Dopée à l’intelligence artificielle, en format court ou format long, live ou publiée sur Twitch, LinkedIn, Facebook, Instagram, YouTube, TikTok ou autre, la vidéo devient incontournable d’une stratégie de content ou de notoriété. Alors comment séparer le bon grain de l’ivraie ?
Abondance et appauvrissement des formats et des contenus
Avec la surabondance de contenus et la surabondance de contributeurs, on retrouve notre classique guerre de l’attention et son lot de KPIs. La « guerre de l’attention » (expression popularisée par l’ouvrage d’Yves Marry et Florent Souillot) devient un enjeu essentiel pour les créateurs et les diffuseurs de contenus, avec l’omniprésence des écrans (7 en moyenne par foyer).
Les créateurs de contenus se livrent ainsi à une guerre de chaque instant, pour capter jusqu’à 10 heures d’écrans chez les adultes et plus encore chez les adolescents. Le like n’est d’ailleurs plus le KPI essentiel de l’engagement : en vidéo, il convient à présent de considérer le Watch Time (traduire par % du temps moyen de visionnage d’une vidéo par votre audience.) Le contenu n’est plus seulement pourvoyeur de leads, de parts de voix et de notoriété, il devient un business.
Pour les influenceurs professionnels, en particulier dans le B2C, la monétisation des contenus sur les médias sociaux demande à jongler avec les règles de plus en plus complexes des algorithmes, qui vont prendre en compte la taille de la communauté, sa spécificité, son engagement, sa fidélité… Ce qui mène parfois à une profusion de contenus, mais cet engouement touche aussi les professionnels du B2B.
La vidéo plébiscitée en BtoB aussi
Car au-delà des usages traditionnels, comme les témoignages clients ou le e-learning, les vidéos se sont popularisées au travers des webinars bien sûr, en particulier ces deux dernières années. Elles ont profité des progrès techniques de la traduction simultanée et de l’ajout automatique de sous-titres (Speech To Text opéré par l’IA). Les vidéos deviennent aussi complémentaires des événements (approches hybrides présentiel-virtuel) et se développent dans les autres assets du marketing : les emailings, brochures et datasheets. Signe de l’évolution des usages, les démos enregistrées sont plus créatives, plus courtes plus impactantes. Avec des logiciels comme Loom, il est facile d’enregistrer son écran d’ordinateur (screen recorder) et en parallèle une vidéo d’accompagnement au travers de sa webcam. Le présentateur apparait ainsi incarné dans une capsule superposée à la démonstration.
L’objectif est de proposer toujours plus de personnalisation, de contenus complémentaires, avec souvent l’usage du QR code comme passerelle vers un usage qui est aussi de plus en plus mobile.
Pourtant devant cette nouvelle abondance de formats, 2023 devrait marquer un retour à un contenu structuré, régulier, porteur de valeur et moins de snack content, parfois envoutant mais bien souvent lobotomisant ; celui-ci s’opposera-t-il au développement des contenus « auto générés » par l’intelligence artificielle ?
L’IA va a-t-elle plier le game ?
En la matière, les innovations sont nombreuses et impressionnantes et comme souvent, avec l’IA, les opinions sont radicales. Alors que les nouveaux convertis chantent les louanges de Chat GPT et prédisent un grand remplacement, ceux qui pratiquent l’IA depuis plus longtemps prennent un peu plus de recul. Pourtant, même si on peut mettre en garde sur les limites de la créativité due à l’entrainement des modèles à partir d’un nombre limité, peu varié ou biaisé des données à disposition, les progrès restent impressionnants. Autre exemple, le sous titrage automatique appliqué aux vidéos sur YouTube commence à devenir de plus en plus précis. NVIDIA propose au travers de son application NVIDIA Broadcast et sa fonctionnalité à base d’IA :« contact visuel », de nous faire regarder la caméra… Même si on ne la regarde pas. Votre interlocuteur aura ainsi l’impression que vous ne le lâchez pas du regard, même si vous lisez des notes ou le message que vous venez de recevoir sur votre smartphone, ou que plus simplement vous ne fixez pas votre caméra etc. Et ce sont des cas d’usages simples, comparés à ce que l’IA générative nous promet !
Les algorithmes d’intelligence artificielle générative
Il y a quelques années (2016), nous suivions ébahis les premiers deepfakes vidéo, phénomènes amplifiés avec la mise en ligne de l’application FakeApp en 2018. Aujourd’hui, les solutions d’intelligence artificielle générative disponibles sont toujours plus nombreuses : Pictory, Synthesys, Elai.io, InVideo etc. Synthesia.io vous permet ainsi de créer un présentateur vidéo et offre une bibliothèque d’avatars très réalistes (ou vous propose d’en créer un à votre image). Vous pouvez ensuite définir le fond de votre vidéo : des bureaux, une usine… Ne reste qu’à ajouter du texte ou votre script (60+ langues disponibles) et l’avatar va s’animer. En quelques minutes, vous avez une vidéo de qualité en plusieurs langues, exportable ou prête à être intégrée à un PowerPoint. Dans le cadre d’un usage non professionnel, il vous en coutera quelques 30$ par mois, pour une dizaine de vidéos. Les applications pour le marketing sont évidentes. Vous pouvez ainsi transformer vos articles de blog en des vidéos attrayantes à utiliser pour les médias sociaux ou votre site Web. Vous pouvez aussi intégrer cette technologie dans vos projets de webinar, de formations ou enrichir vos solutions d’e-learning.
Autre exemple d’utilisation avec la presse : Brut.IA *expérimente depuis quelques temps l’intelligence artificielle (IA). Le média a créé des avatars à partir d’un ou plusieurs journalistes et utilise la technologie de ChatGPT pour générer un résumé d’articles de l’Agence France Presse. Pour ensuite faire incarner ce texte en vidéo par l’un de ses avatars et diffuser sur des plateformes comme TiKTok. Le contenu est toutefois vérifié, corrigé et validé par un journaliste de Brut, avant publication.
Un domaine que les grands acteurs ne vont pas laisser aux seules start-ups. En octobre 2022, quelques temps après le Make-A-Video de Meta, c’est effectivement au tour de Google de se lancer dans un générateur de vidéos, basé sur l’intelligence artificielle : Imagen video.
« Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités »
Tante May dans Spider-Man : No Way Home
Avec l’engouement et la multiplication des cas d’usages viennent les questions de responsabilités. Un groupe d’artistes vient d’intenter un recours collectif contre les générateurs d’images IA Stable Diffusion et Midjourney**. L’un des avocats de plaignants, Matthew Butterick, accuse les générateurs d’images d’être « un outil de collage du 21e siècle qui remixe les œuvres protégées par le droit d’auteur de millions d’artistes, dont le travail a été utilisé comme données de formation ». Parallèlement, DALL-E 2 vous promet de générer des vidéos uniques et vous propose d’obtenir, depuis octobre 2022, les droits d’utilisation, de réimpression, de vente et de commercialisation. Un sujet à suivre.
La chaine de valeurs des acteurs impliqués dans la vidéo sera certainement bouleversée à défaut d’être uberisée. Et les pratiques marketing devront s’adapter.
Auteur : Jean-Denis Garo, Head of Product Marketing Odigo, Administrateur du CMIT.
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* https://www.tiktok.com/@brut.ia
** https://petapixel.com/2023/01/17/lawsuit-filed-against-ai-image-generators-stable-diffusion-and-midjourney/
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