Droit et pratiques marketing

Quelles responsabilités pour les utilisateurs de Twitter ?

Quelles responsabilités pour les utilisateurs de Twitter ?

Il a beaucoup été question ces derniers mois de la responsabilité de Twitter, en tant qu’entreprise, pour les écrits de ses utilisateurs, notamment dans le cadre de son litige avec l’UEFJ qui exigeait que le réseau de micro-blogging fournisse l’identité des Twittos qui se cachaient derrière le hashtag « #unbonjuif ». Mais quelle responsabilité pèse directement sur les utilisateurs eux-mêmes ? Peut-on être condamné par la justice pour un tweet, voire un retweet ?

Il a beaucoup été question ces derniers mois de la responsabilité de Twitter, en tant qu’entreprise, pour les écrits de ses utilisateurs, notamment dans le cadre de son litige avec l’UEFJ qui exigeait que le réseau de micro-blogging fournisse l’identité des Twittos qui se cachaient derrière le hashtag « #unbonjuif ». Mais quelle responsabilité pèse directement sur les utilisateurs eux-mêmes ? Peut-on être condamné par la justice pour un tweet, voire un retweet ?

Même si un utilisateur se cache derrière l’anonymat, il n’est plus désormais en situation d’impunité : en effet, Twitter, après des mois de bataille judiciaire, a indiqué en juillet 2013 avoir livré à la justice française les données d’identification d’auteurs de tweets racistes et antisémites, ouvrant la voie à des actions directes contre eux.

1111 Citations de Stratégie, Marketing, Communication, par Serge-Henri Saint-Michel

A fortiori donc s’il agit sous son nom sur le réseau social, comme les journalistes, les personnalités, les entreprises via les professionnels du marketing et de nombreux particuliers.

Pas de différence théorique entre Twitter et la presse ou les blogs…

D’un point de vue théorique, il n’existe aucune différence entre la responsabilité qui pèserait sur les utilisateurs de Twitter par rapport aux bloggeurs et autres éditeurs de sites internet (le statut particulier des journalistes professionnels, notamment sur le secret des sources, étant mis à part).

Depuis le début des années 2000, juristes et aficionados discutent la question de savoir si les nouveaux médias qui apparaissent les uns derrière les autres doivent être soumis aux bons vieux principes. La justice tâtonne parfois, crée de nouveaux concepts pour s’adapter, comme la notion d’hébergeur et d’éditeur de contenu qui sont responsables mais pas avec la même intensité. Toutefois, à la fin la réponse est toujours la même : oui.

En effet, le principe reste la liberté d’expression garantie par la Déclaration des droits de l’homme de 1789 dans les limites de la loi, peu important le caractère professionnel ou non de celui qui s’exprime et surtout peu important le support média.

Les limites prévues par la loi à la liberté d’expression sont classiques mais ont tendance à croître : diffamation et injure à caractère discriminatoire ou non, publication de fausses nouvelles, provocation à un crime ou délit, négation de crime contre humanité, violation du secret de l’instruction, violation des droits de propriété intellectuelle, violation des droits à l’image et autres droits de la personnalité, violation de la vie privée, violation de la règlementation sur la publicité etc.

Certaines sont sanctionnées pénalement par des peines d’emprisonnement et d’amende, d’autres uniquement civilement mais toutes peuvent donner lieu à l’octroi, pour la victime, de substantiels dommages-intérêts.

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Il ne fait donc aucun doute sur le fait qu’un utilisateur déterminé et identifiable qui commettrait par un tweet l’un des délits ou fautes prévus par la loi pourrait être poursuivi et condamné, seul ou avec Twitter, par la justice française.

…mais des complications pratiques et des spécificités

Sylvia Israel, Avocate en propriété intellectuelle, droit de l'informatique et des nouvelles technologies chez Staub & Associés

Sylvia Israel, Avocate en propriété intellectuelle, droit de l’informatique et des nouvelles technologies chez Staub & Associés

Comme sur tout média en ligne, plusieurs questions pratiques se posent pour engager la responsabilité d’un utilisateur de Twitter.

Tout d’abord la preuve des faits, qui passe par un constat d’huissier sur Internet devant remplir de stricts critères techniques pour être valables devant le juge.

Ensuite l’identification du responsable : levée de l’anonymat si nécessaire par une action en justice contre Twitter, recherche de la personne et de son adresse physique pour engager l’action concrètement, identification du « directeur de la publication » en cas de personne morale etc.

Si l’auteur des faits est à l’étranger, la poursuite se complique nécessairement ; si le Tweet ne vise pas le public français (tweet en langue étrangère par exemple), cela peut avoir un impact sur les poursuites de certaines infractions comme la contrefaçon de droits de propriété intellectuelle. La justice française peut n’être pas compétente pour tous les faits qui se produiraient sur Twitter, ce qui s’analyse au cas par cas.

Enfin, par le jeu des Hashtags, un grand nombre de personnes peut être impliqué dans des faits illicites alors qu’il ne serait intéressant que de rechercher les véritables auteurs initiaux.

La situation de l’utilisateur de Twitter est indubitablement originale : en tant que site de micro-blogging, Twitter est un média de chacun pour tous. Par conséquent, chacun se trouve en position d’être lu, retweeté voire pris en exemple dans la presse grand public.

A la différence de Facebook ou d’autres réseaux sociaux qui constituent des espaces personnels plus ou moins ouverts, où il est possible de se cacher derrière des paramètres de confidentialité, Twitter est majoritairement en mode « public » et doit donc être considéré juridiquement comme une publication, ce qui peut avoir des conséquences sur la qualification de certaines infractions.

Un arrêt de la Cour de cassation du 10 avril 2013 a par exemple considéré que n’était pas une injure « publique » le fait de commettre une injure sur Facebook quand son profil n’est « accessible qu’aux seules personnes agréées » et « en nombre restreint ». Cette relative protection ne devrait jouer qu’à la marge sur Twitter car les tweets sont normalement accessibles à tous et pas seulement aux « followers », même si ce sont eux que cela intéresse en priorité.

Est également spécifique la situation de retweet : l’utilisateur qui retweete un tweet illicite commet-il également l’infraction en tant qu’auteur, complice ? Civilement, est-il fautif de retweeter un tweet illicite et sous quelles conditions ?

Le nombre de retweets peut diluer l’identification de chacun et les victimes auront naturellement tendance à poursuivre en priorité l’auteur du tweet initial, ce qui explique qu’à notre connaissance aucune décision ne soit intervenue à ce jour sur ce point.

Toutefois la question n’est pas théorique car la reproduction ou la diffusion d’un contenu illicite, par exemple en violation d’un droit d’auteur, est fautive en elle-même. Ainsi, si un tweet contient une photographie protégée, le retweeter revient à reproduire à nouveau la photographie.

Tout dépend donc des critères de l’infraction ou de la faute déterminée et si le fait d’en reprendre le contenu est fautif ou non.

Chaque Twitto doit donc rester prudent : éviter bien sûr de commettre des infractions via ses propres tweets mais également se méfier du retweet ou par précaution ajouter un message de son cru lorsqu’il retweete un tweet qu’il ne cautionne pas.

En conclusion, ce n’est pas parce qu’un fait illicite se déroulera sur Twitter ou que l’on y a participé de près ou de loin que l’on sera forcément poursuivi, mais le risque existe car juridiquement, la responsabilité peut exister et l’écran de Twitter n’est ni une immunité ni une impunité.

Auteur : Sylvia Israel, Avocate en propriété intellectuelle, droit de l’informatique et des nouvelles technologies chez Staub & Associés

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Un article de notre dossier Twitter & Marketing

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(c) ill. Shutterstock – dog with a red rose. Choix de la rédac’ car « on the Internet nobody knows I’m a dog » 😉

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