Si l’inattendu est imprévisible par définition, chacun sait néanmoins qu’il survient…
Des dérèglements climatiques aux buzz médiatiques, nombreuses sont les sources extérieures qui créent l’impérieux besoin du consommateur, cette nécessité absolue quoiqu’imprévisible. Mais si l’inattendu est imprédictible par définition, chacun sait néanmoins qu’il survient. Les acteurs de la fonction achats de l’ère digitale sont donc soumis à la contrainte sinon inédite, du moins très renforcée par le phénomène digital, de devoir anticiper ce qui advient, appréhendant les envies et les besoins du consommateur comme des accidents, ou comme des opportunités parfois éphémères.
Mais au-delà des mots et des concepts, quels sont ces « accidents » ou opportunités de ventes ? Sont-ils réels ou phantasmagoriques ? Comment classer les sources extérieures créant les impérieux besoins du consommateur ? Quel est leur poids économique pour les enseignes de la distribution ?
On distingue essentiellement deux sortes de facteurs extérieurs exceptionnels.
Aléas météorologiques…
Les incidents prévisibles dans un délai très court tels que les phénomènes d’aléas météorologiques forment le premier ensemble. Arrêtons-nous sur quelques exemples.
L’été, il fait chaud, voire très chaud, jusque là, rien d’exceptionnel. Seulement parfois, il fait très très chaud et surviennent des épisodes caniculaires. Si l’étymologie du terme permet de délimiter la fenêtre temporelle de ces phénomènes, rien ne permet néanmoins de prédire à moyen terme avec certitude leur avènement dans un délai raisonnable. Par conséquent, lorsqu’une vague de chaleur asphyxie les consommateurs, ils se précipitent dans les magasins pour se procurer climatiseurs et ventilateurs, une belle opportunité ! On écoule rapidement les quelques stocks, et si par chance on travaille avec de bons fournisseurs, on s’assure d’un réapprovisionnement rapide. Mais – il y a toujours un mais – que fait-on pour satisfaire la demande du consommateur qui souhaite se procurer le tout dernier ventilateur Dyson, celui sans hélice, mais qui n’est pas référencé par son enseigne ? Là, c’est le drame. On perd la vente et peut-être aussi le client. Et probablement beaucoup d’autres ventes et clients. Il faut créer la référence du produit et cette démarche de référencement prend souvent plus de temps que ne dure l’opportunité de vente ; le temps que le produit soit référencé et disponible à la vente, la canicule sera terminée.
De même, lorsque le climat se déchaîne et qu’une région se trouve par exemple inondée, la demande en produits à priori exotiques pour les grandes enseignes de la distribution explose. Bateaux gonflables, pompes, groupes électrogènes sont dans tous les esprits des sinistrés. Encore faut-il être capable de leur proposer à la vente ces produits inattendus.
Evénements exceptionnels
Un second groupe rassemble tous les événements d’actualité, sportifs et culturels inattendus qu’ils soient liés aux people ou au buzz ; le fameux mot de l’époque.
Nous connaissons tous la belle Angelina Jolie. Mais nous ne connaissions pas ses secrets de beauté. C’était sans compter sur l’intervention fortuite des paparazzi… Souvenons-nous. La magnifique actrice est en tournée de promotion pour la sortie du film Maléfique*. Alors qu’elle pose pour la presse, le doux matraquage phosphorescent des flashes des photographes révèle de grandes traces de poudre blanche qui redessinent avantageusement les contours de son visage. Invisible à l’éclairage ambiant, sa fameuse poudre de « contouring » ne résiste pas à l’exposition des flashes. Et comme le dit le vieil adage, le malheur des uns… Dans les jours qui suivent, ruée des jeunes fans dans les boutiques de cosmétiques, toutes à la recherche de la fameuse poudre. Ne pouvant anticiper la révélation surprise de ce secret de star, les détaillants en produits cosmétiques n’ont pu achalander leurs boutiques avec la poudre magique. Et c’est à ce moment précis que la course commence. Il y a un avantage concurrentiel certain aux premiers commerçants capables de proposer le bon produit car les lancements de produits portent une part significative de chiffre d’affaires. La (très) belle Angelina reste une valeur sûre, et lorsqu’elle lance une mode on doit plutôt parler de lancement de tendance parce que le phénomène de demande du consommateur s’inscrit dans une certaine durée. Néanmoins, avantage aux plus réactifs qui sont en mesure de capter les achats impulsifs à l’ère du fast fashion**.
A l’ère du nouveau consommateur digital, informé, exigeant et impatient, l’un des nouveaux écueils menaçant les acheteurs de la distribution se présente comme une fenêtre temporelle de plus en plus réduite pour trouver et proposer à la vente le produit phare ou unique attendu par le consommateur, qui ne manque pas d’en exprimer l’impérieuse nécessité, le besoin pressé et quasi vital.
Comprendre le phénomène des ventes opportunistes, en mesurer l’importance et les impacts sur les métiers de la distribution, et comprendre en quelques secondes éternelles les bouleversements à venir et les mécaniques à l’œuvre aussi bien dans les changements de modèles économiques que dans les solutions digitales permettant de s’assurer de la juste maîtrise du temps.
Auteur : Jonathan Pitcher, Directeur de la stratégie marketing, SQLI
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* Le contouring désastreux d’Angelina Jolie à la première de Maléfique à Londres : http://goo.gl/ANjCmg Voir aussi : http://goo.gl/5oLBtF
** Le modèle économique dit du fast fashion fait reference aux enseignes de mode et aux distributeurs qui parviennent à embrasser avec success les gouts changeants et evolutions plus que rapides de leur clientèle. “Thanks to their highly responsive supply chain, (some) brands are able to deliver new fashions as soon as a trend emerges while established brands will be unable to respond quickly to a sudden rise in popularity of a certain colour or shape”. Fast fashion: how to keep up with the new ecommerce trend, Georges Berzgal, Econsultancy, 16 October, 2015, https://goo.gl/CUN12X – Voir aussi These Faster-Fashion Brands Plan To Beat Zara At Its Own Game, Liza Darwin, Refinery29, April 8, 2015, http://goo.gl/q59flF ; et Gap to Test ‘Fast Fashion’ Model in Select Stores, Suzanne Kapner, The Wall Street Journal, http://goo.gl/31O2ns
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