74% des internautes déclarent utiliser un deuxième écran lorsqu’ils regardent la Télévision. Pour 58% d’entre eux, cet écran est en lien avec le programme qu’ils regardent. Ces chiffres* mettent en évidence le bouleversement comportemental du téléspectateur face à la Télévision. Le téléspectateur est devenu multi-tâches. Il utilise ainsi son ordinateur, sa tablette ou son téléphone portable en parallèle de sa consommation télévisuelle. Cette nouvelle tendance s’explique par la révolution numérique que nous sommes en train de vivre.
Parallèlement, les réseaux sociaux se développent de plus en plus et se démocratisent. Facebook compte 26 millions d’utilisateurs dont 40% sont fans de page de la catégorie Média. Twitter représente 5,5 millions d’abonnées dont 51% suivent des comptes Twitter de chaînes TV. Ce réseau est en phase de croissance, puisque l’on note une augmentation de 53% de ses abonnés en un an. Il s’avère être le réseau de la télévision puisque 80% des tweets sont générés par la Télévision.
La Social TV, c’est donc la rencontre entre la Télévision et les réseaux sociaux. Avec le développement des réseaux sociaux et du multi-tasking, la Télévision engendre de plus en plus de réactions en ligne.
La Social TV s’illustre par :
- La création de nouveaux formats de programmes TV interactifs donnant plus de pouvoir au téléspectateur (exemple : lors de la diffusion de la série Hawaï 5-0, M6 propose aux téléspectateurs de choisir sur Twitter la fin qu’ils souhaitent voir diffusée à l’antenne)
- La mise en place de dispositifs digitaux permettant de prolonger le programme TV au-delà de sa diffusion
- La création de nouveaux formats publicitaires : les publicités synchronisées utilisant un Shazam
- Alimentation des conversations sur les réseaux sociaux.
Des nouveaux dispositifs de Social TV fleurissent de jour en jour, je me suis ainsi demandé en quoi la Social TV pouvait être un levier de croissance pour les chaînes de télévision, en d’autres termes comment les chaînes TV peuvent monétiser ces nouveaux dispositifs.
Pour y répondre j’ai réalisé deux études qualitatives au travers d’entretiens semi-directifs menés auprès de professionnels issus de l’écosystème de la Télévision et de consommateurs hyper-connectés âgés de 18 à 35 ans.
3 leviers de croissance pour la social TV
A l’issu de cette étude j’ai identifié 3 leviers de croissance sur lesquels la Social TV agit, et qui favorisent la croissance des chaînes de Télévision.
Il y a ainsi la publicité, avec la monétisation de nouveaux espaces de communications sur les applications mobiles second écran, mais aussi l’offre de publicité interactive qui associe la puissance du média TV et le ciblage précis du digital. La Social TV permet également de revaloriser les écrans publicitaires autour des programmes TV à forte audience sociale notamment grâce au retargeting Twitter. Un utilisateur qui tweete à propos d’un programme TV est potentiellement devant son téléviseur et est donc exposé aux spots publicitaires qui entourent le programme. Twitter propose aux annonceurs présents dans ces écrans publicitaires, un écho digital de leurs spots publicitaire. Ils vont donc « recibler » dans la newsfeed des téléspectateurs une publicité qui sera le complément, l’écho du spot publicitaire diffusé à la Télévision.
Le second levier de croissance est le recrutement et la fidélisation des téléspectateurs. En effet on observe un phénomène de recommandation sociale. Le téléspectateur qui partage ou publie une information autour d’un programme télévisé va influencer indirectement ses amis à regarder le programme. Les conversations sociales apportent une meilleure visibilité du programme sur la toile, donc une meilleure notoriété. Par ailleurs un programme TV dont on parle beaucoup, intrigue et attise la curiosité des téléspectateurs.
Penser aux conversations sociales…
Les conversations sociales sont également utilisées comme voix de retour des téléspectateurs sur les programmes télévisés. Les producteurs et les diffuseurs peuvent en tenir compte pour déceler les éléments qui n’ont pas plu aux téléspectateurs et ainsi apporter des améliorations. Les programmes deviennent ainsi de plus en plus en adéquation avec les attentes des téléspectateurs, ce qui permet de conserver l’audience.
Le développement de programmes collaboratifs est également une façon de fidéliser le téléspectateur car il se sent plus impliqué et plus engagé.
Enfin, le troisième levier de croissance est l’image de marque. En effet l’innovation est un levier fort de croissance car c’est bien souvent elle qui génère de la valeur. Ainsi les chaînes de Télévision se lancent dans la Social TV afin de se montrer toujours plus innovantes et créatives. Par ailleurs la Social TV est une tendance en pleine croissance encore peu exploitée. Ainsi dès qu’une chaîne de télévision développe un nouveau dispositif interactif permettant une expérience utilisateur enrichissante, tous les regards se tournent vers elle. Investir dans la Social TV, c’est investir dans sa propre image de marque.
Les implications managériales sont donc multiples. L’intensité concurrentielle de la Télévision est de plus en plus forte, le consommateur est soumis à une offre de plus en plus large. L’enjeu pour les chaînes de Télévision est donc de se différencier en apportant une valeur ajoutée à leurs programmes (rappelons que 59% des téléspectateurs souhaitent plus d’interactivité avec leur programme TV).
Cette interactivité a lieu avant, pendant et après le programme télévisé.
Le Superbowl 2013 a été l’événement le plus commenté de l’année 2013 avec 30,6 millions de commentaires sociaux. Les coupures publicitaires sont également jugées et commentées par les internautes. Ainsi la social TV permet aux marques d’avoir un retour immédiat sur leur communication publicitaire. Ce qui pourra nous amener à voir apparaître dans quelques années des hashtags sur les écrans publicitaires.
La Social TV est le nouveau pas en avant du Web 2.0, elle concerne à la fois les annonceurs, les publicitaires, les producteurs et les chaînes télévisées.
« Vraie » et « fausse » social TV ?
Cependant il y a tout de même quelques limites. Il ne suffit pas d’incruster un hashtag à l’antenne pour faire de la Social TV. Il y a encore une méconnaissance des codes des réseaux sociaux chez les producteurs et les chaînes de Télévision. En effet à part les grands groupes tels que TF1, France Télévision, Canal + et M6 qui ont intégrés des services dédiés à la gestion de la stratégie digitale, tous les autres diffuseurs ne savent pas encore appréhender les réseaux sociaux et les utiliser à bon escient. Les réseaux sociaux doivent permettre de créer une relation privilégiée entre la marque et ses consommateurs. Ainsi il faut savoir tirer profit de ses conversations sociales. Par ailleurs la limite de la taille critique est visible également chez les producteurs qui pour la plupart ne savent pas encore comment exploiter ce phénomène. Ils sont conscients de l’importance des réseaux sociaux et de ces conversations, mais n’ont pas les moyens de mettre en place des équipes digitales qui réfléchiront à la digitalisation des programmes.
Pour la plupart des programmes TV, la Social TV se limite à la diffusion d’une sélection de tweets émis par les téléspectateurs au sujet du programme. Or l’intérêt de celle-ci n’est pas là. Il est dans l’enrichissement de l’expérience télévisuelle, avec le développement de programmes complètement issus de la contribution du téléspectateur.
Si l’on décide d’afficher les tweets à l’écran il faut alors qu’il n’ y ait aucun filtre pour être cohérent avec ce qu’il se passe sur la toile. Car dans le cas contraire, on perd la confiance des téléspectateurs.
Auteur : Zeyneb Nefikha – INSEEC Paris, lauréate du Palmarès des 7èmes Trophées des Etudes Marketing & Opinion. Profil LinkedIn
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* Source Agedis Media – D’après l’étude Institut CSA-NPA – Baromètre TV connectée – Mai 2012
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