aucun suivi, n’engagent aucun échange et voilà l’opportunité manquée d’établir un lien qui peut devenir durable. Simplement avoir l’honnêteté de s’excuser et de chercher à réparer ce qui a endommagé la relation contribue également grandement à fidéliser un client.
Prendre en compte les attentes
Les marques risquent d’être déconnectées de leurs clients si elles ne prennent pas leurs attentes en compte. Le constat est particulièrement important pour les jeunes. Avec, à terme, des conséquences négatives sur leurs parts de marché ou sur leur réputation, malgré les efforts considérables des marques pour séduire et attirer les clients au départ. Un client satisfait pourrait revenir, un client insatisfait ne reviendra certainement pas.
Il est très important que les enseignes cherchent à dialoguer avec leurs clients au moment où ceux-ci sont les plus réceptifs, sans pour autant les submerger. La difficulté est de trouver le bon équilibre, savoir où placer le curseur et quels canaux utiliser.
En cette période de Fêtes, c’est le moment de vérifier que la conversation avec les consommateurs ne saurait s’arrêter au moment où ils valident leur panier. En cherchant à la poursuivre, en veillant à ce que les acheteurs se sentent valorisés et reconnus, il est probable qu’ils resteront clients dans la nouvelle année.
Auteur : Agop Ashjian, PDG de Shipup
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* Pour réaliser cette enquête, Shipup a collaboré avec Dynata. Echantillon représentatif de la population française de 1 000 clients, tous ayant effectué des achats en ligne au cours des six derniers mois. Les enquêtes ont été réalisées du 13 au 26 juillet 2023 par le biais de questionnaires envoyés par mail.
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(c) Ill. Auteur : Benoit Billard